L Analogie, cœur de la pensée
371 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Analogie, cœur de la pensée , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
371 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L’analogie est le mécanisme qui, sans que nous en ayons conscience, dicte le choix de nos mots et notre compréhension des situations les plus quotidiennes. Elle nous guide face à des circonstances inattendues, inspire notre imagination et est même à la source des découvertes d’Einstein. La logique est-elle le fondement de notre pensée ? Réhabilitant les pouvoirs et la richesse créatrice de l’analogie, cet ouvrage montre qu’il n’en est peut-être rien. Trente ans après Gödel, Escher, Bach (prix Pulitzer 1980), dont l’influence et le succès ont été considérables, ce nouveau livre, totalement révolutionnaire, écrit à quatre mains dans un langage non technique et illustré d’une foule d’exemples empruntés à tous les champs de la vie, propose une nouvelle théorie de la pensée. Douglas Hofstadter est professeur de sciences cognitives à l’Indiana University et directeur du Center for Research on Concepts and Cognition. Il est notamment l’auteur de Je suis une boucle étrange (2008) et de Gödel, Escher, Bach (1979), immense succès. Emmanuel Sander est professeur de psychologie à l’université Paris-VIII, où il dirige l’équipe « Compréhension, raisonnement et acquisition des connaissances ». Il a notamment publié Les Connaissances naïves (2008) et L’Analogie. Du naïf au créatif (2000). 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 février 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738147363
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, FÉVRIER  2013 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4736-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Francesco Bianchini et à Michaël, Tom et Talia
Prologue

L’analogie, cœur de la cognition

Rendre à l’analogie son dû
Si ce livre sur la pensée place en son centre les analogies et les concepts, c’est parce que sans concepts, il n’y a pas de pensée – et sans analogies, il n’y a pas de concepts. Voilà la thèse que nous élaborerons et soutiendrons tout au long de cet ouvrage.
Nous voulons dire par là que chaque concept qui est présent dans notre esprit doit son existence à une immense suite d’analogies élaborées inconsciemment au fil du temps, lui donnant naissance et continuant pendant notre vie entière à l’enrichir. De surcroît, nos concepts sont sélectivement évoqués à tout moment par les analogies qu’établit sans cesse notre cerveau afin d’interpréter ce qui est nouveau et inconnu dans des termes anciens et connus. L’objectif principal de cet ouvrage est donc de rendre à l’analogie son dû – autrement dit, de présenter notre faculté humaine d’analogisation comme la racine de tous nos concepts, comme le mécanisme de leur évocation sélective et, de ce fait, comme le moteur même de la pensée.

Ce que les dictionnaires ne disent pas sur les concepts
Pour aborder ce thème, il faut avoir une vision claire de la nature des concepts, dont il est facile – et quasiment inévitable – de sous-estimer la subtilité et la complexité, d’autant plus que cette tendance simplificatrice est renforcée par les dictionnaires, qui prétendent révéler toutes les nuances de sens d’un mot en les divisant en un certain nombre de sous-entrées.
Par exemple, le mot « serviette » peut avoir une sous-entrée pour l’article de bain avec lequel on se sèche, une autre pour le morceau de tissu que l’on pose sur ses genoux pour protéger ses vêtements et avec lequel on s’essuie lorsque l’on mange et une autre pour le sac traditionnellement en cuir souple utilisé pour transporter des documents. Le dictionnaire révèle bien trois concepts assez différents abrités par le mot « serviette ». Et puis il s’arrête là, comme si chacun d’eux allait de soi et était indépendant des autres. Fort bien, mais cela signifie-t-il que chacun de ces trois sens est, quant à lui, homogène et assez simple, et que les différents sens sont sans rapports les uns avec les autres ? Rien n’est moins vrai, parce que les sens sont souvent liés (c’est particulièrement clair pour la serviette de table et celle de bain) et surtout parce que chaque sens du mot constitue lui-même un gouffre sans fond. Les dictionnaires donnent l’impression de disséquer les mots jusqu’à leurs atomes, alors qu’ils effleurent tout au plus leur surface.
On pourrait compiler des années durant une gigantesque anthologie de photos de serviettes porte-documents et faire de même pour les deux autres types de serviettes, ainsi que pour les chaises, les alliances, les chaussures, les chiens, les théières, les lettres « A », etc., sans jamais voir le bout du tunnel, du fait de l’infinité de nuances qui se dégageraient inéluctablement. Il existe même des livres à ce sujet, comme 1000 Chairs . Qu’apporterait un tel livre si le concept de chaise était tout à fait élémentaire ? Sans compter qu’apprécier la beauté, l’originalité et le caractère pratique, ou encore saisir le style d’une chaise demande des connaissances dont le dictionnaire ne dit rien. On pourrait avoir des considérations similaires pour un type de serviette donné, qu’il s’agisse des serviettes de table, des serviettes de toilette ou des articles de maroquinerie répondant au nom de « serviette ». Et pour essayer de définir, par exemple, la lettre « A », c’est d’un langage d’avocat qu’on devrait faire usage si on voulait proposer une définition qui permette de la reconnaître dans toute la diversité de ses déclinaisons, tant elles sont diverses et vont au-delà de la « forme triangulaire barrée » que décriraient la plupart des gens.
Les recueils de polices de caractères constituent de véritables mines d’or pour qui s’intéresse à la richesse des catégories. Dans la figure ci-contre nous avons rassemblé bon nombre de lettres « A » conçues à des fins publicitaires, et comme on le constatera facilement, toute caractérisation du concept d’ A-ité que l’on pourrait a priori imaginer se trouvera contredite par l’une ou l’autre de ces lettres, alors que chacune est parfaitement reconnaissable – presque chaque fois lorsqu’elle est isolée ou sinon, au moins dans le contexte d’un mot ou d’une phrase.

