À la rencontre des adolescents : Les écouter, les comprendre, les aider , livre ebook

Odile Jacob - Jean-Luc Douillard , Catherine Jousselme

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102 pages

Français

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Description

En quête d’une identité qui peine à se construire, les adolescents ressentent comme intrusive toute initiative des adultes à leur égard, surtout si elle vient de leurs parents. Alors comment faire pour les aider ? Quelles sont les conditions d’un soutien thérapeutique, parfois crucial, à cet âge si vulnérable ? Écrit par deux spécialistes de l’adolescence, ce livre part du postulat qu’un adulte ne pourra aider un adolescent en difficulté que s’il accepte de le rencontrer vraiment. Cette rencontre authentique entre deux personnes, deux identités, suppose que l’adulte laisse résonner en lui ses expériences adolescentes, accepte aussi de s’appuyer sur ses fragilités intimes pour montrer au jeune comment les dépasser. Nourri d’interviews de professionnels et de cas cliniques, ce livre illustre à quel point de vraies rencontres peuvent être salutaires, évitant des passages à l’acte, ouvrant des possibles que l’on avait cru interdits. Catherine Jousselme est professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Sud et chef de service de la Fondation Vallée à Gentilly. Jean-Luc Douillard est psychologue clinicien au centre hospitalier de Saintonge. Il coordonne pour le sud du département de la Charente-Maritime le programme régional de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide.

Sujets

Psychology

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	31 mai 2012
Nombre de lectures	2
EAN13	9782738179722
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , J UIN 2012
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7972-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À ma (mon) Pierre Angulaire, ma clef de voûte. À mes deux merveilles. À mes parents. À Roger Misès, mon maître. À Laurent Thauvin, pour tout ce qu’il était. À Marceau, pour son combat quotidien. Catherine À ma femme, Isabelle. À mes filles, Lilou-Tara et Anna-Tiziri. À Lolo. À celles et ceux qui « agitent » le réseau sud 17. Jean-Luc Au docteur Besson-Léaud, pédiatre, qui a initié notre rencontre. Catherine et Jean-Luc
« Il n’y a pas de si longues nuits qui n’atteignent l’aurore »
S HAKESPEARE .

« Tout ce qui ne tue pas rend plus fort »
N IETZSCHE.
Introduction

« Au commencement était le verbe… », pas l’acte. Depuis toujours, mais peut-être plus particulièrement aujourd’hui, les adolescents bousculent ce fondement de l’Évangile : ils bougent, agissent, parce que les profonds bouleversements de leur fonctionnement psychique les confrontent à des angoisses difficiles à penser, à mettre en mots. Et, plus ils souffrent – en raison d’histoires traumatiques ou compliquées –, plus ils se débattent et se heurtent quotidiennement aux limites. Ils font alors peur à notre société individualiste, à leurs proches, perdus, déroutés, blessés, et même aux professionnels, pourtant payés pour les aider à infléchir leurs conduites. Ces ados qui s’autosabotent et semblent perdre leur humanité, nous dérangent en dérangeant l’ordre public, en explosant nos repères, en refusant obstinément d’entrer dans les cadres préétablis construits pour eux, mais souvent sans eux. La tentation est forte de nous rigidifier et de les enfermer, de les exclure, de les psychiatriser en les emprisonnant dans des cases… mais c’est oublier de les rencontrer !
Pourtant, tout adolescent, à un moment ou un autre, a besoin de rencontrer des adultes tiers, qui puissent lui proposer des pistes d’identification non directement parentales. Même très positives, ces dernières sont souvent difficiles à saisir, puisque l’ado doit, pour devenir adulte, se séparer psychiquement de ses parents. Et trouver ses propres valeurs, sa propre façon de fonctionner, nécessite un travail de transformation des liens douloureux pour lui, mais aussi pour eux !
Le mot rencontre renferme, sur un plan étymologique, deux mouvements : l’un, spatial – encontre – signifie « aller au devant, vers » ; l’autre, temporel, incarné par le préfixe re, évoque une idée de retour, de flash-back. Ainsi, pour rencontrer de nouveaux « autres », il faut aller vers eux matériellement et émotionnellement. Il faut aussi s’ouvrir à eux pour cheminer vers les nouveaux territoires qu’ils nous offrent à explorer. Pour cela, il faut être confiant sur le fait que ces mouvements ne sont pas dangereux mais positifs. Or les ados doutent souvent d’eux-mêmes : seul l’appui sur leurs rencontres originaires avec leurs figures parentales, des rencontres passées mais fondatrices peut les rassurer. Alors, cet appui interne redynamisé par les discours des adultes autour d’eux, leur permet de croire en ce nouveau « possible ». Mais, aujourd’hui, les ados sont parfois aussi déroutants que notre société est paradoxale, et nous angoissent… Pourtant, il nous faut garder à l’esprit que tout est possible dans cette période de la vie : le pire peut devenir le meilleur et inversement ; le symptôme le plus inquiétant peut disparaître comme neige au soleil ; le calme psychologique le plus plat peut annoncer un cyclone terriblement destructeur. L’essentiel reste que les adultes – parents et professionnels – gardent le fil avec les ados : fil parfois ténu, parfois élastique, fil relais passé des uns aux autres, qui permet des espaces de reconstruction, des zones de partage, des moments d’apaisement.
Loin des discours politiquement corrects, nous avons choisi de parler « vrai » donc de nos pratiques, à travers des rencontres qui transcendent la surface pour s’attacher à la profondeur de chaque être : de telles rencontres sont pour nous les indispensables prérequis à toute possibilité d’apprivoisement, puis d’accompagnement de ces jeunes, qu’ils soient normalement écorchés, véritablement cabossés, voire réellement cassés. Nous avons donné la parole à des professionnels de tout bord (des psys – nous –, des animateurs, un enseignant) pour qu’ils nous expliquent le pourquoi de leur choix professionnel, pour qu’ils racontent leurs expériences, les outils qu’ils utilisent, les modes d’accroche qui sont les leurs, et qu’ils nous livrent aussi leurs difficultés. Nous avons ensuite retracé des histoires cliniques, pour montrer que même chez des ados envahis par la pulsion de mort, enfermés dans le négatif, dans l’antinarcissisme (Green, 1999), ou chez ceux qui se situent aux confins de la douleur psychique, la pulsion de vie pouvait être réanimée, à condition qu’ils sentent, dans la rencontre, une authentique envie de croiser leur chemin. Se rencontrer, ce n’est pas seulement se voir, c’est se regarder… pas seulement s’entendre, mais véritablement s’écouter… pas seulement monologuer, mais authentiquement partager. De telles rencontres réaniment la résilience (Cyrulnik, 2001), ces ressources de vie de chacun, qui permettent de ne plus s’enfermer dans le monde des choses, des actes, de quitter l’esclavage du monde de l’« avoir », pour entrer dans l’univers enrichissant de l’« être ».
Ce livre, nous voulions qu’il se termine sur un message d’espoir : c’est pourquoi nous y avons inséré les témoignages de Fabienne, journaliste, et de Pierre, maître artisan, qui montrent combien des rencontres d’adultes fiables et confiants en eux leur avaient permis de dépasser leurs adolescences difficiles pour devenir des adultes généreux, responsables, créatifs et sensibles.
Finalement nos vingt-cinq ans de pratique nous ont appris à ne jamais renoncer avec les ados… Notre plaidoirie pour la rencontre ouverte et non fléchée vient de là, du terrain, de nos expériences croisées et partagées. Notre métier est parfois difficile, éprouvant, stressant, épuisant, mais nous n’en changerions pour rien au monde : rien ne remplace pour nous, en lien avec d’autres adultes, parents, bénévoles, professionnels, le plaisir que nous avons de découvrir en chaque adolescent les potentialités qui lui permettront de devenir un adulte, fort de ses racines et de sa culture, capable de transmettre la vie et ce qu’elle implique d’humanité.
Chapitre 1
Comprendre les adolescents

