L Inde
241 pages
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L'Inde , livre ebook

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Description

Comment l’Inde, malgré ses disparités, peut-elle former une communauté malgré tout cohérente ?Amartya Sen montre ici à quel point l’acceptation de l’hétérodoxie et la tradition pluraliste sont cruciales dans la culture indienne. Ce parcours conduit de l’Inde ancienne aux débats actuels sur l’influence de la rationalité occidentale ou la laïcité, le statut des différentes religions ou même l’arme atomique ; il révèle toute la richesse de la pensée indienne. L’Inde cherche depuis toujours à concilier enracinement dans la tradition et évolution, diversité et unité : serait-elle un modèle pour demain ?À côté de son œuvre d’économiste, consacrée aux conditions du développement, Amartya Sen poursuit depuis de longues années une réflexion sur les forces de la culture et de la pensée indiennes face à la modernité. Ce volume présente pour la première fois en français cette réflexion unique. Prix Nobel d’économie 1998, Amartya Sen est l’un des intellectuels indiens les plus connus et les plus respectés au monde. Il a longtemps présidé Trinity College, à Cambridge, en Angleterre, avant de devenir professeur à l’Université Harvard. Il a notamment publié Un nouveau modèle économique et Rationalité et liberté en économie, ainsi que Identité et Violence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 mai 2007
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738192318
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Plusieurs essais de ce livre étaient parus dans les publications suivantes : New York Review of Books pour les essais 5, 8 et 13 ; Our Culture, Their Culture , Calcutta, Nandan, 1996 pour l’essai 6 (version précédente abrégée) ; New Republic pour les essais 6 (version précédente abrégée) et 12 ; Daedalus pour l’essai 7 ; Financial Times pour l’essai 9 ; Kaushik Basu et Sanjay Subrahmanyam (éd.), Unravelling the Nation : Sectarian Conflict and India’s Secular Identity , Delhi, Penguin, 1996 pour l’essai 14 ; Little Magazine pour l’essai 15.
Cet ouvrage a été originellement publié par Allen Lane, an imprint of Penguin Books, sous le titre : The Argumentative Indian. Writtings on Indian History, Culture and Identity . © Amartya Sen, 2005. The moral rights of the author have been asserted.
Pour la traduction française : © ODILE JACOB, MAI 2007
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9231-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À ma sœur, Supurna Datta
Préface

