Le Bonheur en famille
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Le Bonheur en famille , livre ebook

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Description

Certaines familles semblent réussir mieux que d’autres à surmonter les difficultés de la vie. Comment font-elles face ? À quoi est dû leur succès ? Fort de sa longue expérience de thérapeute familial, Pierre Angel montre ici comment la famille possède des capacités créatives qui lui permettent de trouver des solutions efficaces et de triompher de l’adversité quand elle se présente. Une analyse précise et des conseils précieux pour apprendre aux familles à mieux utiliser les ressources qu’elles possèdent. Psychiatre, psychothérapeute, fondateur du Centre de thérapie familiale Monceau à Paris, Pierre Angel est professeur de psychologie à l'université Paris-VIII. Il est l’auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages sur la famille dans tous ses états. Christine Schilte est écrivain.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 septembre 2005
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738188496
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2005
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8849-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Avant-propos

Laissez-moi, pour commencer, vous raconter une histoire, la mienne, celle de ma famille.
En 1940, la communauté juive de Salonique comptait 56 400 personnes ; entre mars et août 1943, 46 095 juifs sont déportés, soit 95 % de la communauté. Des trains de marchandise acheminent les déportés à destination d’Auschwitz ; mon père, ses trois sœurs et son jeune frère sont entassés dans l’un de ces funestes convois. Seuls mon père et son frère survivront à cette tragédie.
Ce que je vous raconte là, je ne l’ai pas toujours su. Il a fallu des années pour que mon père puisse parler de ces années tragiques et que j’apprenne ce qui s’est passé. La transmission de son histoire, je la dois largement à Régine Waintrater 1 , 2 , psychanalyste et thérapeute familiale. Il y a quelques années, ma collègue a participé à deux projets européens de collecte de témoignages des survivants de la Shoah conduits par l’université Yale aux États-Unis et par l’équipe de Spielberg. Pour ce travail de mémoire, elle a réalisé une longue interview de mon père. Voici ce qu’il dit dans l’enregistrement que j’ai conservé.

