Savant cherche refuge : Comment les grands noms de la science ont survécu à la Seconde Guerre mondiale
153 pages
Français

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Savant cherche refuge : Comment les grands noms de la science ont survécu à la Seconde Guerre mondiale , livre ebook

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Description

Paris, 1937. Laszlo Tisza, jeune savant hongrois, se réfugie à Paris et y rencontre un autre réfugié, Fritz London qui, lui, fuyait l’Allemagne. Ensemble, ils découvrent que la toute nouvelle physique quantique explique l’étrange comportement d’un liquide très froid, l’hélium « superfluide ». Pourtant, la situation est peu propice à la réflexion : bien qu’accueillis par des physiciens célèbres comme Jean Perrin et les Joliot-Curie, ils doivent affronter l’antisémitisme qui les avait contraints à fuir le nazisme. En 1939, la guerre les fait s’exiler à nouveau, cette fois aux États-Unis où ils retrouvent d’autres savants réfugiés. Avec Tisza et London comme guides, Sébastien Balibar nous fait découvrir l’histoire haletante de la fuite des savants juifs devant le nazisme. Il nous fait rencontrer les Hongrois qui aidèrent Einstein à prévenir Roosevelt d’un danger imminent : l’Allemagne nazie envisageait l’arme nucléaire. Et l’on comprend comment de nombreux savants réfugiés, voulant aider leur pays d’accueil, ont réussi ce que l’Allemagne nazie n’a pas pu faire parce qu’elle avait fait fuir ses savants : construire la bombe atomique qui bouleversa l’équilibre mondial. Sébastien Balibar est physicien, directeur de recherches à l’École normale supérieure (Paris) et membre de l’Académie des sciences. Il fait partie aussi du comité du Programme d’aide en urgence aux scientifiques étrangers (PAUSE).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738146588
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4658-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
CHAPITRE 1
Roissy, 6 juillet 2007

Où étiez-vous, Laszlo, le 15 mars 1941, en fin de matinée ?
À bord du Serpa Pinto qui venait de lever l’ancre ?
La Companhia Colonial de Navegação vous avait enfin trouvé deux petites places parmi les centaines d’autres émigrants qui espéraient échapper à l’épidémie d’antisémitisme qui avait envahi l’Europe. Cela faisait plus d’un mois que vous attendiez d’embarquer à Lisbonne et maintenant il allait vous falloir encore onze jours de patience pour atteindre New York . Heureusement, vos visas d’entrée aux États-Unis étaient là, dans vos poches, vous l’aviez encore vérifié avant de monter à bord.
En France, le gouvernement de Vichy vous reprochait, à vous Laszlo et à Vera votre femme, d’être des immigrés d’origine juive, et vous aviez beau être un grand savant, être aidé par de généreux professeurs du Collège de France , votre situation était devenue intenable. L’urgence de vous échapper était devenue critique.
Vous attendiez ce moment depuis plus d’un an, et votre espoir devenait enfin réalité. Vous quittiez vraiment l’Europe, la Hongrie où vous étiez né, l’Allemagne de vos études, la France qui vous avait accueilli et le Portugal où vous n’étiez que de passage.

