Face au Couchant , livre ebook

icon

191

pages

icon

Français

icon

Ebooks

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

191

pages

icon

Français

icon

Ebook

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Au tournant de l’Entre-deux-guerres, une « virile » et brillante défense et illustration de la Bretagne, de ses îles, de son emblématique port de Brest, et — surtout et avant tout — des marins de Bretagne.


Contemporain des Le Braz, des Le Goffic, Auguste Dupouy (né à Concarneau en 1872) n’est pas à proprement parler un écrivain régionaliste, mais, dans un style nerveux, renouvelé et « moderniste », il sait — comme personne — parler de la Bretagne et des Bretons. Un ouvrage et un auteur à redécouvrir.

Voir icon arrow

Nombre de lectures

2

EAN13

9782824051796

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

4 Mo

isbn

Tous droits de traduction de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays.
Conception, mise en page et maquette : © Eric Chaplain
Pour la présente édition : © edr/ EDITION S des régionalismes ™ — 2013/2018
Editions des Régionalismes : 48B, rue de Gâte-Grenier — 17160 cressé
ISBN 978.2.8240.0041.1 (papier)
ISBN 978.2.8240.5179.6 (numérique : pdf/epub)
Malgré le soin apporté à la correction de nos ouvrages, il peut arriver que nous laissions passer coquilles ou fautes — l’informatique, outil merveilleux, a parfois des ruses diaboliques... N’hésitez pas à nous en faire part : cela nous permettra d’améliorer les textes publiés lors de prochaines rééditions.






AUTEUR
AUGUSTE DUPOUY



TITRE
FACE AU COUCHANT BREST, LA CÔTE ET LES ÎLES






Pêcheur de Kerlouan, d’après une lithographie.