Comment, à notre époque, un adolescent fait-il pour passer de l’enfance à l’âge adulte ? Dans un monde rapide, paradoxal, violent, dans une culture de la vitesse, de la perfection et de l’illusion, censée cultiver l’égalité sociale mais qui creuse le fossé des exclusions, existe-t-il des étapes « classiques », des conflits de développement incontournables, et pourquoi ?

Les processus adolescents
L’adolescence est une des périodes les plus riches de la vie : période de découverte, de rupture, de changements, de révolte et de décisions. Elle n’a été que récemment identifiée puisqu’il y a encore deux siècles, elle n’existait pas. Son déclenchement, sa durée – très variables selon les cultures et les pays –, restent quelque peu mystérieux. Elle mérite sans aucun doute une attention soutenue de tous les adultes, particulièrement dans notre société individualiste où elle n’est plus ritualisée. Elle doit aboutir à l’expression du meilleur des capacités de créativité et d’adaptation de chaque enfant, lui permettant de les inscrire au plus profond de son être grâce à la plasticité neuronale de son cerveau (Ansermet, Magistretti, 2004). Elle constitue une phase essentielle de la construction identitaire et nécessite une véritable transformation des liens entre parents et enfants, ce qui demande du temps et provoque des peurs, aussi bien chez les ados que chez les adultes.

La transformation des liens
Il est totalement illusoire de penser qu’on peut devenir ado – et parent d’ado –, sans souffrir un minimum ! Tout comme à la naissance, où nos alvéoles pulmonaires se déplissent, la renaissance de l’ado-papillon est fatigante, complexe, douloureuse. Il faut nous attendre à voir nos enfants, par moments, tristes, préoccupés, voire franchement malheureux, sans que nous puissions, comme lorsqu’ils étaient petits, les soulager en les câlinant ou en réglant les problèmes à leur place ! Nous devons apprendre à accepter cette relative impuissance, en comprenant qu’elle est salutaire pour tout le monde. Nous devons nous rappeler des autres phases du développement de notre enfant qui nous ont obligés à le « lâcher » un peu plus chaque fois : tout collé à nous dans les premiers mois, alors que nous anticipions tous ses besoins, notre bébé nous a fait peu à peu sentir qu’il pouvait attendre, patienter un peu, à condition que nous répondions immédiatement quand il réclamait à nouveau. Il a ainsi appris à se calmer seul, en suçant son pouce ou sa sucette, puis il nous a habitués à le voir jouer seul, en notre présence : il avait besoin, pour être en sécurité, de pouvoir vérifier par le regard ou la voix que nous n’étions pas loin et que nous étions disponibles à lui, même si nous ne nous occupions pas directement de lui (Winnicott, 1990).
Rassuré par notre acceptation de cette première distance, il a pu ensuite maîtr