126
pages
Français
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2023
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Ebook
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Publié par
Date de parution
18 janvier 2023
Nombre de lectures
0
EAN13
9782896118120
Langue
Français
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Date de parution
18 janvier 2023
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0
EAN13
9782896118120
Langue
Français
L’ESPACE DE LOUIS GOULET
GUILLAUME CHARETTE
L’ESPACE DE LOUIS GOULET
Pemmican Publications 701 - 310 Broadway Ave. Winnipeg, Manitoba R3C 0S6
Il est interdit de traduire, de reproduire et d’adapter cet ouvrage, en tout ou en partie, sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
First Printing 1976
Second Printing 1983
Copyright, Ottawa 1976
EDITIONS BOIS-BRULES
Winnipeg, Manitoba
Composition typographique : les ateliers de LA LIBERTE
Saint-Boniface, Manitoba R2H 3B4
Printed and bound in Canada.
Imprimerie
D.W. Friesen & Sons Ltd.
Altona, Manitoba ROG 0B0
Standard Book Number 0-919212-95-6
REMERCIEMENTS
A Monsieur René Toupin, ministre de la Culture et des Loisirs du Manitoba, pour ľappui financier, sans quoi cette publication n’aurait pas été possible.
A Madame Agnes Charette qui nous a aidés à retrouver les manuscrits de son mari et qui nous a autorisés à publier.
Aux archivistes de la Société Historique de Saint-Bonif ace ; du journal La Liberté; de la province du Manitoba; de l’Union Nationale Métisse; de l’hôpital des Incurables, à Portage-la-Prairie.
A l’équipe de la recherche et de l’édition : Fernando Champagne, Barbara Bruce-Linnemann, Lucile Clément, Bernard Carrière, Adam Cuthand, Normand Tellier, M.-J. Ragot, Doreen Onofriechuk, Simone Charette, Rossel Vien, Noëlie Pelletier, Réal Bérard.
PRÉSENTATION
En 1973, au cours d’un projet de recherches, les cahiers de Guillaume Charette avaient retenu notre attention. Il fut question de publier à ce moment-là, mais le temps et les fonds manquant, nous remettions à plus tard.
Enfin, à l’automne 1975, il nous était possible d’entreprendre la publication d’un ouvrage de Guillaume Charette. Parmi ses travaux, on choisit l’histoire de Louis Goulet, qu’il nous présente dans son avant-propos. Louis Goulet est mort le 26 septembre 1936.
Les Editions Bois-Brûlés ont conservé les canadianismes et les mots indiens qui se trouvaient dans le texte, et éliminé l’anglais à part quelques mots et une dizaine d’anglicismes. Nous avons respecté le style de l’auteur, un style écrit chevauchant le parlé.
Bois-Brûlés est le nom que l’on donnait aux Métis avant la formation de la province du Manitoba. Les Editions Bois-Brûlés, comme la Manitoba Métis Federation Press, ont pour but de faire connaître l’histoire, les légendes et la vie des Métis.
“L’Espace de Louis Goulet”, c’est plus qu’un cahier de folklore ou de culture métisse, c’est l’histoire d’un homme et d’une époque importante de la vie d’une nation.
Emile Pelletier, éditeur
AVANT-PROPOS
La pensée de publier un ouvrage de ce genre-ci nous fut suggérée dès 1903, à l’époque où la grande moissonneuse taillait à pleine faux à même les rangs déjà mûris de la dernière génération métisse qui avait vécu la vie des plaines. Nous ne pouvions voir un de ces anciens partir pour l’au-delà sans regretter qu’un récit de sa carrière n’eût pas été recueilli pour enrichir nos annales. C’est alors que nous nous donnâmes la tâche de rapailler les biographies des vétérans de l’ancien ordre de choses dans l’Ouest canadien.
C’est une de ces biographies que nous offrons ici telle qu’elle nous est tombée des lèvres du narrateur et que nous avons recueillie par faisceaux de notes sténographiques entre deux touches d’une bonne pipe de hart rouge, comme les anciens métis appellent l’écorce d’une espèce de saule sauvage qu’ils fumaient au lieu de tabac. Ces notes sont transmises au lecteur dans toute leur authenticité.
Dans le récit qui suit, le lecteur ne trouvera pas un mot de fiction. Tous les personnages ont existé, tous ont été connus, bien que le narrateur refuse de faire de l’histoire, il veut raconter tout simplement et c’est tout.
Un seul nom fait un tant soi peu exception; il n’a pas été changé mais pour être fidèle à l’assurance donnée au narrateur nous n’avons pas voulu céder à la tentation d’auréoler le nom de Marguerite Bourbon d’un nimbe à couleur de roman.
Louis Goulet a été sans contredit un des hommes les plus intéressants de ľOuest ďautrefois. Nous nous hâtons d’ajouter qu’en plus d’avoir été raconteur incomparable, il est resté parmi les plus impersonnels, et partant, un des plus véridiques. Quel dommage seulement que nous ne puissions faire passer dans ces lignes la vie même de la langue dont ce héros de nos temps si mouvementés du dernier siècle savait se servir si merveilleusement quand il dévidait l’écheveau de ses souvenirs. Ô ces intonations agrémentées de tours inattendus, d’expressions chantées sur un rythme dont seuls les vieux coureurs de la prairie semblent avoir eu le secret et qui donnait tant d’harmonie, tant de piquant à leurs passionnants récits!
