La Force des racines Kanak en Nouvelle-Calédonie
328 pages
Français

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La Force des racines Kanak en Nouvelle-Calédonie , livre ebook

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Description

Christian Blanc a été un acteur majeur des événements qui se sont déroulés en Nouvelle-Calédonie, entre 1984 et les accords de Matignon de 1988. Il livre ici un document exceptionnel sur cet épisode mouvementé. « Au moment où va commencer ce récit, les Calédoniens sont en état de choc. Un soulèvement insurrectionnel des populations kanak, indépendantistes, vient d’éclater… » On le suivra de bout en bout, avec de nombreux témoignages inédits qui nous plongent au cœur des négociations entre les principaux protagonistes, métropolitains (Pisani, Rocard, Mitterrand) et calédoniens (Lafleur et les chefs kanak Tjibaou et Yeiwéné). L’auteur prend soin de présenter le pays, décrivant au passage l’univers des Kanak et celui des Caldoches. Le récit est captivant. Il raconte la rencontre difficile entre des cultures et des intérêts différents, et restitue avec talent la chair de relations humaines intenses, rugueuses, souvent dramatiques. On y perçoit l’estime, partagée, pour des interlocuteurs dont certains ont su s’élever à la hauteur d’une situation dont les enjeux dépassaient leur personne. Tjibaou déclara un jour : « Il peut y avoir des différences entre les hommes, c’est bien ainsi. Quand on se coupe le doigt, la couleur du sang est toujours rouge, quelle que soit la couleur de la peau. C’est ce qui donne à l’humanité l’unité et la fraternité des hommes sur Terre… » Construire l’avenir devenait possible. À la fois un livre d’histoire et la chronique passionnante d’une aventure personnelle, qui se lit comme un roman. Un texte clé pour comprendre l’actualité troublée, car la situation en Nouvelle-Calédonie gronde à nouveau. Christian Blanc, préfet, a été P-DG de la RATP, P-DG d’Air France. Il est aussi l’homme à qui l’on doit le Grand Paris. Il a publié, aux éditions Odile Jacob, La Croissance ou le Chaos (2006) et Paris, ville-monde (2015). 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 mars 2021
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738155375
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Malgré nos recherches, nous ne sommes pas parvenus à retrouver les auteurs ou les ayants droit de certaines photos. Nous nous tenons à leur disposition.
© O DILE J ACOB , AVRIL  2021
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5537-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Edgar Pisani, que j’aimais comme un père, qui m’a appris la République et la pratique de l’État.
À Michel Rocard, qui fut un frère, avec qui j’ai partagé les espoirs d’un monde solidaire.
Mais également à Marc Kravetz, mon ami d’une vie, grand reporter à Libération , dont l’intelligence instinctive a suivi les évolutions de cette histoire.
Il y a trente ans, aucun de nous ne connaissait cette terre des antipodes : l’archipel calédonien et son peuple oublié, les Kanak.
Les hasards de la vie ont voulu que nous en fassions la découverte entre 1984 et 2008, époque où tragédie et comédie, espoir et désespoir, décidèrent d’y cohabiter.
Nous avons découvert une culture océanienne très surprenante, et des hommes et des femmes attachants.
Particulièrement un : Jean-Marie Tjibaou. Tel l’araucaria immense de l’île des Pins, tel un totem foudroyé qui portait la vision de la culture kanak, il ne put être déraciné tant ses racines étaient profondes et plongeaient dans le temps.
Il fallut une « mission du dialogue » composée d’hommes forts de valeurs spirituelles, et acquis à l’intérêt général, pour trouver les chemins du dialogue entre des civilisations différentes.
Je vous propose de m’accompagner dans ce récit.
Particulièrement pour les plus jeunes d’entre vous, calédoniens comme français, pour comprendre qu’inventer l’avenir nécessite de bien comprendre le passé.
Bon voyage dans le temps et l’espace océanien.