CHAPITRE I er : NOTRE FAR-WEST.
F inisterra , Land’s End , Pen ar Bed : une même pensée en trois langues. La péninsule armoricaine a une côte nord et une côte sud. Mais, comme en Angleterre et en Espagne, c’est surtout la troisième qui compte, celle que heurtent de front les houles atlantiques, celle qui regarde, chaque soir, le soleil sombrer dans la mer. Spectatrix Oceani , disait le vieux Pline, qui n’en parlait que par ouï-dire, mais qui a trouvé, ici, le mot juste. Un coup d’œil sur la carte nous confirme que la Bretagne, que toute la France aboutit à cet Occident. C’est là notre Far-West : faites-le tenir, pour préciser, entre la pointe de Pontusval et celle de Penmarc’h, ou, si vous préférez prolonger un peu l’arc de cercle, entre l’île de Batz, brise-lames de Roscoff, et l’archipel des Glénan, digue de Concarneau.
Ils n’eurent pas la plume malheureuse ; les députés qui, pensant abolir d’une rature la province de Bretagne, donnèrent au plus breton des cinq départements nouveau-nés le nom magnifique de Finistère. Songeons qu’ils auraient pu lui infliger un de ces à peu près composites tels que Ille-et-Vilaine ou Loire-Inférieure. Finistère : sans doute, mais cette fin est un commencement aussi. Un continent meurt : vive l’Océan ! Comme l’a excellemment écrit en son latin du XIV e siècle le juriste Bohic, natif de Saint-Mathieu — Saint-Mahé-de-Fineterre, disait-on alors — : ibi Deus in finibus terrarum Alpha et Omega, id est principium atque finem, collocavit mirifice . Oui, c’est quelque chose de merveilleux et de divin, que la rencontre, à cette place, des deux éléments alliés ou hostiles. Leur hostilité surtout se remarque.
« Asseyons-nous à cette formidable pointe du Raz », disait Michelet sans s’y être assis. « Rien, assurait-il encore, de sinistre et de formidable comme la côte de Brest ». Par la côte de Brest il entendait celle de Saint-Mathieu, où il n’était jamais allé (1) . Et il ajoutait : « Là, les deux ennemis sont en face : la terre et la mer, la nature et l’homme ». Suit l’évocation que l’on sait des vagues monstrueuses qui se brisent sur ces falaises. Michelet ne les avait pas vues : il en parlait d’après Cambry, dont il omettait de citer le nom. Mais on peut l’en croire : il y a des heures et des jours où tout, ici, n’est que bataille. Qu’on imagine ce duel séculaire, dont la belle saison offre plus d’un épisode, au début de l’automne ou à la fin de l’hiver, quand la marée d’équinoxe prête son concours gratuit à la tempête. Le spectacle est le même au Toulinguet, à Pen-Hir, à la pointe du Raz, à tous ces hauts balcons d’avant-scène, plus pathétique peut-être à Penmarc’h, où le rivage bas vous met de niveau avec cette fureur d’offensive. Quiconque, à ces moments, longe la grève de Saint-Guénolé ou les dunes de Tréguennec, appuyant son pas sur le vent parmi le fracas des lames déferlantes, le tourbillonnement des oiseaux de mer et celui des flocons d’écume, comment éviterait-il la pensée d’une submersion imminente ? C’est encore plus angoissant à l’île de Sein. Rien, en vérité, n’égalerait l’oppression que produisent ces mêlées cosmiques, s’il ne s’y joignait tant de splendeur exaltante, tant d’héroïsme contagieux. Quelle rancœur personnelle, quelle amertume égoïste tiendrait contre un pareil déchaînement, ou ne s’en trouverait magnifiée ?
Mais il n’est pas besoin de ces violences pour comprendre le caractère dramatique du pays. Toute terre a un sens pour qui l’observe. La Beauce elle-même, la Champagne Pouilleuse ont leur mot à dire. Mais, ici, quelle éloquence ! Ces plis et ces ressauts du terrain, ces landes rugueuses, ces saillies de roches, ces chênes courtauds agrippés au sol, ces ormes couchés par le vent d’Ouest, et jusqu’aux éléments humains du paysage, ces murets de pierre sèche, ces maisons basses, ces vieilles chaumières surtout (il en reste), avec leurs épaisseurs de granit et l’étroitesse de leurs fenêtres, tout parle de lutte, de révolte ou de résistance. Ailleurs, sur les bords de la Seine ou de la Loire, dans le jardin angevin ou dans celui d’Ile-de-France, il y a de beaux arbres, d’aimables logis. Mais les uns et les autres ont l’air, pour des yeux bretons, d’être seulement posés sur le sol, en attendant qu’on les transplante ou les déplace : en ce lointain Finistère, c’est entre le sol, la végétation, l’habitation, une rude harmonie, cordiale pour l’indigène, hargneuse, il se peut, pour l’étranger. Un pays qui a connu tant de rafales et de raz-de-marée et, sur le plan historique, tant d’empoignades, tant de ravages, se doit d’avoir une physionomie non pas dolente, comme le veut certaine tradition, mais violente. Il est fait pour plaire aux âmes passionnées, ivres de leur détresse, nourries de leur affliction, bandées dans leur énergie.
Voyez-le se défendre : tous ces promontoires relevés face au large, les îles, îlots et récifs qui les prolongent en pleine eau, que sont-ils, sinon les bastions, donjons, blockhaus d’une frontière menacée ? Le langage populaire ne s’y trompe pas, qui distingue parmi ces cailloux tant de « châteaux » grands et petits : Castel Meur , Castel Braz , Castel Bihan . La mer attaque, la roche tient bon. La lutte dure depuis des millénaires. Qui triomphera ? La mer prodigue ses coups de bélier ; mais la roche, dépouillée de tout ce qui n’est pas elle-même, semble une muraille inusable. C’est le socle de la montagne préhistorique, effondrée dans les convulsions de cette partie de la planète, éclatée sous l’effort des glaces, désagrégée par les déluges. Il s’appelle encore le ménez (2) , comme en souvenir de ce qui fut et que l’homme, pourtant, n’a pu connaître. Honneur à ce granitique ancêtre ! Là où il est, la forteresse tiendra. Seulement, il n’est pas partout. Le rempart a des vides que le galet ou le sable comblent mal. Le galet s’agglomère de son mieux en sillon, en éperons. Le sable fait ce qu’il peut pour se relever, lui aussi, en dunes, sous le gazon qui le fixe et le feutre. L’un et l’autre organisent la défense contre la ruée des masses d’eau. Mais cette défense même est crevée, çà et là, de l’intérieur, par un de ces innombrables ruisseaux bretons qui, taris l’été, se répandent l’hiver en marécages. La mer n’ignore pas cela et, tandis qu’elle se brise contre l’inusable granit, elle s’infiltre en ces terrains vagues, opère des mouvements tournants, creuse, amollit, délite, prépare avec une patience royale ses annexions.
Aux deux extrémités de l’arc de cercle finistérien, cette stratégie se dessine en grand, sur la grève basse de Goulven, derrière le plat pays bigouden. Elle se répète dans l’intervalle. Observez le profil des caps crozonnais la Chèvre, Pen-Hir, le Toulinguet, Roscanvel. Le redressement terminal se double d’un épanouissement. Mais, à la base, le promontoire s’affaisse et se rétrécit. C’est là que la mer joue ses chances, là que la presqu’île risque de se réveiller île après une nuit de catastrophe. Quant aux îles, c’est le dédoublement qui les guette. Pincée en son milieu — on serait tenté de dire : à la taille —, Sein est quotidiennement exposée à un coup de force de l’Océan qui la ceinture. De même le Loc’h et Saint-Nicolas, deux des Glénan. Quelques hectares d

Voir icon more
Alternate Text