L Humour, entre le rire et les larmes
92 pages
Français

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L'Humour, entre le rire et les larmes , livre ebook

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Description

Dans ce livre, Marie Anaut aborde les différentes facettes de l’humour à partir de nombreux exemples. Elle montre son rôle primordial dans la mise en place d’un système de protection chez les individus qui ont souffert et ont survécu dans des situations extrêmes. Plus particulièrement, elle l’explore dans l’émergence du processus de résilience, en analysant les multiples dimensions de ce rempart contre la désorganisation psychique. Car si l’humour, cet insolent, surgit parfois au cœur de la tragédie, lui seul nous rend capables de tolérer l’intolérable. Marie Anaut est psychologue clinicienne, thérapeute de familles et de couples. Elle est professeur à l’université Lyon-II. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 avril 2014
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738171719
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie Anaut
L’humour, entre le rire et les larmes
Traumatismes et résilience
Préface de Boris Cyrulnik
© O DILE J ACOB , AVRIL 2014 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-7171-9
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2 o et 3 o a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Laura et Amélie
Préface
par Boris Cyrulnik

« Plus je suis riche, plus les femmes qui me disent “non” sont belles. »
Quand j’ai entendu cette phrase, j’ai eu envie de claquer une bise sur les joues creuses et molles de Woody Allen. Curieux, non ? Sans cette phrase, je l’aurais trouvé petit, rachtoc et mochedingue, mais, en quelques mots, il avait transformé ma manière de le voir. Je le trouvais malicieux derrière ses lunettes, chaleureux malgré son attitude craintive et joyeux avec son masque triste. En faisant l’aveu de sa pitoyable stratégie érotique, il se rendait sympathique. Il aurait pu dire : « Moi qui croyais que l’argent était une arme de séduction, je découvre qu’il n’en est rien. » La platitude de ce constat aurait engourdi tout le monde, alors que son humour nous réveillait en nous faisant sourire.
C’est à ce mystère que s’attaque Marie Anaut : comment la manière de présenter un malheur peut métamorphoser sa triste connotation affective en gaieté relationnelle.
Dans les années 1930, Groucho Marx, qui commençait à devenir célèbre, descend dans un hôtel de luxe sur la côte californienne. Désirant se baigner dans la piscine, il voit une pancarte : « Interdit aux juifs. » Il demande à rencontrer le directeur et, cérémonieusement, lui dit :
« J’ai un problème, monsieur le directeur.
– Puis-je vous aider ? répond poliment celui-ci.
– Voilà : ma mère est chrétienne et mon père est juif. Pouvez-vous me dire quelle moitié de mon corps je peux tremper dans votre piscine ? »
Groucho aurait pu s’indigner, agresser le directeur, quitter l’hôtel bruyamment ou se taire piteusement. L’humour lui a donné du panache. En détournant l’agression antisémite, en ridiculisant l’interdit, c’est lui qui prenait la place du vainqueur.
Ce procédé est une défense classique qui nous a été enseignée au lycée :
Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse !
[…] Mais il doit tremper dans votre tasse !
[…]
C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !
[…]
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
[…]
Je me les sers moi-même avec assez de verve
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.
Cyrano de Bergerac est d’accord avec Marie Anaut. L’humour est un mécanisme de légitime défense. Si vous m’agressez, je retournerai votre agression à vos dépens. Je vous ferai mal avec des mots qui feront rire mes amis, vos adversaires. Mon élégance à manier les mots en fera une représentation, un petit théâtre du malheur qui vous donnera le rôle du pataud aux manières embarrassées.
C’est pourquoi les régimes totalitaires sont producteurs d’une sorte d’humour de résistance. Avant la chute du mur, je me promenais à Ljubljana, avec une amie slovène qui m’expliquait l’étonnante présence de bustes de Napoléon sur de nombreuses places : « Il nous a permis de conserver notre langue, même pendant l’occupation autrichienne. » Nous sommes arrivés devant une énorme bâtisse, un pâté de murs plats avec des fenêtres aux vitres minces et une simple porte en bois. Ce bâtiment contrastait avec les jolies maisons aux couleurs italiennes et aux toits en bulbes autrichiens.
« C’est la prison, m’a dit mon amie en voyant ma surprise.
– Un coup d’épaule suffirait à faire sauter la porte, ai-je affirmé.
– Personne ne le fera, m’a-t elle expliqué, parce que la prison est le seul endroit de Slovénie où il reste un peu de liberté. »
Le contexte culturel joue un rôle majeur dans le déclenchement du rire. À l’époque où le service militaire était une institution importante entre les deux grandes guerres, l’humour bidasse du soldat campagnard qui ne comprend jamais les ordres de l’officier citadin et l’humour pétomane du pioupiou sans éducation faisaient rire des salles entières et ne choquaient personne. Aujourd’hui, on s’étonne de ce comique. Marie Anaut, qui est psychologue et qui a de grandes responsabilités universitaires, ne rirait pas quand Molière amusait les rois en faisant dire à ses comédiennes : « Et s’il me plaît à moi d’être battue ! »
