Le Sida dans le monde
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Le Sida dans le monde , livre ebook

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Description

« Le sida est l’un des événements majeurs de notre époque. Il a changé profondément notre rapport à la sexualité, la relation patient-médecin, l’influence de la société civile dans les relations internationales et la solidarité Nord-Sud. Il a projeté la santé dans les cénacles de la politique nationale et internationale – là où elle doit figurer. Mon expérience de chercheur, de clinicien, de fondateur et de dirigeant de l’Onusida et de militant dans la lutte contre le sida depuis le début de l’épidémie m’a convaincu que, sans expression politique et économique, la science apporte peu aux personnes ; et que, sans fondation scientifique et respect des droits de l’homme, la politique est inefficace et risque même d’être nuisible. » P. P. Les enseignements médicaux, culturels, sociaux et politiques de trente années de lutte contre l’épidémie. Biologiste et épidémiologiste, Peter Piot a été directeur exécutif de l’Onusida (1995-2008). Il est aujourd’hui directeur de la London School of Hygiene & Tropical Medicine. En 2009-2010, il a été professeur au Collège de France dans la chaire « Savoirs contre pauvreté ».  

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 octobre 2011
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738184870
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cet ouvrage s’inscrit dans la collection du Collège de France chez Odile Jacob
La chaire du Collège de France « Savoirs contre pauvreté », dont Peter Piot a été le titulaire en 2009-2010, reçoit le soutien de l’Agence Française de Développement.
© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2011
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8487-0
ISSN 1265-9835
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

« L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé. Mais il n’est peut-être pas moins vain de s’épuiser à comprendre le passé, si l’on ne sait rien du présent 1 . »

Ce livre est fondé sur les dix leçons données dans le cadre de la chaire 2009-2010 « Savoirs contre pauvreté » au Collège de France. L’occasion unique m’a ainsi été donnée de réfléchir sur mon expérience de chercheur, de clinicien, de fondateur et de dirigeant de l’Onusida, et de militant dans la lutte contre le sida depuis le début de l’épidémie. Cette expérience m’a convaincu que, sans expression politique et économique, la science apporte peu aux personnes et que, sans fondation scientifique et respect des droits de l’homme, la politique est inefficace et risque même d’être nuisible.
Le sida est l’un des événements qui ont défini la transition vers le XXI e  siècle. Il a changé profondément notre rapport à la sexualité, la relation patient-médecin, l’influence de la société civile dans les relations internationales et la solidarité Nord-Sud. Il a projeté la santé dans les cénacles de la politique nationale et internationale – là où elle doit figurer.
Qui aurait pu prévoir la pire pandémie de l’histoire moderne depuis la grippe espagnole quand, en juin 1981, a été décrit en quelques lignes, chez cinq hommes blancs homosexuels aux États-Unis, un syndrome d’origine inconnue caractérisé par une pneumonie rare 2  ? C’était il y a plus de trente ans, et ce qui est apparu alors comme la description d’une bizarrerie médicale a été étouffé par bien d’autres événements comme l’accession à la présidence de la France de François Mitterrand, la destitution du premier président iranien Bani Sadr ou la mort de Bob Marley. J’étais alors fortement impliqué dans l’épidémiologie des maladies sexuellement transmissibles en Afrique et en Belgique, mais loin d’imaginer que ce nouveau syndrome allait toucher, en trois décennies, environ 60 millions de personnes et provoquer 25 millions de morts.
Il a fallu beaucoup de temps pour que l’épidémie dans toute son ampleur prenne son vrai visage, celui d’une infection virale sans précédent dans l’histoire, transmise par les fluides sexuels ou par le sang, et de la mère à l’enfant. Les premières perceptions publiques du sida étaient dominées par l’effroi devant le cortège de morts et de souffrances, et par l’angoisse devant la perte du « salut » médical. Jusqu’alors, la science médicale moderne paraissait triomphante et beaucoup pensaient les maladies infectieuses en voie d’extinction. Ces premières années ont aussi été celles de la stigmatisation des personnes infectées par le virus : homosexuels, consommateurs de drogue, hémophiles et aussi Haïtiens ou Africains.
Cette ère n’est pas terminée : même plus subtils, la discrimination et le stigma expliquent encore les retards entre le possible – les programmes efficaces de prévention, comme la réduction des risques et l’utilisation du préservatif – et la situation mondiale actuelle de l’épidémie. Le rapport de l’Onusida sur trente ans d’épidémie montre que des progrès considérables ont été réalisés avec 6,6 millions de personnes sous traitement. Selon ce rapport, le taux d’incidence du VIH a diminué de près de 25 % au niveau mondial entre 2001 et 2009. Il a été réduit de plus de 50 % en Inde et de plus de 35 % en Afrique du Sud. Pour autant, la fin du sida n’est pas en vue avec le nombre toujours élevé de nouvelles infections : 7 000 environ par jour. La perception du sida reste celle d’une maladie affectant l’Autre, entachée de jugements et de condamnations morales car liée à des comportements désapprouvés, voire illégaux, dans la plupart des sociétés.
Certes, les personnes vivant avec le VIH et les malades du sida, à travers leurs associations militantes, arc-boutées à une coalition de jeunes médecins et chercheurs dont j’étais, ont réussi à déssiller progressivement une vision tourmentée par le mal et la culpabilité, et à projeter l’exemple d’hommes, de femmes et d’enfants se battant pour leurs droits à la dignité, au traitement et aux soins, à la participation aux décisions qui les concernent, à la recherche et aux programmes. Cependant, de nombreux États oscillent encore entre plusieurs politiques, et les frontières entre indifférence, discrimination sociale et institutionnelle ou respect des droits de l’homme restent fragiles.
Les mouvements d’idées provoqués par la tragédie mondiale du sida ont permis d’élargir les schémas classiques de la santé publique et d’approfondir les notions de sécurité et de développement humain. La solidarité internationale a tardé, mais elle s’est finalement manifestée par la création d’institutions internationales innovantes comme Onusida, le Fonds mondial et Unitaid. Aides bilatérales, fondations, associations, dirigeants politiques : les soutiens à la lutte contre le sida se sont multipliés. En ce sens, la réponse « non nécessaire » au sida a modifié le monde, de façon que j’espère irréversible, par-delà les différences idéologiques – ce que Jacques Monod appelait un choix qui engage l’avenir 3 . Le caractère exceptionnel de l’épidémie a été reconnu et le monde politique s’est engagé au plus haut niveau. Le financement mondial de la lutte contre le sida est passé d’à peine quelques centaines de millions de dollars avant l’année 2000 à 15 milliards en 2010, une multiplication par cinquante-trois en l’espace de douze ans. En quelques années, dans les pays en développement, plus de 6 millions de personnes vivant avec le VIH ont été mises sous traitement antirétroviral. Pour la première fois depuis trente ans, l’épidémie a nettement reculé sur plusieurs continents 4 .
Ces succès historiques devraient susciter aujourd’hui un redoublement des efforts de prévention, de traitement et de recherche, et un financement accru pour le long terme. D’autant qu’il faut désormais planifier un scénario où, en 2030, les coûts associés à la lutte contre le sida seront deux à trois fois plus élevés qu’aujourd’hui, jusqu’à un niveau de 20 à 30 milliards de dollars par an. En l’absence de percée technologique majeure, les nouvelles infections par le VIH pourraient encore se situer à hauteur de 1 million. Las ! les nuages noirs s’accumulent. La crise économique, les autres problèmes mondiaux, comme l’épuisement prévisible des énergies fossiles et le réchauffement climatique, détournent l’attention du monde. Certains experts estiment qu’on dépense trop pour cette épidémie aux dépens d’autres problèmes de santé ; ils métamorphosent le sida en maladie chronique, à leurs yeux banalisée, oubliant les quelque 34 millions de personnes qui, tôt ou tard, nécessiteront un traitement antirétroviral, et négligeant que, quand une seule personne est mise sous traitement antirétroviral, ce sont deux à trois nouvelles infections qui se produisent dans le monde.
Les financements ont cessé d’augmenter : dans certaines cliniques d’Afrique, les nouveaux malades sont placés sur liste d’attente de traitement antirétroviral. L’écart entre ceux qui ont besoin de traitement et ceux auxquels on peut l’offrir pourrait à nouveau devenir de plus en plus béant. Avec la stagnation des financements, c’est aussi la lutte contre la tuberculose et la malaria qui est menacée. À nouveau, les experts magiciens laissent espérer pour le VIH des solutions simples à des problèmes complexes. Là où il est prouvé scientifiquement que le traitement antirétroviral réduit de plus de 95 % la transmission du VIH parmi les couples sérodiscordants, « tester et traiter », soit un dépistage du VIH parmi toute une population suivi par le traitement antirétroviral de tous les séropositifs, permettrait enfin d’éliminer l’épidémie : un songe, alors qu’au niveau mondial 60 % environ des personnes vivant avec le VIH, qui ont besoin de traitement pour des raisons cliniques, n’y ont toujours pas accès. Si accroître l’accès aux traitements antirétroviraux reste une priorité absolue et contribuera sans doute à une diminution des nouvelles infections du VIH, la remédicalisation du sida apparaît comme un phénix, une régression face aux difficultés de penser le VIH en termes de comportements collectifs, de changements sociaux et culturels, d’économie de transition, d’inégalités de pouvoir et de statut qui surdéterminent les comportements individuels. L’accroissement dramatique des infections après la chute du mur à l’Est, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud et la remontée de la prévalence dans les communautés gays ont montré que les personnes ne pèsent pas leur éventuel risque d’infection comme un manager ses chances de stock-options, et qu’un test, un médicament ou un message de prévention ne suffiront pas à contrôler les déferlantes de l’épidémie.
L’extraordinaire diversité des situations épidémiques requiert désormais une combinaison de prévention adéquate : un ensemble de programmes intégrés – de la circoncision

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