Croire, voir, faire : Traverses , livre ebook

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" Déambuler à travers champs ; susciter les rencontres entre des arts, des métiers et des hommes qui d'ordinaire préfèrent s'ignorer ; aller et venir, car les idées viennent en marchant " : telle est la méthode de Régis Debray. Passeur des savoirs, méditant sur les anges et les visages, mais aussi témoin engagé, le voici en toute liberté rebondissant sur Debord et Benjamin, le Che, Lévi-Strauss ou Malraux, sur la guerre a l'âge des réseaux et la politique de la technique, sur les métamorphoses du paysage ou encore sur le poids du livre dans nos fluidités numériques. " Ici le lecteur est invité à faire l'école buissonnière, à se donner de petites récréations en forme d'échappées, pour mieux approcher de la vérité. "
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Date de parution

01 janvier 1999

Nombre de lectures

0

EAN13

9782738142054

Langue

Français

« Le champ médiologique » collection dirigée par Régis Debray
Nos habitudes de pensée et les cloisonnements disciplinaires du savoir ont élevé insensiblement un mur entre l'univers « noble » des idées, des savoirs, des valeurs et le monde « prosaïque », des outillages, des supports, des moyens de diffusion. C'est à abattre ce mur que s'emploiera « Le champ médiologique ».
Par quels réseaux, par quelles méthodes d'organisation s'est constitué, jadis, tel ou tel héritage symbolique ? Qu'est-ce que l'innovation technique modifie aujourd'hui à telle ou telle institution ? Comment le neuf transforme-t-il le vieux ?
Cette collection accueillera, sans a priori doctrinal, les études précises et documentées permettant de comprendre les interactions, toujours plus déterminantes, entre notre culture et nos machines. Entre nos fins et nos moyens. Entre nos symboles et nos outils.
Régis D EBRAY
Ouvrages déjà parus :
Régis Debray, Transmettre, 1997.
Maurice Sachot, L'Invention du Christ, 1998.
Jean-Michel Frodon, La Projection nationale, 1998.
Monique Sicard, La Fabrique du regard, 1998.
© O DILE J ACOB , JANVIER 1999 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4205-4
ISSN : 1281-5683
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

Tracer des diagonales est le plaisir du médiologue. Il ne pense pas droit. Non qu’il soit, dans sa démarche, tortueux ou tordu, non. Il y va franchement, mais de biais. À l’oblique. Ce qui le conduit à déambuler à travers champs – des champs qui se jouxtent sans se voir, et à susciter des rencontres entre des arts, des métiers et des hommes qui d’ordinaire préfèrent s’ignorer. Et cela, non pour le plaisir de faire l’irrespectueux, en violant les convenances ; ni même pour prendre du bon temps, encore qu’il soit souvent très instructif de musarder le nez en l’air ; mais pour mieux approcher de la vérité. Il est toujours utile, pour commencer, de séparer ce qui paraît uni – c’est la définition même de l’opération critique. Il n’est jamais inutile, dans un deuxième temps, de réunir ce qui semble séparé. Il sort de là certains bonheurs qui ne sont pas d’expression mais de découverte. L’entre-deux est la patrie de qui s’attache aux médiations car c’est dans les zones troubles de l’interférence et de l’interaction que se trouve assez souvent la raison des phénomènes.
Le bonheur des courts-circuits, c’est donc celui de faire connaissance. Il vous donne des allures de dilettante – si l’on appelle amateur celui qui prend des chemins de traverse, en faisant fi des cases qui découpent la carte officielle des savoirs. Mais ne nous y trompons pas. Il faut beaucoup d’études et d’enquêtes préalables pour pouvoir donner l’impression de dévergondage. Et ceux qu’on appelle dédaigneusement, chez les doctes, des « littérateurs » ont produit et deviné, bien avant que ne s’en mêlent les sciences sociales, maintes vérités que l’on appellerait ailleurs des « résultats ». Pensons pour tout ce qui touche aux rapports des formes et des matériaux, du symbolique et du matériel, à Diderot, à Hugo, à Balzac, à Valéry. Les ancêtres et parrains du médiologue. Ce dernier fait en prosateur ce que les grands écrivains font en poètes. Il n’a pas la prétention de produire de l’inouï, du jamais-vu, du fulgurant. Il se contente d’organiser autrement les idées reçues. Ce qui après tout ne manque pas d’ambition si l’on se rappelle le mot de Pascal. « Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau ; c’est la disposition des matières qui est nouvelle »...
Ici donc, le lecteur est invité à oublier son latin, sa syntaxe et ses bonnes habitudes. À faire l’école buissonnière en somme, pour se donner de petites récréations en forme d’échappées, et le tout au pied levé, en passant, en passeur. À aller et venir, car les idées viennent en marchant, entre ce que les hommes peuvent croire, voir et faire. Sans jamais s’écarter d’un axe central, dont nous avons fait notre ligne, et même une question de méthode : c’est en raccordant le Très-Haut et le Très-Bas, le plus spirituel et le plus matériel, qu’un peu de lumière parfois advient.
I
CROIRE
L’École des anges

S’interroger sur l’efficacité des symboles projette le curieux au carrefour des sciences de la communication et des sciences politiques. Quand ces étiquettes, ces disciplines n’existaient pas encore, on butait, à ce croisement dangereux, sur la figure des anges. Ces derniers ont dramatiquement disparu du paysage éducatif, lacune qu’il serait grand temps de combler. Laissez-moi vous dire cependant que, si un médiologue est une espèce tardive et jargonnante d’ angélologue , comme s’intitulaient jadis certains théologiens catholiques spécialisés dans le clair-obscur et l’indécidable (les protestants rechignent aux anges, aux images et aux hiérarchies – tout cela allant ensemble), Rainer Maria Rilke et Michel Serres, avec Les Élégies de Duino et La Légende des Anges , sont les véritables pionniers modernes de cette branche du savoir, oubliée mais combien cruciale. Puissent ces deux grandes références, musicales et réflexives, inséparablement, de tonalité plus sombre chez l’Autrichien, plus lumineuse chez le Français, me servir ici d’anges gardiens.
Les anges, m’objecterez-vous, n’existent pas. Ce sont des mythes. C’est assez vraisemblable, en effet. Mais, on l’a déjà dit, « l’homme se pense dans les mythes », et tout indique dans les premières architectures religieuses une science de l’homme balbutiante, par figures et métaphores. La théologie peut se lire comme une anthropologie à l’état sauvage.
« Médiologie : étude des fonctions sociales supérieures (art, politique, idéologie, etc.) dans leurs rapports avec les structures matérielles de transmission ». Quelque chose de cela flotte en effet, à l’état gazeux, diffus, « comme à travers un nuage », dans la Bible, pour prendre en témoin ce texte fondateur. Il s’agit en somme avec ce néologisme, de poursuivre une tâche commencée depuis fort longtemps : l’anatomie des anges.
Sans doute, les anges du christianisme n’ont pas le prestige structural des totems de Nouvelle-Guinée, et notre histoire sainte n’a pas le même attrait exotique que les mythes du Dakota du Nord analysé par Malinowski ou Lévi-Strauss. On reconnaît aux anthropologues le droit de scruter longuement des histoires d’ours et d’esturgeons chez les Indiens Manamini ou d’aigles changés en hommes, tels mythes de réincarnation prévalant chez les clans hopi de la moutarde sauvage. Pourquoi ne pas prêter la même valeur documentaire, quant au fonctionnement de l’esprit humain, à nos histoires de dragons et d’hommes-oiseaux ? Il est plus difficile de se faire l’ethnologue de nos croyances domestiques, mais il ne semble pas a priori plus absurde de rechercher dans l’histoire des religions, de celles qui ont structuré de grandes civilisations et qui ont passé l’épreuve du temps, autant d’information sur les lois de la nature et de la société que dans les mythologies eskimo ou polynésienne.

I
Occident = Jérusalem + Rome + Athènes ? Là, en tout cas, sont nos substrats. Nos archives. Nos palimpsestes. J’imagine donc que, croyants ou non, vous par courez sans crainte la Bible, même si c’est l’un des ouvrages les plus violents de la littérature mondiale, presque aussi sanguinaire qu’un téléfilm américain (on y a recensé six cents récits de morts violentes ou de combats meurtriers). Avant d’assister aux fureurs vengeresses de Yahvé, vous observerez d’emblée un paradoxe : dans le ciel monothéiste, qu’on supposerait vacant, il y a foule. Dès le ch. VI de la Genèse, apparaissent les « fils d’Élohim » (pour s’apercevoir « que les filles des hommes étaient belles »), êtres mystérieux que les commentateurs identifient aux anges. Double surprise donc : il y a de la chair au Royaume de l’Esprit, et il y a du Multiple autour de l’Un. Que le Dieu unique ne puisse jamais rester seul, en tête à tête avec sa Création, laisse à penser qu’une religion monothéiste l’est toujours moins qu’elle ne le souhaite ; beaucoup moins qu’elle ne l’aurait dû, si elle était restée fidèle à son concept. Et ce moins, cette divine imperfection, réparée bon an mal an par les anges, renvoie déjà à la nécessité de traits d’union entre Dieu et les hommes.
Le Dieu de la Bible n’apparaît en public qu’au milieu de sa cour, son camp, son escorte, son armée, ses cohortes. Tels sont les termes de l’Ancien Testament lorsque d’anges il s’agit, « myriades angéliques », « milices innombrables ». Comme si la puissance de Dieu ne se suffisait pas à elle-même. Ainsi les monarques et présidents, qui ne peuvent s’imaginer sans l’entourage, au milieu de cercles concentriques de gardes du corps, secrétaires, familiers, ministres et courtisans. Yahvé fait assez rarement ses commissions lui-même. Il doit déléguer. Ce n’est pas Lui en personne qui avertit Agar, la servante égyptienne, qu’elle enfantera Ismaël, qui apprend à Abraham qu’il aura un fils de Sarah, qui apparaît à David, qui répond à Esdras perdu dans Babylone ou qui guide le peuple hébreu dans sa marche. Ce n’est pas Allah qui dicte ses versets à Mahomet. Et Moïse lui- même a reçu les Tables de la Loi par l’intermédiaire des anges. Comme si Dieu ne pouvait intervenir directement dans nos affaires. Entre Lui et Ses prophètes eux-mêmes, s’intercale un personnage oblig

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