Le contexte culturel donne une saveur d’humour à des situations qui mettent en lumière les problèmes de l’époque. Don Quichotte est un fou qui dit le vrai en se trompant d’adversaires et en quittant sa dulcinée parce qu’il l’aimait. C’est ce que recommandait le code amoureux de la chevalerie au XVII e siècle. Comme Don Quichotte, Germaine Tillion, déportée à Ravensbrück en 1943, parvient à ridiculiser l’absurdité des camps en écrivant une opérette inspirée d’Offenbach et en la faisant chanter par ses codétenues.
Rien n’est plus sérieux que l’humour, car il permet de dire de manière socialement partageable des vérités insupportables. Marie Anaut, dans ce livre, m’a aidé à comprendre pourquoi j’avais été tant ému par un dessin animé que Marjane Satrapi avait intitulé Persepolis , du nom de cette merveilleuse ville perse achéménide détruite par Alexandre. Si cette jeune Iranienne avait simplement réalisé un documentaire comme il y en a tant, ce genre d’information, sans cesse répétée, aurait fini par engourdir ma conscience, ce qui aurait été une acceptation indigne de l’injustice. Mais vous n’aurez pas à chercher longtemps pour constater qu’actuellement, sur la planète, il y a mille injustices criantes que nous entendons à peine.
En faisant un dessin animé, Marjane Satrapi m’a désarmé par son humour. J’ai baissé la garde et j’ai reçu en pleine tête l’insupportable absurdité criminelle de la condition des femmes dans son pays. En me donnant un petit plaisir d’humour, elle m’a séduit, elle a tissé avec moi un lien d’attachement qui m’a rendu sensible à ce qui lui est arrivé. Je ne peux plus être indifférent. En nous faisant rire ensemble, elle nous a rapprochés et m’a entraîné à voir le ridicule de la police religieuse de son pays et les naïvetés politiques de son aimable famille. Marjane Satrapi a pu ainsi témoigner de la dictature sans provoquer de pitié. Elle m’a entraîné dans son camp avec élégance. Voilà comment l’humour est une arme qui permet la défense des opprimés et des désespérés.
Mais tout le monde ne sait pas manipuler cet instrument de combat. Dario Moreno, un excellent chanteur, un soir de gala ne cessait de faire le pitre : ventre rond, bouille ronde, moustache ronde sous le nez, il enlevait gaiement le rondo du Brésilien de La Vie parisienne d’Offenbach lorsque soudain Alain Cuny, un merveilleux comédien au visage tragique, s’est dressé, indigné, et a quitté la salle en criant : « Bouffon ! Insupportable bouffon ! »
Les mélancoliques prennent tout au tragique. Tout sourire est pour eux une incongruité. On dit que les dictateurs ressentent l’humour comme une critique qui les remet en cause, ce qui est souvent le cas.
J’avais un ami qui, paraît-il, avait un syndrome d’Asperger, cette forme d’autisme dont l’intelligence est stupéfiante. Il m’a raconté qu’un jour de son adolescence, allongé sur un divan, perdu dans sa brume intérieure, il avait été surpris par une demande de sa mère débordée de travail : « Tu pourrais me donner un coup de main ! » Étonné, il s’est levé et, gentiment, lui a donné un coup sur l’épaule en pensant que décidément les gens normaux étaient bien étranges.
Ce manque d’humour témoigne d’un trouble de la symbolisation. Quand on prend les mots au pied de la lettre, on oublie qu’ils désignent quelque chose qui n’est pas là et que ce procédé permet de mettre à distance un affect désagréable ou une situation insupportable.
Les enfants acquièrent progressivement cette capacité à métamorphoser une représentation pénible. Certains enfants pleurent quand ils voient un clown ridiculisé par les rires des spectateurs. Ils voudraient voler à son secours et le consoler. D’autres, au contraire, s’amusent et crient des méchancetés contre les clowns qui s’infériorisent eux-mêmes avec leurs vêtements et leur humour-pantalon qui les fait culbuter jambes en l’air. Plus tard, les enfants comprennent que le clown leur a fait le cadeau de les faire rire. En vieillissant, les clowns quittent le cirque, on les rencontre dans la vie quotidienne, jouant sérieusement leur rôle dans la comédie humaine, si tristement comique.
Marie Anaut sait nous faire découvrir toutes ces facettes. Qu’elles soient sérieuses ou amusantes, cliniques ou anecdotiques, à chaque page nous découvrons l’importance psychologique et relationnelle de l’humour.
Je connais bien Marie. Je peux vous confier qu’elle est sérieuse, fiable et qu’elle n’a jamais eu peur de rire.
Introduction

« La vie est une chose trop importante pour être prise au sérieux. »
Oscar W ILDE.

« J’ai bien compris que quelque chose n’allait pas, pour qu’une jolie petite Blanche se précipite dans les bras d’un Noir pour demander de l’aide (1) ! » Voilà comment cet Afro-Américain, héros d’un jour, a relaté avec un sourire entendu son intervention qui a abouti à délivrer trois jeunes femmes séquestrées depuis des années dans la maison voisine de la sienne par un pervers. Les médias ont largement relayé les propos de ce personnage gouailleur et facétieux. Charles, le sauveur des

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