Louis Goulet, en ornant son parler déjà limpide de tournures glanées à même différents idiomes indiens, n’a pas laissé qu’une réputation de beau conteur, il a laissé chez ses contemporains le souvenir d’un voyageur débordant d’ingéniosité. Des témoins boulaires, on ne peut plus dignes de foi, ont affirmé sous serment qu’un soir dans un rixe au Montana, Louis Goulet a bel et bien donné la volée à John L. Sullivan alors que ce dernier était à l’apogée de sa force et de sa gloire de roi du pugilat.
Quoiqu’il en soit, notre narrateur était un très beau type d’homme dont les qualités du coeur égalaient celles d’un physique resté légendaire. Mais, n’anticipons point et laissons-le parler lui-même.
Guillaume Charette
CHAPITRE I
J’ai vu le jour le 6 octobre 1859 à la rivière Gratias. Ce minuscule tributaire de la rivière Rouge, à quelque trente milles en aval de la frontière des Etats-Unis, doit son nom à l’abondance d’une variété de bardane qui croissait sur ses côtes tout au long de son parcours. Les anciens Métis appelaient cette bardane gratchias.
Ma naissance survint alors que mes parents revenaient d’une expédition de chasse au buffalo, qui était partie de Saint-Norbert, à la rivière Sale, pour se diriger vers le Missouri et jusqu’aux falaises qui frangent les premiers contours des montagnes Rocheuses. De là, on avait piqué tout droit vers la rivière Rouge qu’on avait atteinte à son confluent avec la rivière des Cheyennes dans le Dakota du Nord.
Ma naissance arrivait au plus fort d’une mauvaise épidémie qui sévissait chez les nouveaux-nés. Craignant pour mes jours, mon parrain, Marcel Roy dit Comtois, ma marraine, Marguerite Boyer et deux compagnes, mes tantes, montèrent en selle et me descendirent à toute bride à Saint-Norbert pour y être baptisé le même jour par le Père Lestanc, oblat, au lieu du Père Mestre, qui était alors curé de la paroisse fondée tout récemment.
A l’endroit exact où je suis né s’élève aujourd’hui la petite ville de Morris. C’est maintenant un centre agricole prospère, traversé par un embranchement de chacun des réseaux ferroviaires du Canadien National et du Pacifique Canadien; il jouit en outre de l’avantage de n’être qu’à 30 milles de la frontière du nord des Etats-Unis. Le nom de rivière Gratias a été changé plus d’une fois depuis les derniers cinquante ans. Le nom de rivière Sale l’a été également en celui de La Salle, en souvenir de René Robert Cavalier de La Salle, qui a reconnu la Louisiane et le cours du Mississippi. Les anciens du pays de l’Ouest canadien l’avaient appelée riviere Sale à cause de l’eau fangeuse qu’elle charriait de l’immense plaine marécageuse alimentant la source de son cours. Son embouchure a toujours été l’endroit connu comme le plus poissonneux du pays, où pullulaient à coeur d’été les bancs de carpes, de brochets et de barbues, comme on appelle encore de nos jours la barbotte, une espèce de loche ou lotte dont la chair a de tout temps été fort prisée par les anciens de l’Ouest.
Le Père Lestanc, qui avait succédé au Père Mestre, fut à son tour remplacé le 7 juin 1862 comme curé de Saint-Norbert par ľabbé Joseph-Noël Ritchot, mieux connu dans l’histoire de tout l’Ouest canadien sous le nom de Père Ritchot, tant fut grands son ascendant sur la population du pays, et son influence sur les événements qui ont marqué l’époque de sa cure. Mon père, Moise Goulet, était le fils aińé d’Alexis Goulet, originaire du Québec. Ma mère, née Marie Beauchamp, était la fille d’une métisse franco-crise du nom de Versailles dont le mari était venu de France.
La famille comprenait huit garçons: Moise, Roger, moi-même Louis, Alexandre, Joseph, Napoléon, Charles et Maxime. Une fille, Marie, se trouvait entre Alexandre et Joseph, et une seconde fille, Justine, entre Napoléon et Charles. La famille demeurait sur une terre de la rivière Rouge située sur la rive occidentale juste en amont de l’embouchure de la rivière Sale. Notre maison, comme toutes celles de cette époque à Saint-Norbert, était construite de troncs d’arbres habilement équarris à la grande hache et maintenus superposés par des tenons martoisés, comme on disait dans le temps, en queue ďaronde. Elle était d’un étage et demi de hauteur, deux fois plus longue que large et couverte en terre et en foin. La cheminée était de longues perches comme on appelait des brins de bois longs de dix à douze pieds. Ces perches étaient droites et plantées l’une à côté de l’autre, puis bousillées à l’intérieur d’un épais mortier d’argile. Elle servait à chauffer et à éclairer la pièce. Les fenêtres étaient à carreau de peau crue parcheminée qui faisaient leur possible pour laisser pénétrer les rayons du jour et de la nuit, s’il faisait clair de lune; sinon, l’âtre de la cheminée devait faire office à la fois de foyer d’éclairage et de système de chauffage.
La boiserie: cadres, châssis, portes, plancher et ameublement, étaient de fabrication à domicile exécutée patiemment à la main, au couteau croche, soit seul le soir à la maison ou en corvée. Les parents seulement couchaient ďordinaire dans un lit; les enfants dormaient enroulés dans des robes de peau de buffalo étendues chaque soir sur le sol nu, et s’il y en avait un, sur le plancher. C’était l’âge d’or et des belles r