Réfugiés au départ de Lisbonne sur le  Serpa Pinto , en septembre 1941.
Mais comment vous sentiez-vous, Laszlo, en voyant s’éloigner l’embouchure du Tage ?
Dans l’Atlantique, les U-Boote des nazis rôdaient, prêts à couler tout ce qu’ils pourraient trouver à portée de torpille.
Je me souviens de votre lettre.
Vous m’aviez écrit que, dans cette tourmente infernale, vous aviez gardé le sourire que je vous connais, sauvé vos deux vies. Vous aviez aussi préservé votre intelligence et votre bonne humeur. Quel tempérament !
Rien de comparable pour moi ce matin.
Dans mon Airbus, je n’ai qu’à rester sept heures sans bouger pour traverser à mon tour l’Atlantique. Certes, les sièges de ce Paris-Boston sont toujours aussi étroits, mais mon ordinateur est étroit, lui aussi, et je ne vais pas me plaindre. Ce serait indécent. Je vais continuer à penser à vous, Laszlo, à votre œuvre, à tous les grands noms de la science moderne qui vous ont aidé, avec qui vous échangiez des équations, un peu de philosophie et quelques idées politiques, à ces autres savants que vous avez perdus de vue mais retrouvés plus tard.
Le monde des sciences n’était pas si grand à l’époque.
*
Je vais mettre mes écouteurs, Brahms me tiendra compagnie et je penserai à ce grand homme. Je vais ignorer les touristes qui se racontent leurs beuveries parisiennes et les enfants qui s’agitent déjà. Je n’ai que cela à faire, pendant ces sept heures, penser à lui, et relire la conférence que j’ai accepté de faire en son honneur.
C’est demain.
Car demain sera le 7 juillet 2007, le 7/7/7 comme Laszlo Tisza aura plaisir à nous le rappeler, un sourire malin au coin des lèvres, lui qui s’amuse tellement d’être né le 7/7/7 mais le précédent, celui de 1907. Professeur honoraire au célèbre MIT , le Massachusetts Institute of Technology, Laszlo va donc avoir 100 ans, et ses collègues américains ont voulu fêter ce centenaire avec un peu de solennité, avec beaucoup d’affection aussi. Je me réjouis déjà de partager un peu d’émotion en lui rendant cet hommage.
On sera plusieurs à parler devant ce savant hongrois qui a voulu défendre la France et qui est finalement devenu américain. Le MIT a demandé à d’autres que moi de présenter l’homme qu’il est toujours, doux, ouvert au monde et aux gens, l’œil vif de l’indéfectible curieux, petit par la taille mais grand d’esprit. À moi, on a demandé de décrire son œuvre scientifique.
Mais pourquoi moi ? Cet honneur m’intimide. C’est probablement parce qu’en mars, j’ai publié un article 1 sur l’importance de sa contribution à un progrès scientifique majeur : à Paris en 1938, avec son ami allemand Fritz London , Tisza a découvert que la physique moderne, qu’on appelle « quantique  », explique non seulement la structure de l’intérieur des atomes, mais aussi celle de la matière visible, celle que nous pouvons voir à l’œil nu. J’ai bien vu que mon article ne plaisait pas à tout le monde, en particulier à mes collègues russes, mais il a dû intéresser les physiciens du MIT . Ils m’ont donc proposé de raconter tout cela en une heure.
J’ai accepté, bien sûr.
Cependant, je vais devoir faire preuve de diplomatie car il pourrait bien y avoir quelques ex-Soviétiques dans l’assistance, et mon exposé va remuer les souvenirs d’une époque troublée. Et je vais devoir en tirer les leçons, car on ne peut pas ignorer qu’il y a eu des dictateurs et de nombreuses victimes des totalitarismes, pas seulement des Justes et d’héroïques rescapés. Je ne peux pas me limiter à la science en jeu, il faut que je rappelle aussi l’itinéraire de son exil, depuis Budapest où on l’appelait Laszlo, jusqu’à Kharkov , via Göttingen et Leipzig , puis au Collège de France où, réfugié, il était devenu Ladislas et avait épousé Vera avant de s’enfuir à Boston lorsque les nazis et leurs collaborateurs du régime de Vichy mirent sa vie en danger. Aujourd’hui, au MIT , on l’appelle affectueusement Laci (« Lèci ») comme pour afficher son intégration. En hongrois, Laszlo se prononce « Lasslo », le z se fond dans un double s, comme Tisza qui se prononce « Tissa ».
