Vieillir en philosophe
107 pages
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Vieillir en philosophe , livre ebook

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Description

Que signifie être autonome ? Mener une vie digne ? Être en bonne santé ? Comment être un citoyen actif alors que l’on ne travaille plus ? Voilà quelques-unes des interrogations auxquelles nous invite cet ouvrage de philosophie pour tous. À travers ces questions (et bien d’autres) se dessine une nouvelle façon, à la fois ludique et philosophique, d’envisager la vie, le temps qui passe, la vieillesse. Dans ce livre, François Galichet nous montre avec talent que la philosophie peut apporter des réponses aux différentes étapes de la vie que chacun de nous doit traverser. Non seulement elle nous aide à bien vivre, mais elle nous permet de bien vieillir. Dessins d’humour, bandes dessinées, portrait chinois, chansons et fictions, poèmes et tableaux, images publicitaires viennent illustrer la lecture et sont l’occasion pour le lecteur de réfléchir à sa situation, seul, en famille ou avec des amis. La retraite n’est plus une étape de la vie qu’il faut absolument réussir, mais l’occasion de penser mieux et différemment. Un livre pas comme les autres, interactif et vivant, qui transforme chacun de nous en lecteur-philosophe ! François Galichet est philosophe. Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur d’État, il est professeur émérite à l’université de Strasbourg. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 janvier 2015
Nombre de lectures 5
EAN13 9782738167590
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2015 15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6759-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

« La philosophie renferme en soi un sentiment de force bien capable de compenser dans une certaine mesure la faiblesse physique de la vieillesse par une estimation raisonnable du prix de la vie. »
E. K ANT , Le Conflit des facultés , 3 e section, Vrin, 1955, p. 120 (traduction Gibelin).