Ouverture

La Nouvelle-Calédonie, Territoire français, se situe à 20 000 kilomètres de la métropole. Il faut le même temps pour rejoindre Nouméa que l’on passe par Los Angeles ou par Tokyo. Et donc traverser la moitié du globe.
Les habitants de Nouvelle-Calédonie parlent presque tous, sans accent, un bon français. Mais sont-ils français ?

1984 . Au moment où va commencer ce récit, les Calédoniens sont en état de choc. Un soulèvement insurrectionnel des populations kanak, indépendantistes, vient d’éclater.
Les autres populations sont en risque de passage à l’acte. Par stupéfaction, et pour sortir d’une situation de conflit ressentie comme intolérable.
Chacune de ces populations a une incapacité immédiate à imaginer un avenir. Aussi, chacun se préparait à une rupture. Soit par la violence. Soit par la fuite.
ACTE I
ÉMERGENCE DE L’IDENTITÉ POLITIQUE KANAK
CHAPITRE I
Atterrissage imminent ! Attachez vos ceintures !

Samedi 1 er  décembre 1984
Installé dans le bureau de cette belle préfecture des Hautes-Pyrénées, je consultais des dossiers qui allaient m’occuper la semaine suivante.
Appel du téléphone interministériel. Peu fréquent à Tarbes : « Monsieur le Préfet, ici Joxe.
– Bonjour monsieur le Ministre.
– Comme vous le savez, la situation est grave en Nouvelle Calédonie. […] »
Je pensais en moi-même : « Quel est le farceur qui m’appelle sur l’interministériel un samedi après-midi dans les Hautes-Pyrénées pour me parler de la Nouvelle-Calédonie ? »
Un peu enjoué, je réponds : « Oui j’ai lu cela dans les journaux. […]
– Le président de la République a demandé à Edgard Pisani de prendre immédiatement les fonctions de délégué du gouvernement en Nouvelle-Calédonie. […] »
C’était sérieux et c’était bien la voix de Joxe.
« Il a accepté et demande que vous puissiez partir ensemble 1 [ silence ].
– Monsieur le Ministre, je suis au service de la République. […]
– Merci monsieur le Préfet. Vous partirez demain de l’aéroport de Tarbes pour Paris par le vol d’Air Inter. À l’arrivée, nous effectuerons un bord-à-bord avec le Falcon, où vous attendra M. Pisani, pour vous conduire à Nouméa. »
En reposant le combiné je compris que ma vie venait de basculer.
Je pris quelques instants pour terminer la lecture du dossier posé sur mon bureau, et probablement pour récupérer un peu. J’entendais par la porte entrebâillée sur le petit salon les rires de mes deux filles, encore toutes jeunes, qui jouaient.
L’annonce de mon départ provoqua la stupéfaction. Convocation du secrétaire général pour régler les affaires urgentes. Puis les appels de courtoisie au président du conseil général, M. Peyou, aux maires de Lourdes et de Tarbes et aux différents parlementaires du département. Une grande partie de la nuit fut passée avec mes collaborateurs sur les actions en cours pour la reconversion industrielle du bassin de Tarbes.
La nouvelle de mon départ avait parcouru le département comme une traînée de poudre.
Le lendemain matin, dimanche 2 décembre, le moment de partir fut émouvant. Nombreux, les agents de la préfecture me firent la surprise, un dimanche matin, d’être présents aux fenêtres de leur bureau. Applaudissements, saluts amicaux et bon courage ! Dans la cour, un détachement de motards de la gendarmerie en grande tenue m’attendait pour m’escorter à l’aéroport.
J’eus du mal à garder toute ma dignité en embrassant mes enfants tant ma surprise et mon émotion étaient grandes.
J’appris plus tard, par mes filles, que le journal du pays, La République des Pyrénées , avait titré le lendemain «  Adichatz , monsieur le Préfet 2  ».
Je partais pour un autre monde. Cet archipel océanien était à 20 000 kilomètres de « mes » montagnes pyrénéennes.
À Orly, l’avion du GLAM attendait. Un Falcon 50, celui qu’utilisait le président de la République. Dans l’avion, Edgard Pisani et sa femme. Et deux dossiers sur la Nouvelle-Calédonie.
Je ne connaissais rien de la Nouvelle-Calédonie si ce n’est que cet archipel, de l’autre côté de la Terre, était proche de l’Australie. Je savais qu’on y avait déporté en 1871 les communards, dont Louise Michel.
Je ne savais pas ce que connaissait Edgard Pisani de la Nouvelle-Calédonie. Ni d’ailleurs de la situation présente. Mais je savais qu’il avait vécu le drame algérien auprès du général de Gaulle.
Je me souvenais de l’entrevue, qu’il m’avait racontée, avec de Gaulle le jour du départ d’Alger de la France. Venu lui demander des instructions avant de partir à Bruxelles où une négociation difficile était engagée sur la politique agricole commune, le président l’écoute vingt minutes et lui donne des directives. Puis de Gaulle, conformément à ses habitudes, ouvre la conversation :
« Alors Pisani, que pensez-vous de ce qui vient de se passer à Alger ?
– Vous savez mon général que j’ai, au sein de votre cabinet, toujours pris une position pour que l’on fasse évoluer le plus fortement possible la situation là-bas, et pourtant ce matin, en écoutant Europe N° 1, au moment où le drapeau français était amené, j’ai pleuré. »
De Gaulle le fixe longuement et se lève. Il se pose devant l’une des fenêtres de son bureau et ne bouge plus. De sa voix grave, il lui dit : « Vous avez de la chance, Pisani, d’avoir quelqu’un à qui le raconter. »
À cet instant, m’avait indiqué Edgard Pisani, les minutes s’étaient écoulées sans que le Général bouge d’un millimètre. Pisani avait compris que l’entretien était terminé et, prenant des précautions pour que son siège ne fasse pas trop de bruit, il était parti discrètement.
Quelles étaient ses réflexions à cet instant en partant pour la Nouvelle-Calédonie ? Probablement des sentiments d’attachement à un Territoire français, qui avait son histoire, et le désir de faire face à une situation dont il ne connaissait pas les contours.
Silence de plusieurs heures pendant le vol. Lecture de documents sur la colonisation, l’immigration, et sur l’action des pouvoirs publics depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le voyage fut long, avec deux escales. L’une à Damman en Arabie saoudite, l’autre à Port-Darwin, Australie. Cela nous permit d’avoir connaissance des dernières dépêches en provenance de Nouméa. Pendant ce vol interminable, je consultais des notes rédigées par les DOM-TOM, souvent administratives et fastidieuses. Mais certaines permettaient de vaincre la somnolence.