Les concepts serviette , chaise , théière ou lettre « A » ne sont pas comme les concepts spécialisés de nombre premier ou d’ ADN , pour lesquels il existe aussi un nombre d’exemplaires sans bornes, mais qui ont tous quelque chose en commun de relativement facile à spécifier sans ambiguïté. Les concepts des disciplines techniques sont souvent ceux dont les frontières sont les plus nettes, alors qu’en revanche, la structure mentale sous-jacente à un mot de la vie quotidienne comme « serviette », « chaise » ou « théière » recèle une richesse illimitée ignorée par le dictionnaire, car la tâche d’expliciter de telles choses dépasse de loin son rôle.
Un mot ordinaire n’a pas seulement deux ou trois sens ; il renvoie plutôt à un nombre de sens sans limites, ce qui est une pensée un peu intimidante. Le revers de la médaille est le potentiel illimité de diversité que recèle chaque concept, comme l’illustre bien le schéma ci-dessus. Cette révélation est réconfortante, au moins pour ceux qui sont curieux et stimulés par la nouveauté.

Les zeugmes, amusants témoins de la subtilité des concepts
Il existe un phénomène linguistique dénommé « zeugme », qui, bien qu’il soit assez peu connu, est plein de charme et fait apparaître la richesse cachée des mots (et donc des concepts). Les zeugmes constituent une figure de rhétorique classique dans laquelle, la plupart du temps à des fins humoristiques, plusieurs sens d’un mot sont présents dans une phrase alors que le mot lui-même n’y figure pourtant qu’une seule fois. Cela donne souvent des phrases farfelues mais compréhensibles. Par exemple :

On pourrait se retrouver dans cinq minutes et le jardin.
Cette phrase fait appel à deux sens de la préposition « dans », l’un temporel et l’autre spatial. En imaginant les personnes dans le jardin, on se figure deux entités à l’intérieur d’une entité plus grande, tandis qu’en envisageant une rencontre qui aura lieu dans cinq minutes on imagine la durée qui sépare deux moments. On comprend sans difficulté que ces deux dans sont deux concepts différents associés à un même mot, et le fait de ne pas répéter le mot « dans » malgré cette diversité de sens provoque une réaction amusée. Voici quelques autres zeugmes, pas toujours crédibles mais plutôt humoristiques :

Kurt était et parlait allemand.
Elle m’a donné un baiser et un livre.
Elle m’a rendu ma monnaie et mon bonheur.
Je vous verrai demain soir avec Patrick et plaisir.
Dans le premier zeugme, le mot « allemand » joue d’abord le rôle d’adjectif désignant une nationalité, ensuite celui de nom désignant une langue. Les deux zeugmes suivants exploitent diverses formes de transfert entre êtres humains. Est-ce qu’on donne vraiment un baiser ? Un baiser est-il un objet matériel comme un livre, que l’on peut tendre à quelqu’un ? Dans le troisième zeugme, la femme qui rend la monnaie au locuteur en a sans doute reçu peu de temps avant, mais elle n’a pas besoin d’avoir reçu du bonheur pour rendre le sien au locuteur. Qui plus est, le bonheur est bien moins palpable que la monnaie sonnante et trébuchante. Ce qui fait la saveur de ce zeugme est qu’un sens du verbe « rendre » désigne l’acte de restituer quelque chose à la personne qui l’a donné et un autre celui de procurer à quelqu’un quelque chose qui lui manque ; ces deux sens sont proches mais pas identiques. Quant au dernier zeugme de la liste, il joue sur deux usages de la préposition « avec », l’un qui désigne l’accompagnement par une personne, et l’autre qui désigne la manière dont on fait quelque chose (ici l’état d’âme avec lequel on le fait). Chaque fois, on perçoit, grâce au zeugme, un décalage entre deux sens, et ce décalage donne à réfléchir. On voit ainsi que, par sa nature, un zeugme bien conçu attire forcément l’attention de ses lecteurs sur certaines subtilités sémantiques de son mot pivot.
Par exemple, que signifie le mot « livre » ? On aurait tendance à dire qu’il désigne un objet composé de feuilles imprimées et reliées, pourvu d’une couverture, etc. C’est souvent juste, mais le zeugme suivant fait aussi appel à un autre sens du mot :

Le livre était imprimé sur papier Japon, mais malheureusement épuisé.
Cela nous rappelle que « livre » désigne aussi un autre concept, à savoir la totalité des exemplaires disponibles dans des librairies ou des entrepôts. Est-on en présence d’ un concept ou de deux  ? Lorsqu’on est en train de traduire un livre en anglais, s’agit-il encore d’un troisième sens du mot ? Combien de concepts subtilement distincts coexistent sous l’étiquette anodine « livre » ? Chercher à construire des zeugmes fondés sur d’autres combinaisons de sens du mot « livre » serait un excellent exercice, mais auquel nous ne nous livrerons pas ici.
E

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents