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pages
Français
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2011
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Publié par
Date de parution
26 mai 2011
Nombre de lectures
0
EAN13
9782760625723
Langue
Français
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26 mai 2011
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0
EAN13
9782760625723
Langue
Français
RODOLPHE DE KONINCK
Professiongéographe
Les Presses de l’Université de Montréal
La collection
Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.
Directeur de collection : Benoît Melançon
Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :
www.pum.umontreal.ca
Copyright
L’auteur remercie Marc Girard, technicien dessinateur-cartographeau Département de géographie de l’Université de Montréal, pour lapréparation des cartes.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archivesnationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Koninck, Rodolphe de
Profession, géographe
(Profession)
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 978-2-7606-2050-6
ISBN 978-2-7606-2572-3 (ePub)
1. Géographes. 2. Géographie - Aspect social.
I. Titre. II. Collection : Profession (Montréal, Québec).
G65. K662008 910.023 C2008-940229-4
Dépôt légal : 1 er trimestre 2008
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2008 ; 2010 pourla version ePub.
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pourleurs activités d’édition.
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
1
Enseigner pour apprendre
« C’est de la philosophie qu’est venue à l’origine
l’idée de dresser la carte du monde. »
Paul Pédech, La géographie des Grecs , 1976
J’ enseigne la géographie universitaire depuis1970, année où, après avoir complété mes étudesdoctorales à l’Université de Singapour, j’ai été engagéà l’Université Laval, à Québec. Je suis resté à l’emploide cette institution jusqu’en 2002, alors que je me suisjoint à l’Université de Montréal. Mais, à vrai dire,j’avais commencé à enseigner la géographie avantmême d’entamer mes études supérieures à Bordeaux,en France, en octobre 1963. En effet, au tout débutde septembre 1962, soit moins de trois mois aprèsavoir complété mes études collégiales sous la formed’un cursus classique au Petit Séminaire de Québec,je m’étais vu confier la responsabilité d’assurer latotalité des cours de géographie offerts dans un collège préuniversitaire établi près de Fort Portal. Cettepetite ville est elle-même située au cœur de l’Afrique,plus précisément dans le sud-ouest de l’Ouganda, nonloin des sources du Nil, dans la région des GrandsLacs et au pied des imposants monts Ruwenzori, les« Montagnes de la Lune » des Anciens. Commentj’en étais arrivé là à l’âge de 19 ans serait trop long àexpliquer.
Ce qu’il importe de dire ici, c’est que pendant lesdouze mois de mon rattachement au St Leo’s Collegeil me fallut dispenser chaque semaine 24 heuresde cours de géographie, une matière que je n’avaisjamais beaucoup étudiée formellement. Certes,j’avais déjà un peu voyagé – y compris sillonnél’Europe pendant 70 jours avant de faire le saut versl’Afrique – et lu bien des livres que l’on pourrait qualifier d’intérêt géographique, c’est-à-dire des récitsde voyage ou d’exploration et des romans d’aventures, dont beaucoup se déroulant dans le Grand Nordcanadien, en Afrique et en Asie. J’avais aussi apportéavec moi quelques livres savants fort précieux et déjàparcourus, dont deux classiques de la géographie : ledeuxième volume du Traité de géographie physique d’Emmanuel de Martonne et Principes de géographiehumaine de Paul Vidal de la Blache. Mais, à juste titre,je me sentais bien démuni pour affronter la tâche quim’était confiée. Car il s’agissait de préparer quelque240 collégiens africains aux examens qui, si réussis,leur permettraient d’obtenir un diplôme délivré parla métropole coloniale, en l’occurrence l’OverseasCambridge Certificate. (L’Ouganda est devenu indépendant en octobre 1962, mais le système scolaire yest demeuré de type britannique.) Une fois obtenu,un tel diplôme autorisait son détenteur à poser sacandidature à des études supérieures, y compris dansladite métropole coloniale.
Je dus donc m’atteler à la tâche consistant àmettre au point et à offrir des cours de géographie,en anglais, aux élèves inscrits aux quatre niveaux dece Senior Secondary College : au total, huit classesrassemblant chacune en moyenne une trentained’élèves, dont plusieurs ayant quasiment mon âge.Tout ou presque y est passé : la cosmographie et l’histoire de la géographie, la géographie physique, dont la géomorphologie, l’hydrologie et la climatologie,la géographie humaine, dont les géographies ruraleet urbaine, enfin la géographie régionale, en particulier celle des îles britanniques et celle de l’Afriqueorientale. J’en vins rapidement à éprouver un intenseplaisir à étudier et à enseigner la géographie de cetteformidable région du monde au cœur de laquelle jeme trouvais.
