Les brûlures caustiques du tractus digestif haut de l’adulte constituent une urgence médicochirurgicale pouvant engager le pronostic vital. Elles surviennent habituellement après une tentative d’autolyse. La gravité est principalement liée à la nature, à la concentration et à la quantité du produit ingéré. L’évolution des lésions digestives peut se faire vers la cicatrisation sans séquelles ou l’apparition de sténoses le plus souvent œsophagiennes. En cas de brûlures sévères, une prise en charge multidisciplinaire précoce en centre spécialisé est un élément déterminant du pronostic. Une chirurgie d’exérèse peut alors s’avérer nécessaire. Malgré certaines limites, son indication repose principalement sur les données de l’endoscopie digestive haute. La réalisation d’une tomodensitométrie thoraco-abdominale avec injection de produit de contraste va sans doute modifier les pratiques dans l’avenir.ÉpidémiologieLes ingestions accidentelles de caustique chez l’enfant représentent 80 % des cas observés avec une évolution souvent bénigne. Les ingestions de l’adulte sont plus rares et les principales séries rapportées proviennent de pays en voie de développement, notamment en Inde. Aux États-Unis, une enquête nationale pour l’année 2004 auprès de 62 centres antipoison a recensé 82 854 ingestions de caustique chez l’adulte, soit 9,9 % des prises de toxiques rapportées, aboutissant à 25 des 1 039 décès déclarés. En France, l’incidence n’est pas connue faute de déclaration systématique. Dans une étude rétrospective française chez 315 patients, les principaux produits ingérés étaient par ordre de fréquence décroissante : eau de Javel diluée (34 %), base forte (28,6 %), divers et/ou inconnu (23 ,1 %), acide fort (7,6 %) et ammoniac (6,7 %). Les lésions endoscopiques étaient absentes ou modérées dans 73 % des cas, avec dans ce sous-groupe une évolution bénigne chez 95 % des malades [1]. Dans un centre expert parisien ayant analysé les données de 1 024 patients pris en charge entre 1987 et 2006, 268 patients ont été opérés dans l’urgence (97 % d’ingestions volontaires, dont 70 % de patients ayant un antécédent psychiatrique connu) et 79 patients pour séquelles tardives [3]. Dans le sous-groupe des 268 patients, la mortalité post-opératoire précoce était de 16 %, soit 4 % de la population globale. Leur survie actuarielle était respectivement de 76,4, 63,6 et 53,9 % à 1 an, 5 ans et 10 ans (mortalité tardive principalement secondaire à la reconstruction chirurgicale et surtout à la décompensation de la psychopathie sous-jacente). Le coût total médian de l’ensemble de la prise en charge intrahospitalière était estimé à 139 500 euros par patient. Ces données soulignent l’importance de l’évaluation et de la prise en charge des troubles psychiatriques qui conditionnent de façon majeure le résultat fonctionnel post-opératoire et le devenir à long terme des patients.
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