Histoire de vivre aux XVII-XIXe siècles
304 pages
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Histoire de vivre aux XVII-XIXe siècles , livre ebook

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Description

Au moment où la quête de nos identités et de nos racines s’impose comme un antidote à la froideur de la globalisation, les sources historiques font surgir une foule humaine bigarrée, à la fois lointaine par son mode de vie et si proche de nous par les sentiments, les émotions.



Comment rejoindre, comprendre cette humanité ? René Leboutte a choisi de construire un kaléidoscope d’histoire sociale du pays de Liège entre les années 1530 et 1910 afin de faire scintiller les innombrables facettes du vivre-ensemble de jadis.



Découvrons une société profondément humaine qui a tenté de vivre dans un univers dangereux, impitoyable parfois. Essayons de comprendre comment nos ancêtres ont bricolé un « art de survivre » dont nous sommes les héritiers trop souvent ingrats.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 avril 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414460953
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald ‒ 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 ‒ Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-46094-6
 
© Edilivre, 2021
 
Illustration de couverture :
À la Bonne-femme de 1762
Enseigne en bois peint d’un cabaret situé jadis au pied de la chaussée menant de Liège à Grivegnée. La photographie montre la copie de l’enseigne originale conservée au Musée de la Vie wallonne ; cette copie est toujours accrochée au mur d’une demeure ancienne du quartier désigné « la Bonne-femme ». C’est à la fois une transposition populaire du latin bona fama (bonne renommée) et une plaisanterie misogyne : il n’y a de bonne femme que celle dont on a tranché la tête…
© René Leboutte, septembre 2020
Un kaléidoscope…
La recherche en histoire n’est pas un aimable divertissement, même si elle peut aussi le devenir. C’est un effort de comprendre le monde et de se comprendre soi-même. Histoire de vivre au Pays de Liège entre 1530 et 1910 1 est un « kaléidoscope » que nous avons construit à l’aide de témoignages rassemblés avec le souci d’approcher au plus près du vécu de gens qui sont les anonymes, les oubliés et même les rejetés d’une histoire qualifiée de « grande » et de « sérieuse ». Cette histoire de vivre n’évoque ni un chimérique « bon vieux temps », ni une descente aux enfers, mais une marche incertaine, humble et, par là même, courageuse sur le chemin de la vie.
Dès lors, attendons-nous au dépaysement, nous qui vivons dans un environnement faussement protecteur, un univers de consommation de masse et de gaspillage, une époque bercée par les chimères d’une croissance sans fin. En glissant notre regard dans ce kaléidoscope d’histoire sociale, demandons-nous si nous serions capables d’affronter la réalité quotidienne vécue par nos ancêtres ? N’avons-nous rien à apprendre de ces gens pour qui vivre rimait avec survivre ?
Comment aborder ces fragments d’histoire, ces portions de vies, ces rencontres fugitives, ces visages surgissant soudain du passé au détour d’un registre paroissial, d’un acte notarié, d’une déposition de police ? La meilleure attitude est l’humilité et la clairvoyance : laisser le témoignage s’exprimer sans y ajouter de commentaires pseudo-savants ; voir clair, c’est-à-dire être capable de lire et de comprendre sans juger. Laissons-nous interpeller par ces témoignages d’outre-tombe qui sont si humains jusque dans le tragique. Ce kaléidoscope ne présente que quelques facettes d’histoire sociale. Notre objectif est de sauver du naufrage des témoignages, certes modestes, mais d’autant plus rares, et d’encourager un retour à une histoire économique et sociale qui soit abordable par un public plus large que les spécialistes.