Ces essais consacrés à l’Inde ont été écrits pendant la dernière décennie – la moitié d’entre eux environ au cours des deux dernières années. Les quatre premiers, qui constituent la première partie de ce recueil, introduisent et expliquent les thèmes principaux du présent ouvrage qui se rapportent à la longue tradition argumentaire de l’Inde.
L’Inde est un pays immensément divers dont les habitants poursuivent des objectifs aussi nombreux que variés : des convictions extrêmement disparates et des coutumes largement divergentes se conjuguent à une véritable pléthore de points de vue. Toute tentative de parler de la culture de ce pays, de son passé historique ou de sa poltique contemporaine implique inévitablement une sélection considérable : il est donc évident que l’accent que je mettrai dans ce livre sur la tradition argumentaire résulte lui aussi d’un choix. Loin de croire que ce soit la seule façon raisonnable de penser à l’histoire, à la culture ou à la politique de l’Inde, je suis tout à fait conscient qu’il est possible de procéder autrement.
La sélection de cette orientation tient surtout à trois raisons distinctes : à la longue histoire de la tradition argumentaire de l’Inde, à sa pertinence contemporaine et à son occultation relative dans les débats culturels actuels. En outre, il convient de remarquer que la floraison simultanée des multiples convictions et points de vue qui caractérisent l’Inde s’est nettement étayée sur l’acceptation – explicite ou implicite – de l’hétérodoxie et du dialogue : l’hétérodoxie indienne a exercé une influence aussi profonde qu’universelle.
Réfléchissons à la question politiquement épineuse du rôle joué par la prétendue « Inde ancienne » dans la compréhension de l’Inde d’aujourd’hui. Dans l’arène politique contemporaine, c’est au sein du mouvement Hindutva que cette notion a suscité le plus d’enthousiasme : les promoteurs d’une vision étroitement hindoue de la civilisation indienne qui ont tenté de séparer la période antérieure à la conquête musulmane de l’Inde (du III e  millénaire av. J.-C. au début du II e  millénaire ap. J.-C.) des siècles suivants ont fait l’apologie du retour à l’Inde ancienne, alors que les tenants de l’approche intégrationniste de l’Inde contemporaine ont eu tendance, au contraire, à tenir ce point de vue pour hautement suspect. Par exemple, les activistes Hindutva n’aiment rien tant qu’évoquer les Veda (des hymnes sacrés composés au II e  millénaire avant notre ère !) en vue de définir l’« héritage réel » de l’Inde, de même qu’ils n’hésitent pas à convoquer la grande épopée du Rāmāyaṇa à toutes sortes de fins – pour délinéer les croyances et convictions hindoues aussi bien que pour trouver une justification imaginaire à la démolition obligatoire d’une mosquée (la masjid Babri) bâtie à l’endroit même où le « divin » Rama serait né. Les partisans de l’intégration, en revanche, assimilent plutôt les Veda et le Rāmāyaṇa aux intrusions néfastes de certaines croyances spécifiquement hindoues dans la vie contemporaine de l’Inde laïque.
Les intégrationnistes n’ont pas tort de considérer que le fait de préférer les « classiques hindous » à d’autres produits de la longue et complexe histoire de l’Inde a un aspect factieux, comme ils ont raison également d’insister sur le rôle contre-productif qu’une telle sélection partisane est susceptible de jouer dans la vie à la fois laïque et multiconfessionnelle de l’Inde actuelle. Même si plus de 80 % des Indiens sont Hindous, ce pays abrite une importante population musulmane (la troisième du monde par ses effectifs : la France et la Grande-Bretagne réunies comptent moins d’habitants) à laquelle s’ajoutent de nombreux membres d’autres confessions : des chrétiens, des sikhs, des jaïns et des parsis, entre autres.
Néanmoins, si indispensable que s’avère l’intégration et si nécessaire qu’il soit d’adopter une perspective multiculturelle, il n’en reste pas moins que ces textes et ces narrations séculaires ont énormément influé sur la littérature et la pensée indiennes : ils ont lourdement pesé sur les écrits littéraires et philosophiques, d’une part, et sur les traditions populaires du récit oral et de la dialectique critique, d’autre part. La difficulté ne tient pas à l’importance intrinsèque des Veda ou du Rāmāyaṇa , mais à la compréhension de la place exacte qu’ils occupent dans la culture indienne. Quand les souverains pathans musulmans du Bengale firent en sorte que le Mahābhārata et le Rāmāyaṇa sanskrits soient correctement traduits en bengali au XIV e  siècle (voir mon essai 3 ), leur passion pour les anciennes épopées indiennes témoigna de leur amour de la culture plutôt que d’une quelconque conversion à l’hindouisme I . Il serait aussi difficile d’ignorer l’importance générale de ces œuvres dans la culture indienne (sous tel ou tel prétexte censément « laïque ») que de préconiser qu’elles ne soient appréhendées qu’à travers le prisme étroit d’une version particulièrement grossière de la religiosité hindoue.
Les Veda ont beau regorger d’hymnes et d’invocations religieuses, ils racontent aussi des histoires, spéculent sur le monde et – conformément à la propension argumentaire déjà en gestation – posent des questions difficiles. Un doute fondamental a trait à la création même du monde : quelqu’un l’a-t-il fait, apparut-il spontanément et y a-t-il un dieu qui sache ce qui s’est vraiment passé ? Comme on le verra dans mon essai 1 , le Rigveda  exprime des incertitudes radicales à propos des problème suivants : « Qui sait réellement ? Qui le proclamera ici ? À partir de quoi tout a-t-il été produit ? D’où vient cette création ? […] Elle s’est peut-être formée toute seule, ou peut-être pas – seul celui qui l’observe depuis le plus haut firmament le sait, à moins qu’il ne le sache pas. » Ces doutes formulés dès le II e  millénaire avant notre ère allaient réapparaître sans cesse dans la longue tradition argumentaire de l’Inde, parallèlement à nombre d’autres questions d’ordre épistémologique et éthique (j’aborderai ce point dans mon essai 1 ) ; ils survivent aujourd’hui encore aux côtés de croyances religieuses intenses et d’une foi et d’une dévotion profondément respectueuses.
De façon similaire, la divinisation de Rama par les partisans de la politique hindoue – notamment par ceux qui se plaisent à saccager les lieux de culte des autres religions – est d’autant plus surprenante que ce personnage est dépeint avant tout comme un héros dans la majeure partie du Rāmāyaṇa  : il est décrit ici comme un grand « héros épique » dont les qualités éminentes s’accompagnent de faiblesses telles que sa tendance à douter de la fidélité de son épouse Sītā. Jāvāli, pundit dont les faits et gestes sont longuement commentés dans le Rāmāyaṇa , non seulement ne traite pas Rama comme un dieu, mais va jusqu’à qualifier ses actes de « stupides » (« surtout pour un homme aussi intelligent et avisé », ajoute-t-il). Avant de consentir à retirer ces paroles, Jāvāli prend le temps d’expliquer en détail dans le Rāmāyaṇa qu’« il n’y pas d’au-delà, ni de pratique religieuse qui permette de l’atteindre » et que « les injonctions relatives à la vénération des dieux, aux sacrifices, aux dons et aux pénitences qui figurent dans les śāstras [les écritures] émanent d’individus astucieux qui visaient uniquement à gouverner [autrui II ] ». Exciper du Rāmāyaṇa dans le but de propager une version réductionniste de la religiosité hindoue est problématique en cela même que ceux qui agitent cette épopée ne visent à rien d’autre qu’à gouverner leurs semblables – c’est pourquoi ils la présentent comme un document empreint d’une véracité surnaturelle plutôt que comme une « merveilleuse parabole » (comme l’écrivait Rabindranath Tagore) et un pan infiniment apprécié de l’héritage culturel de l’Inde.
Le scepticisme indien remonte à si longtemps qu’on aurait le plus grand mal à comprendre l’histoire de notre culture si l’on jetait ces doutes par-dessus bord. De fait, la remarquable vivacité de la tradition de la dialectique peut être perçue dans toute l’histoire de l’Inde, même lorsque des conflits et des guerres ont suscité de terribles violences. Parce que les rencontres dialogiques et les batailles sanglantes ont toujours coexisté dans le passé de notre pays, tendre à ne se concentrer que sur ce dernier

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