Le « Caillou » ?
Je découvrais que la Nouvelle-Calédonie était appelée « le Caillou » du Pacifique. Troisième plus grande île de cet océan, elle fut séparée de l’Australie, l’Amérique du Sud, l’Afrique et Madagascar, mais aussi de l’Antarctique, quand le continent de Gondwana se disloqua, il y a 70 millions d’années. C’était un grand plissement rocheux dans cet immense océan Pacifique. D’où peut-être cette appellation de « Caillou ». À 1 800 kilomètres de l’Australie, cette « Grande Terre » est de forme allongée (400 kilomètres sur 50) et entourée d’îles et d’une multitude d’îlots avec de somptueux lagons.

Orientée nord-ouest sud-est, elle est constituée d’une chaîne de montagnes dont les lignes de crête principales sont assez confuses, ce qui indique qu’elle doit sa formation non seulement à un plissement gigantesque de l’écorce terrestre, mais à des mouvements tectoniques multiples et à des émersions successives de terres.
Deux massifs sont relativement élevés : celui du mont Panie au nord-est, qui culmine à 1 628 mètres, et celui de Humboldt au sud-est dont l’altitude est de 1 618 mètres.
Ce sont évidemment ces versants au vent qui reçoivent le plus de précipitations : de 3 000 à 4 000 millimètres, alors que sur le l

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