Laszlo , je suis heureux de vous retrouver demain.
C’est tout de même extraordinaire. On dit que les peintres, les écrivains, les artistes en général ont besoin d’inconfort pour être créateurs, comme s’il leur fallait une certaine instabilité pour prendre leurs distances, pour avancer, pour échapper à une sorte d’immobilité qui pourrait être stérilisante. Mais les savants, les chercheurs scientifiques comme on les appelle aujourd’hui ? Comment imaginer que dans un métier qui exige tant de concentration intellectuelle, des chercheurs puissent réussir des percées scientifiques fondamentales, avoir des idées que personne n’a eues avant eux, découvrir des phénomènes naturels que personne n’avait jamais remarqués, alors que, bousculés par la société en crise, ils fuient leurs pays, abandonnent leurs collègues et parfois leurs familles ? Certains les aident à trouver refuge, mais ils ont aussi à affronter la xénophobie et le racisme dans leur pays d’accueil, et trouver un emploi qui ne soit pas trop précaire est une lutte permanente à l’issue incertaine. Cela me surprend toujours.
J’ai rencontré Laszlo en l’an 2000. Une année particulière. Je ne suis pas millénariste, mais cette année-là avait été propice à quelques regards en arrière. Yves Michaud m’avait demandé de contribuer à son « Université de tous les savoirs 2  ». En préparant l’une de ces conférences, en plein mois d’août 2000, je m’étais demandé qui avait découvert que certains liquides qu’on appelle « superfluides » pouvaient couler infiniment mieux que d’autres ; que, par exemple, de l’hélium liquide très froid, versé dans un verre, pouvait remonter le long des parois, tourner autour du bord, et s’écouler en dessous, goutte à goutte, jusqu’à ce que le verre soit vide. Des verres qui se vident tout seuls, incroyable, non ? J’avais pu observer ce phénomène moi-même…
Et surtout, je me demandais qui avait découvert que cette « superfluidité  » pour le moins étrange était une conséquence de la physique quantique que tant de gens aujourd’hui continuent de trouver incompréhensible. Je ne vais pas, demain, entrer dans tous les détails de cette physique moderne, mais j’ai trouvé une vidéo de la superfluidité . Je vais en montrer un extrait. Je vais leur montrer la fontaine bleue que j’aime tant.
En cherchant qui avait fait ces découvertes, je m’étais plongé dans les travaux de l’étonnant savant qu’était Laszlo Tisza . Je m’étais demandé ce qu’avaient bien pu être ses relations avec quatre autres savants qui travaillaient au même moment sur le même sujet. Cela en faisait cinq, dont deux seulement avaient été couronnés d’un prix Nobel . Et pourquoi pas les trois autres ? Et pourquoi à Paris  ? Je m’étais aussi demandé comment une partie de ces connaissances avait pu être découverte à Paris .
J’en avais parlé à un ami américain du MIT , Dan Kleppner , qui m’avait dit : « Tu sais, Laci a 93 ans, mais il vient toujours au labo, tu devrais lui écrire. »
Alors, le 23 août de l’an 2000, bien que ne croyant guère à mes chances de recevoir une réponse par ce canal moderne, j’avais envoyé une bouteille à la mer, un e-mail à tisza@mit.edu.
Je l’ai retrouvé au fond de ma boîte e-mail.
En voici quelques fragments qui peuvent se traduire ainsi :

Cher Professeur Tisza ,
En tant que chercheur sur les propriétés de l’hélium liquide (cristallisation, évaporation, cavitation, etc.), j’ai donné récemment une conférence publique sur la superfluidité à Paris .
Pour moi, c’était une occasion de revenir sur les années 1935-1939 et sur l’histoire de sa découverte dans l’hélium.
J’imagine que de nombreuses personnes vous ont déjà posé les questions suivantes, mais je voudrais m’assurer que j’ai bien compris :
– Que savait Landau de vos propres travaux ?
– Comment comparez-vous vos travaux respectifs (ceux de Landau et les vôtres) ?
Il me semble aussi que […]
[…]
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