La Fin du rêve américain ?
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Description

Le rêve américain est-il mort ? L’Amérique est-elle en déclin ? C’est sur ce thème que s’est fait élire Donald Trump en 2016, prétendant raviver la flamme, le « rêve », et restaurer la grandeur de l’Amérique. Pour Lauric Henneton, un tel discours renoue avec l’imaginaire et l’histoire des États-Unis. Car l’angoisse du déclin autant que l’espoir d’une vie meilleure, le pessimisme autant que l’optimisme sont au cœur même du rêve américain et ce dès la création des colonies britanniques en Amérique du Nord. Explorant cette histoire émotionnelle dans laquelle le puritanisme occupe une large place, l’auteur examine les différentes composantes du présupposé déclin – hispanisation, fin de l’Amérique blanche… – qu’il confronte à la réalité. Ses analyses éclairent d’un jour nouveau le mandat de Barack Obama, perçu dans certains milieux comme le fossoyeur du rêve américain. Un rêve qui, en dépit de tout, garde un immense pouvoir d’attractivité sur des millions de gens de par le monde. Spécialiste de l’histoire et de la civilisation anglo-américaine, Lauric Henneton est maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il est l’auteur d’une Histoire religieuse des États-Unis (Flammarion, 2012) qui fait référence, et est régulièrement consulté par les médias. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 octobre 2017
Nombre de lectures 5
EAN13 9782738139801
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lauric Henneton
La fin du rêve américain ?
© O DILE J ACOB , OCTOBRE 2017 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3980-1
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3°a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Chapitre introductif
Autopsie du rêve américain