1 . Le titre peut surprendre. Il s’est imposé à moi en souvenir d’une série télévisée : Histoire de comprendre (Chaîne France 5, 1997-2001), dans laquelle Alexandre Adler, historien et journaliste français, parvenait à démêler en dix petites minutes les sujets les plus obscurs et controversés de la « guerre froide ». Ce kaléidoscope doit énormément à l’enseignement et aux travaux du Professeur Étienne Hélin (1923-2011). Espérons que son œuvre inachevée, Les Étrangers à Liège, les Liégeois à l’étranger. XVII e ‒ début XIX e  siècles soit enfin publiée. Le présent ouvrage reprend quantité de dossiers de recherche, d’articles publiés ou non, que nous avons accumulés depuis un demi-siècle (les références figurent en notes en fin d’ouvrage). Nous avons aussi revisité l’ouvrage suivant : H ÉLIN Et., H AVELANGE Carl, L EBOUTTE R, Vivre et survivre. Témoins du peuple ‒ XIV e ‒ début XX e  siècle , Liège, Éditions du Musée de la Vie wallonne, 1995.
Chapitre 1 Une société de pauvreté de masse
En Wallonie, nous vivons depuis un siècle dans une société de consommation de masse reposant sur le mythe de la croissance à tout prix et fonctionnant suivant un modèle de développement « non durable » forgé par la révolution industrielle.6 Notre société résulte d’une transition opérée à l’aube du XIX e  siècle d’un modèle de développement durable à croissance économique particulièrement faible basé sur l’usage des sources d’énergie naturelles et renouvelables (eau, vent, bois, force musculaire…) vers une économie basée sur des sources d’énergie non renouvelables (charbon, pétrole, gaz naturel…). L’exploitation intensive des ressources non renouvelables a permis une croissance économique inimaginable, une amélioration du niveau de vie incontestable, mais inégalement répartie au sein de la population.
Depuis peu, nous prenons conscience des limites et des effets pervers de ce modèle de croissance destructrice du milieu de vie et génératrice de tensions politiques et sociales. Une nouvelle transition est à l’œuvre chez nous depuis le symbolique « choc pétrolier » de l’automne 1973. C’est dans le contexte présent qu’il nous faut comprendre en quoi consistait la société de pauvreté de masse, appelée parfois à tort « société préindustrielle ».
Avouons immédiatement qu’il nous est difficile d’imaginer ce qu’était cette société de pauvreté de masse. Ce n’est pas la même chose de « vivre pauvres » au sein d’une société d’abondance et de gaspillage et de « vivre pauvres » parmi les pauvres dans une société de biens rares et d’économie. Est-ce à dire que la société de pauvreté de masse était moins cruelle que celle de consommation de masse ? Absolument pas ! Le “monde que nous avons perdu”, écrit Peter Laslett, n’était ni un paradis ni un âge d’or où régnaient l’égalité, la tolérance et l’amour charitable. Que l’on ne se méprenne pas sur ce point, et que l’on me permette d’exprimer tout de suite mon opinion : rien ne prouve que l’oppression économique et l’exploitation de l’homme soient dues à l’avènement de l’industrie. Elles existaient déjà ( The World we have lost , 1965 1 ).
L’historien est un « chrononaute » qui s’efforce de comprendre sans juger, d’analyser sans trahir des mondes anciens à partir de fragments, de résidus qui lui sont parvenus comme des épaves jetées sur la grève par les marées. Il est confronté au problème sous-jacent de la compréhension du changement, de la transition qui s’est opérée entre passé et présent. La première étape consiste donc à comprendre ce qu’étaient la société et sa culture de jadis. Objets, traces, archives, films, sons, photos, etc. prennent donc toute leur importance. Leur analyse et leur mise en contexte (« faire parler les sources ») constituent le corps de métier d’historien.
Ce monde que nous avons perdu est déconcertant à la première approche, car nous en avons oublié les codes, les clefs d’accès. La preuve ? Le 13 septembre 1530 dans la matinée à Flémalle, des bruits de voix sortent d’une maison où siège la Cour de justice : Wiheme Wilhemare, mayeur, a fait prendre et appréhender un pourceau en la ferme de seigneur d’un nommé Johan Desart au lieu Flémalle. Le cochon est aux arrêts pour le motif suivant : mordre et manger et blesser un enfant, nommé Rennechon, fils de Johan et de son épouse, tant au visage, joue et oreille qu’il est passé de vie à trépas . Il nous est apparu que le pourceau, étant dans la ferme des seigneurs, est celui qui a détruit et mis à mort ledit Renchon, fils de Johan Desart ; nous condamnons le cochon à être exécuté : sa tête coupée et abattue, mise sur une roue et le résidu du porc enterré sous la roue pour faire exemple à tout un chacun et mettre en garde de loi. Étrange ? Pourquoi l’exécuter, lui, et non son propriétaire ?
Cette histoire nous semble absurde tout comme elle l’était aux yeux de Jean-Nicolas Bassenge qui fait ce commentaire en marge du registre aux procès 2  : ce qui me console, un peu, de la stupidité de nos ancêtres, c’est qu’on trouve de pareils traits chez d’autres nations. En 1497, la justice de Charonne [quartier de Paris] condamna une truie à être assommée, et sa chair abandonnée aux chiens. En 1516, le 9 juillet, l’official de Troyes en Champagne porta cette sentence : « Parties ouïes, faisant droit sur la requête des habitants de Villenou, admonestons les chenilles de se retirer dans les six jours ; et, faute de se faire, les déclarons maudites et excommuniées » 3 .
Jean-Nicolas Bassenge (1758-1811) est la tête pensante des Lumières à Liège, auteur d’un poème jugé infâme par la censure : La Nymphe de Spa (1781). Il a beau être un « homme éclairé », il ne peut comprendre la sensibilité, la mentalité d’une époque qui n’est plus la sienne. Pour lui, et pour nous sans doute, les paysans de Flémalle vivaient dans un obscurantisme méprisable. En réalité, ce jugement renvoie à un mode ancien, mais pas stupide, de pensée qui vient de la Bible. Le Livre de l’Exode 21, 28-37 déclare : Et quand un bœuf frappera mortellement de la corne un homme ou une femme, le bœuf sera lapidé et on n’en mangera pas la chair, mais le propriétaire du bœuf sera quitte.  En fait, à l’époque de Bassenge, les Lumières ont occulté (paradoxe !) cette relation profonde, millénaire avec la Nature : homme ou cochon, arbre ou poisson, nous vivons sur la même terre et nous respirons le même air… Le monde est un, nous n’avons qu’une planète sous nos pieds… Le cochon de Flémalle aussi.
De la société préindustrielle à l’ère postindustrielle
Puisque nous sommes à Flémalle, restons-y ! En compagnie, cette fois, de Marguerite Yourcenar :
Lors de mon séjour en Belgique en 1956, le souvenir de la gravure restée en ma possession me fit désirer voir Flémalle. Un taxi m’y mena de Liège par une interminable rue de faubourg ouvrier, grise et noire, sans une herbe et sans un arbre, une de ces rues que seules l’habitude et l’indifférence nous font croire habitables (par d’autres que nous) et dont j’avais, bien entendu, connu l’équivalent dans deux douzaines de pays,

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