Vieillir est un destin de plus en plus partagé. Penser le vieillissement est donc une nécessité ; mais on ne saurait se contenter d’accumuler les approches psychologiques, sociologiques ou médicales, ni même de les croiser. Vieillir n’est pas seulement une expérience comme la découverte d’un nouveau pays ou d’une nouvelle culture. C’est aussi la source d’appréciations contrastées. C’est une aventure obligeant celui qui la vit – mais aussi les autres – à prendre parti, à juger, à condamner ou à approuver ce qui lui arrive.
L’enfance donne lieu à des évaluations antagonistes. Elle est symbole d’innocence, mais aussi de perversité. « La vérité sort de la bouche des enfants », mais aussi bien l’erreur, l’illusion, la crédulité. L’enfant symbolise la créativité et l’originalité, mais il est aussi éminemment malléable, influençable, manipulable. Cette ambivalence se retrouve dans le cas de la vieillesse. L’âge suscite simultanément les images du vieux sage et du vieux fou, de la sérénité et de l’angoisse, du détachement et de la mesquinerie, de la générosité et de l’avarice.
Comment expliquer que les deux extrémités opposées de la vie soient ainsi appréhendées sous des aspects contradictoires, alors que l’âge adulte ne présente pas la même ambivalence ? Peut-être parce que ces époques de l’existence sont perçues en extériorité : ce sont les adultes, non les enfants, qui parlent de l’enfance. Et pareillement jusqu’ici, dans la philosophie et la littérature, il y a peu de discours sur la vieillesse « en première personne ». Les écrivains qui parlent de leur âge, comme Cicéron, Montaigne ou Chateaubriand, le font généralement en se plaçant hors de lui. Ils prennent le ton de la déploration ou de l’éloge, comme si la vieillesse était un état dont il fallait soit prendre la défense, soit se défendre ; comme si elle était une cause à plaider, obligeant à endosser la robe du procureur ou celle de l’avocat.
Du côté de l’enfance, les choses évoluent. Avec la Convention des droits de l’enfant et les pratiques de philosophie précoce, les enfants ne sont plus seulement considérés comme des êtres à protéger ou à éduquer, mais comme des sujets de droits, notamment en ce qui concerne le droit à la parole. Pareillement, on peut envisager une « philosophie pour et par les seniors ». Il s’agirait non d’exprimer des états d’âme ou de rechercher des recettes pour « bien vieillir », mais plutôt de réfléchir ensemble sur la signification de cette période de la vie et la valeur qu’on peut lui reconnaître dans le parcours qui mène de la naissance à la mort.
Se pose immédiatement un problème de vocabulaire. Quand on veut parler de ceux qui vieillissent, aucun mot ne convient vraiment. « Vieillard » évoque l’extrême vieillesse, l’image du vieux cacochyme, égrotant, ridé et blanc de cheveux : ce n’est pas le cas de celui qui, atteignant la soixantaine, s’éprouve entrer dans la vieillesse sans pour autant être un vieillard. « Vieux » a un côté misérabiliste et condescendant : on parle de « nos vieux » ou de « nos chers vieux », des « petits vieux », comme autrefois la riche bourgeoise parlait de ses pauvres. « Senior » sent trop l’euphémisme : on voit bien que ce mot n’est là que pour en éviter d’autres. « Personnes âgées » renvoie à une catégorie sociologique plus qu’à un vécu intime et personnel. Bref, alors que le terme « vieillesse » a une extension large et une connotation plutôt neutre, il n’y a pas de mot correspondant pour désigner les personnes. Tout se passe comme si l’on ne pouvait évoquer la vieillesse que sur un mode impersonnel, comme un état, une tonalité de l’existence, une situation que l’on vit mais qui ne vous qualifie pas vraiment.
Il y a de la vieillesse, il n’y a pas à proprement parler de vieux ou de vieillards, sauf cas extrêmes, c’est-à-dire quand on parle à la troisième personne de gens qui ne sont plus en mesure de s’affirmer comme soi. Cette dissymétrie indique que la vieillesse n’est pas seulement un attribut, ou un tableau clinique, ou un âge succédant à d’autres. C’est aussi une possibilité permanente, constitutive de l’existence, même si empiriquement elle s’actualise à une certaine époque de la vie plutôt qu’à d’autres. On peut sentir le souffle de la vieillesse à 30 ans, et l’ignorer à 80.
Par-delà la diversité des évaluations contradictoires (il y a autant de vieillesses heureuses que malheureuses, et ce sont parfois les mêmes), il faut penser ce que c’est que vieillir. Non pas seulement en termes de gains et de pertes, de handicaps et de remédiations, de maux et de thérapies, mais aussi par rapport à la façon de percevoir, de penser, d’aimer, de se rapporter aux autres et au monde, de rêver, de faire des choix, de se projeter dans l’avenir et le passé, etc. Il y a là toute une « phénoménologie de la vieillesse » qui reste à faire. Ce sera notamment l’objet des deux derniers chapitres de cet ouvrage, qui tenteront de dégager une éthique spécifique à la vieillesse, et de préciser sa manière propre d’exister.
Jean Maisondieu 1 soutient que l’une des causes de la maladie d’Alzheimer est la hantise de la mort : on « perd la tête par peur de perdre la vie ». Les troubles de la mémoire et de la conscience sont, d’après Simone de Beauvoir, les expressions de ressentiment ou de colère du vieillard devant l’injustice de son destin 2  : « Éviter la mort de l’esprit n’est envisageable qu’en acceptant d’avoir la mort présente à l’esprit. » S’il en est ainsi, « vieillir en philosophe » ne serait plus un luxe, un subterfuge pour occuper l’oisiveté des seniors et leur donner l’illusion qu’on les prend au sérieux. Ce serait une exigence essentielle à la construction d’un « sujet vieux 3  », tout comme philosopher avec les enfants est essentiel à la construction de leur identité 4 .
C’est pourquoi cet ouvrage n’est pas un livre de plus sur ce qu’il faut penser de la vieillesse. Il est l’aboutissement d’un atelier proposé sur Internet 5 qui a réuni pendant plusieurs mois des personnes de tous âges résolues à réfléchir ensemble sur cette question. Pour chacune des périodes, le travail en commun prenait la forme d’échanges à partir d’activités réflexives.
On retrouvera ces activités réflexives au cours et à la fin de chaque chapitre du présent ouvrage. Il ne s’agit pas d’exercices scolaires, mais de propositions aussi diversifiées que possible, prenant pour point de départ des textes (philosophiques ou littéraires), des chansons, des images (tableaux, photos), des vidéos disponibles sur Internet, des liens avec des sites Web, des choix à faire (« Q-sort »), des analogies à inventer (« portrait chinois »), des récits de vie personnels, etc. Le lecteur est invité à s’approprier les activités qui seront les plus parlantes pour lui. Cette appropriation peut se faire seul, mais aussi – et ce serait plus intéressant – à plusieurs. Elles peuvent alors être l’occasion d’amorcer une réflexion collective sur les thèmes en jeu. Le but n’est pas seulement de se livrer à un exercice gratuit, fût-il divertissant, mais d’approfondir les valeurs, les représentations, les croyances, voire les fantasmes qui sont à la racine de la façon dont chacun vit sa vie. L’atelier demeurant ouvert de façon permanente, le lecteur peut, s’il le souhaite, mettre en ligne ses réponses sur un forum spécialement dédié, à l’adresse http://philogalichet.fr . Ce serait une manière de faire vivre la réflexion philosophique sur le vieillissement bien au-delà du présent ouvrage.
CHAPITRE 1
Vieillir, est-ce bien nécessaire ?

La vieillesse, contrairement à ce qu’on pourrait croire, intéresse peu les philosophes. Si on fait le tour des grands auteurs – Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Kant, Rousseau, Hegel –, on constate que les passages qui lui sont consacrés sont rares et souvent convenus. Seul Montaigne fait exception. D’autres thèmes relatifs à des états ou à des âges de la vie ont suscité et suscitent encore beaucoup plus de réflexions. Ainsi l’enfance (chez Platon, Rousseau, Kant), en rapport avec la question de l’éducation ; ou la folie, la maladie (chez Nietzsche et Foucault), qui posent le problème de l’altérité et de l’aliénation du sujet.

La vieillesse est-elle insignifiante ?
Par rapport à ces états, la vieillesse semble plate, fade, philosophiquement stérile. Comme le dit Montaigne : « Je ne me suis pas attendu d’attacher monstrueusement la queue d’un philosophe à la tête et au corps d’un homme perdu 1 . » Quand tout part à la dérive, il n’y a plus rien à dire, il n’y a plus matière à philosopher, spéculer ou observer. On ne saurait rien tirer de positif d’un état qui est pure perte, dégradation, amoindrissement, diminution. Il ne suscite guère que des lieux communs autour de la sagesse et de l’expérience supposée des vieillards (que Montaigne conteste vigoureusement), la sérénité qu’apporterait l’affranchissement des passions ou

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