La Disposition perverse
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La Disposition perverse , livre ebook

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Description

En affirmant l’existence d’une sexualité infantile, la psychanalyse a profondément changé le regard que nous pouvons porter sur l’enfant. Son développement, la conquête de l’autonomie de son corps et l’affranchissement d’une dépendance vitale aux autres s’accompagnent d’attitudes et de conduites qui, aux yeux des adultes, peuvent paraître perverses. Pour Freud, la disposition perverse polymorphe semble ainsi différencier l’enfant de l’adulte. Mais il affirme aussi que c’est un "trait universellement humain". Dès lors, comment penser cet universel qui serait au cœur de la sexualité humaine?Des psychanalystes, cliniciens spécialistes des enfants com- me des adultes, des hommes de science, des médecins, des anthropologues, des historiens apportent ici le témoignage de leurs pratiques et de leurs recherches pour faire le point sur cette question centrale, au-delà même de la psychanalyse. Alexandre Adler, Patrick Avrane, Marcianne Blévis, Irène Diamantis, Muriel Djéribi-Valentin, René Frydman, Liliane Gherchanoc, Suzanne Ginestet-Delbreil, Gilbert Grandguillaume, Dominique Guyomard, Patrick Guyomard, François Lévy, Michèle Montrelay.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 1999
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738165602
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La mise au point de cet ouvrage a été effectuée par François Lévy
©  ODILE JACOB, MARS  1999 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6560-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Colloque organisé à l’initiative de la Société de Psychanalyse Freudienne (1 er -2 février 1997)


avec la participation de :


Alexandre Adler
Dominique Guyomard
Paul Atlan
Patrick Guyomard
Patrick Avrane
Pierre Kahn
Victor Azoulay
François Lévy
Martine Bacherich
Alain Lemosof
Pierre Bayard
Yves Lugrin
Marcianne Blévis
Chantal Maillet
Claudie Bolzinger
Françoise Mandelbaum-Reiner
Sophie Colaudin
Claude Maritan
Marielle David-Boueilh
Lucien Mélèse
Monique David-Ménard
Jacques Mervant
Sophie Delaporte
Michèle Montrelay
Irène Diamantis
Philippe Porret
Muriel Djeribi-Valentin
Georgette Revest-Bocchini
René Frydman
Élisabeth Roudinesco
Liliane Gherchanoc
Dominique Simonney
Suzanne Ginestet-Delbreil
Jean-François Solal
Micheline Glicenstein
Jean Szpirko
Gilbert Grandguillaume
Amaro de Villanova
Accueil par Patrick Guyomard

Au nom de la Société de Psychanalyse Freudienne, je souhaite la bienvenue à nos collègues et amis, analystes de différentes associations mais aussi praticiens d’autres champs, que le thème de ces journées réunit ici. Il déborde en effet largement le domaine propre à la psychanalyse. Si la disposition perverse polymorphe est un « trait universellement humain », comment chacun de ceux qui pensent l’humain n’y serait-il pas ramené – fût-ce malgré lui ?
Le comité d’organisation, qui a longuement préparé ces journées, les a voulues ouvertes à la fois sur des aspects de la clinique psychanalytique et à d’autres domaines : la politique, la réflexion historique, l’éthique médicale, l’ethnologie. Il faut voir dans ce choix plus qu’un intérêt. La psychanalyse y est présente sous plusieurs modes ; elle ne se réduit pas à un ensemble de connaissances désormais largement acceptées, elle se manifeste aussi, de façon directe ou indirecte, par l’effet des analyses personnelles sur bien des acteurs de ces champs. Dans bien des domaines, la psychanalyse ne peut avancer seule, mais dans des échanges que des rencontres comme celle qui nous réunit ce matin ont pour fonction de favoriser dans l’intérêt de tous.
En vous remerciant d’avoir répondu par votre nombre à notre attente, je donne la parole à Irène Diamantis qui, au nom du comité d’organisation, va vous présenter ces journées.
Introduction par Irène Diamantis

Accorder au seul enfant le privilège de la disposition perverse polymorphe nous a paru être en total désaccord avec ce que l’expérience clinique nous enseigne.
Faut-il voir, dans le peu d’intérêt qu’a suscité cette expression et le consensus général pour l’attribuer à l’enfant, l’effet d’un refoulement collectif ?
Cette évidence peut-elle en cacher une autre ? Car, si c’est l’enfant que Freud désigne comme pervers polymorphe dans les Trois Essais sur la théorie sexuelle, il reconnaissait aussi qu’il s’agit d’« une égale prédisposition, un trait universellement humain et originel 1  ».
C’est cette conception universellement humaine de la disposition perverse polymorphe qui fait l’objet de ces journées d’études. Pour Freud, cette disposition ne représente pas quelque chose de rare mais appartient à une partie de la constitution dite « normale » du sujet. Fallait-il, en ce cas, limiter à l’enfant la disposition perverse polymorphe ? Ou bien, cette disposition, au vu de l’expérience clinique, ne se rencontre-t-elle pas dans chaque cure, au-delà des structures classiques – névrose obsessionnelle, hystérie –, comme terrain psychique commun à tous les sujets humains ? Ne la retrouve-t-on pas à l’œuvre dans la science, dans la politique ? Enfant ou bien « temps retrouvé » chez l’adulte, temps retrouvé dans l’histoire, dans le champ social, c’est cet espace peu accessible, secret, qu’aucun praticien de l’analyse ne saurait laisser pour compte.