Un spectre hante l’Amérique : le spectre du déclin. Le 16 juin 2015, à New York , l’homme d’affaires Donald Trump annonçait sa candidature à l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle de novembre 2016. Il y déclarait notamment : « En fait, le rêve américain est mort. Mais si je gagne, je vais le faire revenir, et il sera plus grand, meilleur et plus fort que jamais. Ensemble nous allons rendre sa grandeur à l’Amérique ! » La dernière partie de cette déclaration devint son slogan de campagne : «  Make America Great Again !  »
En quelques mots, Trump pose le diagnostic du déclin, aussi classique qu’efficace, parle à l’inconscient des électeurs et prophétise le retour de la grandeur passée. Le triptyque « plus grand, meilleur et plus fort » («  bigger, better, stronger  ») évoque immanquablement, dans l’imaginaire politique américain, celui employé lors de la campagne de Ronald Reagan en 1984 : «  prouder, stronger, better  », une Amérique « plus fière, plus forte, meilleure ». La principale différence est que Reagan était candidat à sa propre réélection : il était en exercice et avait un bilan à défendre. En réalité, le recours à ces comparatifs flatteurs lui permettait de tracer le chemin parcouru depuis les jours sombres de la présidence de Jimmy Carter (1977-1981). Ces mots figuraient dans un des spots de campagne les plus connus de l’histoire politique américaine, un classique du genre, connu sous le titre « Morning again in America ». À la nuit de la présidence Carter avait succédé le jour nouveau de la présidence Reagan 1 . Fort de ce bilan, le président sortant invitait les électeurs à lui renouveler leur confiance. Reagan se présentait comme celui qui avait mis un terme à la période de déclin des années 1960-1970, dont Jimmy Carter était devenu l’incarnation, lui qui était resté impuissant face à la crise des otages de Téhéran , au deuxième choc pétrolier, à l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques et qui avait accepté la rétrocession du canal de Panama .
En 2015, Donald Trump était pour sa part dans le rôle d’un candidat d’opposition, il se posait en figure de l’alternance politique, donc comme acteur de la promesse du renouveau, là où Reagan , en 1984, se voulait l’incarnation du renouveau en action . Dans ce contexte, la galaxie républicaine – pas seulement Trump  – a souvent dressé un parallèle entre la présidence de Carter et celle d’Obama . En campant une sorte de nouveau Reagan et en mobilisant cette figure désormais mythique pour une partie des Américains, Trump et les autres candidats républicains entendaient exploiter la colère d’une partie de la population et susciter l’espoir. Mais Trump va plus loin dans sa communication puisqu’il emprunte son slogan de campagne directement à Reagan 2 . En effet, en 1980, ce dernier était dans la situation de Trump en 2015, celle d’un opposant, celle du candidat de l’alternance et du renouveau. Dans un des spots tirés d’un discours prononcé devant la statue de la Liberté , haut lieu symbolique du rêve américain, le candidat Reagan disait vouloir apporter « un espoir nouveau à l’Amérique ». Il jouait donc sur le thème du renouveau, de l’alternance : le pays avait besoin d’un nouveau gouvernement, d’un nouvel engagement envers le « rêve de l’Amérique » («  the dream of America  »), une équipe qui pourrait « instiller une vie nouvelle à ce rêve et rendre à l’Amérique sa grandeur » – « make America great again . » C’est mot pour mot le slogan ensuite utilisé par Trump , que la campagne de Reagan allait décliner sur des affiches et autres objets de campagne 3 . Il s’agit donc pour le candidat de persuader les électeurs qu’il a la capacité de raviver la flamme, le « rêve », de restaurer une grandeur éclipsée. Trump va un cran plus loin que Reagan en se posant presque en nécromancien d’un rêve américain dont il annonce la mort. Il joue le rôle du prophète de l’Ancien Testament, ce qui éclaire d’un jour inattendu la fonction du responsable politique et du candidat.
La mort du rêve américain ne va pas de soi. Par son côté irréversible, elle va à l’encontre de l’optimisme proverbial d’un peuple pour qui rien ne semble impossible, pour qui seul le « ciel est la limite », qui a conquis l’Ouest avant de se lancer à la conquête de l’espace. Historiquement, l’Amérique s’est pensée et a été imaginée comme l’espace du possible, du renouveau, de la deuxième chance, en opposition directe avec les pesanteurs et les chaînes sociales qui entravaient les Européens. Pour des millions d’entre eux, qu’ils décident d’émigrer ou pas, de l’autre côté de l’Atlantique se trouvait la promesse d’une vie meilleure – même si la promesse pouvait se transformer en mirage. L’idée même du rêve américain conditionne l’immigration même si elle concerne aussi évidemment les Américains nés aux États-Unis.
En invoquant la « mort du rêve américain », Trump fait-il figure d’exception ? Utilise-t-il une image à rebours de la mentalité américaine ? Peut-on, d’ailleurs, parler de manière aussi générale d’ une mentalité américaine ? En réalité, le thème de la « mort du rêve américain » revient régulièrement. Si, en contexte électoral, il a pour fonction principale de dramatiser les enjeux et de mobiliser les électeurs par une combinaison de peur et d’indignation, il peut servir également à signaler la transition profonde d’un monde à l’autre, à consacrer la fin d’une époque. On évoque parfois la « mort du rêve américain » pour illustrer de façon brutale (voire racoleuse) la combinaison de facteurs économiques comme la stagnation sinon le reflux des revenus des classes moyennes, la difficulté grandissante à devenir propriétaire et l’endettement croissant, notamment des étudiants, qui rend les études de moins en moins abordables, ce qui a un rôle direct dans les perspectives d’ascension sociale. Cette combinaison a pour conséquence un tassement de la classe moyenne et un accroissement de la polarisation socio-économique – les riches sont de plus en plus riches, tous les autres perdent en revenus et en pouvoir d’achat, et ainsi s’évanouit la promesse d’ascension socio-économique pour ceux qui acceptent de travailler dur ou pour leurs enfants – une des acceptions classiques du rêve américain 4 . Par son utilisation répétée, l’image de la « mort du rêve américain » devient un objet culturel en soi.
Les Américains qui sont ou s’estiment le plus directement concernés par cette disparition du rêve américain déplorent qu’elle n’ait pas été empêchée par le pouvoir politique, qui devrait en être le garant, puisque tous les candidats, démocrates comme républicains, se revendiquent comme tel. Pis, elle semble même avoir été provoquée par les décisions prises à Washington , notamment en matière budgétaire et fiscale. Pour certains, il n’en faut pas plus pour détecter une trahison d’élites distantes, corrompues et coupées des réalités du terrain, et alimenter un rejet de l’establishment assez répandu 5 .
C’est là qu’intervient Trump . Avec l’acuité de l’homme d’affaires qui sait adapter sa stratégie à sa cible, il a réussi à établir une connexion émotionnelle directe et puissante avec ce que l’on pourrait désigner comme une Amérique des déclassés, ou de ceux qui s’estiment comme tels ou craignent d’être déclassés sans l’être pour autant. La notion centrale ici n’est pas tant le déclassement réel que le spectre du déclassement, de même que le spectre du déclin est bien plus important que la réalité de celui-ci, qui devient secondaire. Trump a su capitaliser sur les peurs de son cœur de cible, des Américains blancs, plutôt âgés ou d’âge moyen, et relativement peu éduqués, ce qui correspond à une des composantes de l’électorat républicain, mais aussi de l’électorat démocrate historique. Il leur dit ce qu’ils ont envie d’entendre, il apporte des solutions simples sinon simplistes, il incarne l’ outsider puisqu’il n’a pas fait carrière en politique, ce qui explique également le succès éphémère des deux autres outsiders républicains, le neurochirurgien Ben Carson et Carly Fiorina , ex-P-DG de Hewlett-Packard. Trump propose des réponses tranchées et iconoclastes, à défaut d’être réalistes et précises, à des menaces identifiées comme l’immigration clandestine ou la lutte contre le terrorisme islamiste. De ce fait, l’électeur n’aura plus à craindre pour sa vie ni pour son travail, qu’il imagine en danger face à une immigration massive moins payée, forme de délocalisation de l’intérieure (le dumping social). Ni pour l’identité blanche, chrétienne et traditionnelle du pays, qu’il estime en voie de disparition.
En réalité, beaucoup ressentent quelque chose de plus indistinct : le monde qu’ils ont connu, dans lequel ils ont grandi et sont devenus adultes, qu’ils idéalisent avec le recul et qu’ils espéraient éternel, ce monde semble leur échapper. Cette impression d’un monde qui leur échappe est particulièrement désarmante. Elle induit une perte de confiance, une angoisse plus ou moins sourde, un pessimisme auquel semble faire écho l’impression d’un déclin des États-Unis sur la scène diploma

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