Jenan : La condamnée d'Al-Mansour , livre ebook

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En mars 2003 une averse de bombe dévaste l’Irak. Zehira Houfani Berfas, qui séjourne alors à Bagdad, affronte ce terrible orage d’acier avec aplomb, déterminée à secourir une jeune fille, Jenan, mais aussi à témoigner de la vie quotidienne sous les feux de la plus grande puissance militaire de l’histoire.
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Date de parution

13 mai 2013

Nombre de lectures

4

EAN13

9782895966227

Langue

Français

© Lux Éditeur, 2008 C.P. 129, succ. de Lorimier Montréal (Québec) H2H 1V0 www.luxediteur.com
Dépôt légal ῀ : 3 e trimestre 2008 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN (papier) 978-2-89596-067-6 ISBN (epub) 978-2-89596-622-7 ISBN (pdf) 978-2-89596-822-1
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du programme de crédit d’impôt pour l’édition du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.
À Jenan, Mortad, Rana, Bessem et les centaines de milliers d’autres enfants irakiens condamnés à mort sur un décret de Washington.

REMERCIEMENTS
Merci à toutes celles et ceux qui ont contribué directement ou indirectement à enrichir mon expérience humanitaire et à inspirer ma plume sur la tragédie irakienne. Certaines personnes de Voices in the Wilderness (VITW) et de Iraq Peace Team (IPT) s’y reconnaîtront, même si les noms ont été changés. Leur courage et leur engagement n’ont pas empêché la guerre, mais leur « ῀ Non ῀ » à celle-ci, notamment à Montréal, a été plus fort que jamais. Espérons que l’enseignement vaut pour les générations futures qui auront à cœur d’humaniser le monde en le rendant meilleur pour tous.
NOTE DE L’AUTEURE
M ÊME LA PLUS MAUVAISE des paix vaut mieux que la guerre, dit la sagesse populaire. Et pour cause. Toute guerre est sale. Chacune a son lot de victimes innocentes qu’elle fauche, les blessures et les traumatismes qu’elle inflige aux survivants, sans oublier les dévastations qu’elle laisse invariablement derrière elle. Si la barbarie de la baïonnette appartient au passé, celle des bombes atomiques, des armes chimiques et technologiques n’a pas de limite. Ni dans le temps ni dans l’espace. Elle condamne les populations assiégées sur le long terme en minant leur terre d’engins meurtriers et en empoisonnant l’air qu’elles respirent de substances chimiques, comme l’uranium appauvri dont le nombre de victimes n’a cessé d’augmenter en Irak depuis la première guerre du Golfe pendant laquelle des centaines de milliers de munitions à U238 ont été tirées par les chars et les avions de la coalition. Le pays a enregistré depuis lors un nombre effarant d’enfants nés difformes et d’autres atteints de cancer. La grande majorité de ces victimes ne pouvaient survivre puisqu’une impitoyable politique de sanctions avaient pris la relève de la guerre, plongeant le pays dans une pauvreté sans précédent. Outre les privations de toutes sortes, les soins de santé sont devenus un luxe inaccessible pour l’écrasante majorité de la population, tandis que la minorité de gens nantis pouvaient s’en prévaloir en voyageant dans les pays voisins.
C’est dans ce décor de misère que je fis la rencontre d’une fillette, Jenan, « ῀ pensionnaire du couloir de la mort ῀ » de l’hôpital Al-Mansour à Bagdad, une aile réservée aux enfants atteints de cancer et condamnés faute de soins. Pour Voices in the Wilderness (VITW) qui luttait depuis 1996 pour la levée des sanctions, Jenan était une victime parmi tant d’autres. Elle aurait pu le rester, pour moi aussi. Cependant, au hasard d’un incident absurde et déchirant qui survint lors d’une des visites des membres de notre organisation à cet hôpital, le destin tragique de Jenan prit toute la place et devint une tourmente qui marqua d’une façon particulière mon séjour en Irak.
Quelques jours après mon arrivée à Bagdad, j’accompagnai Karen pour y passer quelques heures avec les enfants. Nous avions un sac contenant des crayons de couleurs, de la pâte à modeler, des feuilles de papier, bref, des fournitures somme toute banales, mais qui se révélaient être de véritables trésors pour les petits pensionnaires démunis de ces hôpitaux de misère et de désespoir.
La visite aurait pu se dérouler comme à l’habitude, sans incident, si Jenan n’avait pas décidé ce jour-là, de garder pour elle le cahier de coloriage qu’on faisait circuler entre les enfants leur permettant de colorier les images de leur choix. La fillette opposa une telle résistance que la scène devint épouvantable, et notre geste de reprendre le cahier, infiniment coupable.