1 . Freud, Trois Essais sur la théorie sexuelle , Paris, Gallimard, coll. Folio, pp. 118-119.
Être complice

par Michèle Montrelay

Je vous propose comme départ de réflexion la petite rêverie dont me fit part non sans mal Fabrice, un homme d’une quarantaine d’années, dans sa cinquième année d’analyse. À cette époque il se plaignait encore, quoique à moindre titre, de l’inhibition qui l’avait amené à me consulter : une inhibition soudaine, massive, à poursuivre la vie active, notamment professionnelle, qui était la sienne auparavant. Voici donc le récit qu’il me fit :
 
Il y a une chose que je ne vous ai pas dite. Quand je m’éveille le matin, enfin, quand je m’éveille à demi, je traîne dans mon lit parfois des heures, comme ça, sans rien faire, sauf que, sauf que… il m’arrive de me masturber, assez souvent, et ces derniers temps j’ai réalisé que ces menus exercices s’accompagnent de rêveries, à peu près toujours les mêmes, et d’une telle débilité que j’ai honte de vous en parler. Voici. Je suis couché sur le dos. Dans ma tête je ne suis pas seul. Il y a une forte femme, elle est là debout au-dessus de moi, je vois vaguement son visage, très loin, très flou, très haut, mais aussi sa poitrine magnifique qui peut prendre les proportions les plus fantastiques qui soient. Donc elle est là. Moi, couché à ses pieds comme un vermisseau, et j’attends qu’elle veuille bien faire le geste attendu entre tous : poser son talon sur ma verge, y exercer une pression assez intense pour atteindre, oh ! à peine, la limite de la douleur. Il s’ensuit une excitation qui m’amène très vite à jouir. Par la suite, ou bien je me sens mieux et je peux me lever, ou bien ça va encore plus mal. Je me sens écœuré de ce que j’ai fait et c’est le brouillard total. Hier matin, même scénario, mais, ensuite, j’ai dû m’endormir à moitié. Il me semble que cette femme avait un pénis. Ou était-ce le mien ? Ça reste flou…
 
Voilà, à mon sens, un exemple suffisamment représentatif de perversion polymorphe, entre masochisme et fétichisme, importée tout droit de l’enfance, quels que soient les remaniements qui lui avaient été apportés à l’âge adulte par le névrosé que Fabrice est devenu. Contrairement aux constructions complexes, hermétiques, sophistiquées auxquelles cet homme m’avait accoutumée, la construction extrêmement simple de son récit, la proximité qu’il laisse entre le latent et le manifeste évoque les rêves et les fantaisies familières aux petits enfants.
Par ailleurs, la situation du narrateur dans la mise en scène du fantasme ne peut pas ne pas évoquer celle du nourrisson. Fabrice s’imagine exposé nu, sans défense (« comme un vermisseau »). La femme qui le domine laisse à peine entrevoir son visage tant celui-ci reste lointain, tandis que les « proportions fantastiques » de ses seins s’imposent au premier plan. Un de ses gestes est désigné comme « attendu entre tous ». Cette attente ne dit-elle pas l’espoir immense du nourrisson en attente de sa mère ? Et le désir d’une pression – je laisse pour l’instant de côté le fait qu’il s’agisse du talon – ce désir lui-même est contemporain d’une époque à peine plus tardive, celle du masochisme.
Voilà pour un aperçu global de ce qui dans ce fantasme évoque la précocité. Si maintenant je m’arrête à ce qu’il dit en termes de langage du corps, il me faut pour en trouver la clef vous rapporter les propos tenus par Fabrice trois mois auparavant.
 
Dimanche dernier, je suis allé à une réception de cousins. Ils avaient tenu à ce que ma grand-mère soit là. Elle est à peu près paralysée. Il a fallu aller la chercher en voiture, la porter dans l’ascenseur, bref le grand branle-bas. On l’a installée sur un canapé, les gens venaient lui parler. C’est une femme qui parle peu, et pourtant il n’y en avait que pour elle. Elle a une telle façon de trôner. C’est ce qu’on appelle son « autorité naturelle ». Je l’observais et je me demandais d’où elle la tenait… Sa présence corporelle m’a frappé cette fois-ci, impressionnante, assez brutale, assez primitive, peut-être même vulgaire, et cela frappe d’autant plus qu’il y a du royal dans ses manières. Comme elle est devenue très forte, elle a du mal à bouger, son corps est lourd. Mais il m’a semblé que ces infirmités ne faisaient qu’accentuer ce qui a toujours existé : quelque chose d’intraitable, à la fois attirant et monstrueux. Enfin, j’exagère, mais en la voyant j’ai pensé à ma mère qui était tout le contraire. Comme si les deux pôles de la féminité s’actualisaient dans ces deux femmes. À l’une la chair, à l’autre l’esprit.
 
Ce n’était pas la première fois qu’il m’était dit de cette grand-mère qui avait été la mère nourricière de Fabrice, qu’elle « avait du corps ». Elle avait du corps et sa fille, la mère de Fabrice, professeur d’université qui habitait souvent loin de lui, n’en avait guère. Refrain connu. Mais jamais on ne m’avait brossé de l’aïeule, aristocrate terrienne de quatre-vingts ans passés, un tableau aussi suggestif. Je mis l’accent sur deux de ses détails : d’une part, sur l’expression « grand branle-bas », d’autre part, sur le fait que la grand-mère « trônât », prenant ainsi le parti d’accentuer le registre anal.
Rapproché de ce portrait, le fantasme qui soutient l’acte de se masturber, autrement dit le « branle-bas », s’organise sous l’autorité d’une

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