« Je suis Moïse Angel et je vivais à Salonique… »
« En 1941, j’avais 28 ans quand les troupes allemandes ont envahi la Grèce. La mort de mon père avait fait de moi le chef de famille. Dans les deux ans qui ont précédé la déportation des juifs de Salonique, notre vie quotidienne s’est inexorablement dégradée. Les Allemands nous ont imposé le port de l’étoile jaune et regroupés dans des ghettos. Malgré une certaine aisance de notre famille, nous avons souffert des restrictions, notamment de la faim. Au printemps 1943, la rumeur s’est répandue dans la ville que les juifs allaient être déportés pour travailler en Allemagne. Mais tous n’y croyaient pas. Un certain nombre de personnes savaient que la mort nous attendait au bout du voyage. Un de mes amis bien informé m’a proposé de m’enfuir avec lui, mais, pour moi, c’était impossible : si ma famille devait mourir, je serais avec elle.
« En mars 1943, le ghetto où nous vivions a été évacué, nous étions déportés pour Auschwitz. J’ai été séparé de ma mère, de mes sœurs et de mon frère, seul mon beau-frère est monté dans le même wagon que moi. Je n’ai jamais revu ni ma mère ni mes sœurs, mon beau-frère a été tué dès l’arrivée au camp. Il ne reste de ma famille que mon frère cadet que j’ai retrouvé à Auschwitz. J’ai perdu 46 membres de ma famille en déportation.
« Mon frère et moi sommes sortis vivants de cet enfer parce que nous avons trouvé la force de sauver notre peau. J’ai toujours été persuadé d’y parvenir. Je suis très croyant et, tout au long de ces années terribles, j’ai eu foi en la protection de Dieu.
« En me déclarant comme tailleur, j’ai réussi à intégrer l’équipe qui travaillait à l’atelier de confection, mon frère m’y a suivi. Là, notre situation par rapport aux autres déportés était très privilégiée : nous travaillions au chaud, nous étions vêtus assez correctement, mais surtout, nous mangions comme les soldats allemands. Je pouvais donner à d’autres la ration de soupe que l’on nous distribuait le soir. En fait, un homme fort et en parfaite santé à l’arrivée dans le camp ne survivait pas plus de neuf mois en raison des conditions de vie et tout particulièrement des restrictions alimentaires. Tous les mois, nous étions soumis à une visite médicale de sélection, chacun essayait alors de se montrer le plus en forme possible. Mais en réalité, la sélection était quotidienne, dès qu’un déporté était malade ou à bout de forces, il disparaissait. Nous savions que les plus faibles étaient gazés. Je n’avais aucune illusion sur ce qu’il était advenu de ma mère et de ma sœur. Si elles n’avaient pas été exterminées à leur arrivée à Birkenau, elles n’avaient pu survivre à la vie du camp. Je pleurais souvent de l’intérieur en pensant au sort de ma famille. Autour de moi, je voyais les personnes dépérir, mais que pouvais-je faire ?
« Cependant, des épreuves encore pires nous attendaient lorsque nous avons évacué le camp d’Auschwitz, en janvier 1945. La marche dans la neige et le convoi de trains à ciel ouvert par un froid polaire ont tué un très grand nombre de déportés. Mon frère et moi, nous avons supporté ces conditions effroyables parce que nous avions été physiquement préservés jusqu’alors.
« La vie au camp de Buchenwald était inimaginable, pire que celle d’Auschwitz. Nous étions si nombreux par couchette qu’il fallait dormir sur le côté, il n’y avait qu’une distribution de pain par jour, 250 grammes par personne. Mieux valait manger immédiatement ce qu’on vous donnait car certains déportés pouvaient vous agresser pour quelques miettes. Puis, ce fut l’évacuation pour Langerstein. Nous étions en permanence tenaillés par la faim et dévorés par les poux.
« Devant l’avancée des troupes russes, les Allemands nous ont forcés à fuir à pied à travers la campagne. Nous tournions en rond, encadrés par les SS. Ceux qui ne pouvaient pas suivre étaient abattus sur place. Nous n’avions rien à boire et seulement un peu de pain tous les deux ou trois jours.
« J’ai alors décidé de m’échapper. Mon frère, qui était toujours avec moi, n’a pas voulu me suivre. J’ai erré quelques jours dans les champs me nourrissant de baies et de pommes de terre crues. Mais le plus incroyable, c’est que je suis peut-être en vie grâce à trois SS. Je suis tombé nez à nez avec eux. Mes vêtements indiquaient mon appartenance juive et j’ai dit simplement que j’étais grec. L’un des soldats a alors sorti de sa poche une lettre, il voulait que je le lui traduise ce que sa petite amie grecque lui avait écrit ! C’était une lettre de rupture que j’ai transformée, avec mon médiocre allemand, en lettre d’amour ! En remerciement, il m’a donné un repas et m’a confié à un groupe de soldats allemands qui refusaient de se battre. J‘avais changé mon statut de déporté juif pour celui, beaucoup plus confortable, de prisonnier de guerre. Je me sentais presque en sécurité.
« J’ai été officiellement libéré le 8 mai 1945, mais c’était très étrange, personne ne me demandait d’où je venais. Je suis arrivé à Paris le 30 juin car tous les prisonniers devaient passer par la France avant de rentrer chez eux, quelle que soit leur nationalité. J’étais vivant, je n’avais plus faim et j’étais content de connaître Paris.
« Quelques jours après mon arrivée, j’ai retrouvé mon frère qui en raison de son mauvais état de santé était hébergé dans un centre médical installé en banlieue.
« Nous savions que toute notre famille avait été exterminée et que personne ne nous attendait à Salonique. Nous avons donc décidé de rester en France. La rencontre de celle qui est devenue ma femme a conforté ce choix. Nous avons dansé ensemble au bal du 14 Juillet et nous nous sommes mariés douze jours plus tard !
« Pour moi, longtemps le passé n’a pas existé. Je ne voulais pas y penser, j’avais à construire une nouvelle vie d’autant plus vite que mon épouse était enceinte. Ce n’était ni de l’indifférence ni de l’inconscience vis-à-vis de ce que ma famille avait enduré, mais il n’y avait pas d’autre solution. Me lamenter, pleurer, me taper la tête contre les murs de chagrin n’aurait rien changé, ils ne seraient pas revenus.
« Je suis retourné à Salonique en 1952 avec ma femme. Ce voyage, c’était un peu le voyage de noces que nous n’avions pas pu faire. J’ai revu ma maison, le commerce familial aujourd’hui tenu par des Grecs. La mémoire de ma famille et celle des juifs de Salonique se commémorent en Israël où une stèle a été érigée.
« Longtemps, je n’ai pas voulu parler de mon passé, mais aujourd’hui je crois qu’il faut entretenir la mémoire de l’Histoire. Je dois dire ce que je sais pour laisser à jamais une trace. »

La force d’une histoire
Sans ce témoignage, jamais moi et ma famille, notamment mes enfants, n’aurions pu prendre la mesure des souffrances endurées par mon père 3 , 4 . Quand on écoute ses propos, on perçoit, même dans les passages les plus éprouvants, l’humour, le recul, l’empathie, l’ironie. À plusieurs moments, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec la tonalité de certaines séquences du film La Vie est belle de Roberto Benigni, l’histoire de ce père juif déporté avec son fils qui réussira à lui faire croire que les épreuves qu’ils subissent sont celles d’un jeu.
Mon père a toujours refusé, dès les premiers mois de son séjour en France, de se définir essentiellement comme « un rescapé des camps ». Il a conquis une reconnaissance sociale qui méconnaissait largement ses traumatismes passés. Pourtant, il a toujours conservé sa nationalité hellénique en dépit des interminables tracasseries administratives que cela a pu lui valoir. Jamais il n’a caché le matricule tatoué sur son avant-bras, ce numéro d’ordre qui tenait lieu de nom dans l’univers concentrationnaire allemand. Entre ma mère et lui, ce fut un immense coup de foudre et un formidable amour. Un amour toujours intact soixante ans plus tard, malgré les épreuves et le poids du passé, car, du côté de ma mère, modeste Française, on ne fut pas épargné non plus. Mon grand-père maternel, médaillé militaire, était un rescapé de la guerre 1914-1918 grièvement blessé

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