Cette chronique de Bagdad sous les bombes n’aurait pu exister sans la tristesse incrustée dans le regard profond de Jenan, la condamnée d’Al-Mansour.
C’ EST TOUJOURS SPÉCIAL de se retrouver environnée de cette odeur d’hôpital, désagréable, dérangeante à tout le mieux, quand elle n’est pas carrément oppressante. Jamais elle n’est neutre puisque, dans nos esprits, elle est vite associée à la maladie et à la douleur, aux blessures et aux souffrances, et souvent même à la mort. Ce préalable à l’esprit, l’hôpital devient le dernier endroit que l’on a envie de visiter, de surcroît s’il se trouve dans un pays où la tragédie se conjugue au quotidien depuis bien trop longtemps. Il était environ 10 h quand je rejoignis Karen dans le hall de l’hôtel. Elle est moi avions pour mission, ce matin de mars 2003, de visiter un hôpital pour enfants cancéreux dans le centre de Bagdad. Plutôt de petite taille, Karen, mi-blonde mi-rouquine, était une jolie femme d’âge mûr, proche de la cinquantaine. Elle avait un caractère tranquille et semblait sûre d’elle, même si au cours de ces dernières semaines, certains événements avaient dévoilé chez elle un soupçon de fragilité. Bien que j’avais une foule de choses qui trottaient dans ma tête, le trajet fut plutôt silencieux, quelques petites phrases anodines, banales, sur la circulation, le temps. Il faut dire que Karen, une Américaine parmi la vingtaine de ses compatriotes qui composaient notre groupe, ne parlait pas du tout français ni arabe, et que, de mon côté, je n’avais aucune volonté ce matin-là de m’investir dans une conversation en anglais qui me laisserait probablement frustrée, ne pouvant m’exprimer confortablement dans cette langue.
Le conducteur du taxi, une vieille Volkswagen de type Passat d’au moins une vingtaine d’années (âge moyen des véhicules dans le pays), stoppa à quelques mètres de l’hôpital. Les portières arrière ne s’ouvrant pas de l’intérieur, l’homme dut faire le tour du véhicule pour ouvrir et laisser sortir Karen, qu’il salua de la tête. Cette dernière le remercia en lança aussitôt « ῀ choukrane [1] ῀ », un des quelques mots arabes que notre groupe, formés en majorité d’Américains, d’Anglais, d’Australiens et de Canadiens, dont des Québécois, avait réussi à apprivoiser. Moi, qui suis d’origine algérienne, j’étais plutôt privilégiée sur le plan de la communication, puisque indépendamment de ma langue maternelle, le tamazight, je disposais de trois langues pour communiquer avec les uns et les autres. La langue arabe, que je connais bien, me rendait les gens accessibles et établissait très vite, entre moi et les populations locales, dont nous voulions nous approcher, un lien de confiance puisée, sans doute, dans notre appartenance commune à la culture arabo-musulmane.
Tandis que nous approchions de l’entrée de l’hôpital Al-Mansour, mon attention fut attirée par une immense toile blanche tournée vers le ciel. Elle semblait sortir du sol. On y avait écrit à l’encre noire « ῀ To bomb this site is a War Crime ῀ » (« ῀ Bombarder ce site est un crime de guerre ῀ »). En dessous à l’encre rouge « ῀ Children Hospital ῀ » (« ῀ Hôpital pour enfants ῀ »).
– Ça, c’est nous, me lança Karen, la tête inclinée vers la banderole et le visage empreint d’un sourire de satisfaction.
– Je m’en serais doutée, répliquai-je avant d’ajouter, et à l’allure où tout le monde déserte les lieux, les membres d’Iraq Peace Team (IPT) et Voices in the Wilderness (VITW) vont finir par être les seuls étrangers dans les rues de Bagdad.
– En tous cas, ce n’est pas moi qui ferai mes bagages, déclara Karen d’un ton résolu. Un petit groupe d’hommes discutait devant l’entrée de l’hôpital. À notre approche, ils se turent et nous saluèrent. D’un air familier, Karen lança son autre fameux mot arabe « ῀ Salamou alaikoum [2] ῀ », dans un accent américain, si particulier.
Tandis que nous progressions dans l’édifice, tout le monde semblait connaître Karen, du directeur à l’employé de l’entretien, les sourires et salutations fusaient sur notre passage. Ça semblait plutôt curieux, mais au fond, je n’étais pas vraiment surprise de cette attitude si hospitalière, si serviable des gens à l’égard des étrangers. L’hospitalité arabe, ajoutée aux valeurs musulmanes, est légendaire. Bien des récits de voyageurs du monde en avaient fait mention. Je ne pourrais que renchérir en observant l’attitude des gens autour de nous, s’appliquant à nous faire plaisir, voire à dépe

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