Je ne me fis pas prier pour profiter de chacune demes fins de semaine ainsi que de mes périodes devacances pour partir à la découverte, en moto ou enLand Rover, des paysages et pays environnants, souvent d’une beauté à couper le souffle. Je parcourus, enparticulier, le district ougandais de Toro, du nom del’ancien royaume précolonial et dont Fort Portal étaitle chef-lieu. Je réalisai aussi des virées dans le reste dupays, tout comme dans l’Est congolais, au Rwanda etau Burundi, au Kenya et au Tanganyika (devenu en1964 la Tanzanie) jusqu’aux rives de l’océan Indien,me rendant même jusqu’au Nyassaland (le Malawid’aujourd’hui), au sud, et jusqu’au Soudan, au nord.
Les admirables hauts plateaux d’Afrique orientale ont laissé chez moi des souvenirs impérissables.Traversés par la double Grande Vallée d’effondrement, ou Rift Valley , ils sont couverts de volcans et delacs, de forêts et de savanes, ces dernières immenseset largement peuplées d’une multitude d’espèces demammifères et d’oiseaux. L’ensemble est animé pardes peuples bigarrés, pour la plupart agriculteurs ouéleveurs, et, à mes yeux d’alors, tous plus exotiques lesuns que les autres. Ils constituent un véritable manuelde géographie à ciel ouvert. Surtout, s’agissant degéographie, il me fut d’un grand secours de pouvoirutiliser ce que j’apprenais sur le tas, ce qui m’émerveillait, pour tenter d’expliquer aux élèves un élémentdu paysage, qu’il s’agisse d’une forme volcanique, d’un type d’élevage, de l’implantation d’une ville,d’un réseau de pistes ou d’un parc national.
Pour ce qui est d’apprendre sur le tas, je n’avais pasle choix. Je me résolus vite à ne pas abuser du sommeil, tout affairé que j’étais à préparer jusqu’à tarddans la nuit tel ou tel cours portant sur un sujet dontje ne savais pas grand-chose la veille. Il faut reconnaître aussi que je découvris vite combien la bibliothèque du collège n’était pas si mal pourvue. Enfin,mes collègues me furent d’un grand secours, en particulier le professeur de littérature anglaise. Celui-ci,un Britannique cultivé, originaire de Manchester,résidait tout comme moi sur le campus du collège etme laissait libre accès à sa riche collection de livresque je m’empressai de piller, tout comme j’avais apprisà le faire dans ma jeunesse avec celle de ma famille.
Dans chacune de mes classes se trouvaient bienquelques élèves insuffisamment préparés, voire peuintéressés, mais, plus nombreux, beaucoup d’élèvescurieux et attentifs me mitraillant de questions. Jen’oublierai jamais combien il me fallut déployerd’énergie et d’ingéniosité pour satisfaire leur curiosité. J’appris ainsi à donner des exemples, à établirdes comparaisons et, lorsque nécessaire, à élargirle propos, parfois même avant que les questions nesoient posées car déjà apparentes dans les regardsinterrogateurs, même sceptiques, de mes élèves. Celaétait particulièrement fréquent lorsque j’abordais lespreuves de la rotondité de la terre, la théorie de ladérive des continents, les types de projection cartographique… ou les raisons de la présence colonialebritannique en Afrique !
Élargir le propos, jouer avec les échelles des enjeux,voilà où je veux en venir. Je crois bien que c’est de cettefaçon que j’ai compris en quoi devait consister la géographie : explorer, analyser et expliquer le monde – le déchiffrer, comme dirait Roger Brunet – et ses composantes, en examinant, tout à la fois avec rigueuret imagination, les phénomènes de répartition et lesprocessus qui les animent, à plusieurs niveaux, à plusieurs échelles, tant spatiales que temporelles. Touteschoses permettant, le cas échéant, de proposer desformes d’adaptation au territoire, voire de compromis avec celui-ci.
Je n’ai jamais pensé en termes de carrière – d’ailleursje n’aime pas ce mot –, mais il me faut aujourd’huireconnaître que ma formation de géographe et ultérieurement mon exercice de la profession ont étélargement orientés au cours de cette année à la foisintense et fabuleuse, pleine de péripéties, passée àl’ombre des « Montagnes de la Lune ». Mon initiation à la vie y a été accélérée par ce premier véritableapprentissage tant de la géographie même que de sonenseignement. À force d’étudier et de partager avecmes élèves le peu de choses que je savais du monde,j’ai commencé à comprendre combien était indispensable le regard du géographe sur celui-ci, ses beautés, sa richesse, ses contradictions, ses misères, sesconflits et ses drames. J’appris à renseigner, certes,mais aussi, je crois, à éveiller et à enseigner.
Car la géographie est d’abord une discipline quis’enseigne ou qui devrait s’enseigner, du primaire àl’université. Cela m’apparaît lié à son ancienneté, nonseulement comme outil universel d’appréhension dumonde qui nous entoure et auquel, faut-il le rappeler,nous appartenons, mais aussi comme discipline formelle. Après tout, dans le monde antique, la géographie a pris forme dès le VI e siècle avant notre ère.