Tous rentiers ! : Pour une autre répartition des richesses
271 pages
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Description

Comment réduire les inégalités et mieux répartir les revenus ? Comment faire pour que chacun récupère sa « part de rente » ? Dans ce livre, Philippe Askenazy nous le démontre : la distribution actuelle des richesses est loin d’être naturelle ; elle résulte de l’explosion des rentes et de leur captation par les acteurs les mieux dotés du jeu économique. Sous couvert de démocratiser la propriété (« tous propriétaires »), on a laissé quelques entreprises – et derrière elles des individus – s’emparer de nos données (« tout propriété »). Dans cette course à la rente, nous dit-il, le monde du travail est le grand perdant : tandis que de nombreux emplois alimentent les rentes capitalistiques par un surcroît de productivité, ils sont stigmatisés comme improductifs et leurs rémunérations stagnent. Au-delà de l’affaiblissement nécessaire du « tout propriété », Philippe Askenazy invite le monde du travail à se remobiliser. Car, contrairement aux idées reçues, ce dernier n’est ni éclaté ni amorphe. Et à l’heure où le capitalisme s’enfonce dans une crise déflationniste, réhabiliter ceux qui portent la croissance par leurs efforts est tout simplement un impératif de survie. Un livre économique très fort, mais aussi un livre de combat pour tenter de répartir plus équitablement les richesses. Philippe Askenazy est directeur de recherche au CNRS-École d’économie de Paris et professeur à l’École normale supérieure. Auteur de nombreux ouvrages sur l’économie et le travail, il est l’un des initiateurs des Économistes atterrés. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2016
Nombre de lectures 5
EAN13 9782738163714
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, FÉVRIER 2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6371-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À mes parents.
Introduction

Dans les économies avancées, les revendications des travailleurs doivent être « raisonnables » pour ne pas obérer la compétitivité. Des réformes « mesurées » doivent abolir les « dogmes » – entendez réduire les protections et acquis des travailleurs. Dans l’Europe en stagnation s’est ainsi enclenchée une course au « courage ». Tel est le carcan qui enferme désormais l’action et les idées économiques.
Ce défaitisme insidieux – qualifié de pragmatisme par ses apologistes – s’appuie sur un paradigme très largement partagé : les inégalités primaires – avant redistribution – seraient naturelles et refléteraient la productivité de chacun. Leur augmentation inquiétante dans les dernières décennies résulterait de la mondialisation et des révolutions technologiques qui diviseraient la société entre gagnants et perdants. Du côté des gagnants, les capitalistes, les héros de l’entreprenariat, les professionnels experts, l’encadrement supérieur… Du côté des perdants, les travailleurs routinisés, les improductifs, les classes laborieuses appelées à disparaître ou à subir la stagnation des revenus. Le salariat serait même à son crépuscule. L’impératif de compétitivité imposerait d’être pragmatique et d’accepter cet ordre naturel afin d’éviter les distorsions, notamment sur le marché du travail.
Cette fable s’impose aujourd’hui jusque dans les rangs des socio-démocrates. Ils se distinguaient par le fait d’appeler à la redistribution pour obtenir une répartition des richesses plus égalitaire. Mais cette stratégie n’est désormais plus praticable : comment, en effet, promouvoir la redistribution par l’impôt dans des sociétés constituées majoritairement de petits propriétaires qui refusent qu’on taxe le patrimoine ? Sous couvert de démocratiser la propriété – « Tous propriétaires ! » –, les gouvernements des pays avancés ont rendu toute réforme fiscale impossible. Faibles politiquement, les socio-démocrates lorsqu’ils sont au pouvoir revendiquent eux-mêmes la baisse des impôts.
Toujours au nom du pragmatisme, certains socio-démocrates en viennent à abandonner l’objectif d’égalité pour promouvoir une illusoire égalité des chances. Dans leur programme, l’éducation pour tous reste bien sûr une priorité, mais au-delà chacun aura droit à un accompagnement, un filet social minimal pour pouvoir rebondir. Alors, chacun sera entrepreneur de sa vie, ce qui aura pour effet d’estomper les origines sociales. Quant aux statuts – par exemple, les contrats de travail protégés –, ils sont suspectés d’entraver l’égalité des chances en érigeant des barrières à l’emploi pour les chômeurs et précaires. Pourtant, en renonçant à l’objectif d’égalité, on laisse intactes les barrières les plus fortes. En effet, l’origine sociale, les capacités financières des parents, le lieu où l’on grandit, les loisirs, les écoles fréquentées, sont des déterminants puissants pour définir les chances de chacun en termes de carrières et même de santé.
Comment sortir de ces impasses ? Il faut oser sonder l’ordre capitaliste contemporain pour rompre avec un pragmatisme mortifère. Plutôt que de chercher à corriger ou à réduire des inégalités devenues criantes, c’est la mécanique de répartition des richesses qu’il faut revoir. Pour commencer, il faut renverser le paradigme dominant : la distribution primaire n’est pas naturelle. Elle est une construction. Pour élaborer un nouveau progrès social, on doit déconstruire la formation des « rentes ».
Ce terme de « rentes » sera utilisé tout au long de l’ouvrage. La science juridique ou encore la comptabilité disposent de leurs définitions formelles de la rente ou des rentes. En économie, le terme de rente recouvre de très nombreuses acceptions. Les grands auteurs classiques des XVIII e et XIX e  siècles, de David Ricardo à Karl Marx, ont introduit la rente foncière, à côté du (sur)profit des capitalistes et des salaires. Les propriétaires fonciers reçoivent une rente en contrepartie de l’usage de leurs terres. Chez Ricardo, cette rente bénéficie à ceux qui disposent des meilleures terres car les prix des produits agricoles sont fixés en référence au coût de production des moins bonnes terres 1 . Marx lui ajoute la rente absolue, appelée aussi rente de monopole : même les propriétaires des moins bonnes terres ont des revenus qu’ils tirent du monopole que la propriété leur confère sur ces terres.
Les économistes des différentes écoles de pensée ont ensuite étendu la notion de rente de monopole à l’ensemble des activités économiques dès qu’un acteur peut s’extraire de la concurrence pour imposer des prix indus à ses clients. On la retrouve dans le langage commun à travers la « rente de situation » de celui qui bénéficie d’un privilège, d’une protection ou encore du bon emplacement de son commerce.
Aujourd’hui, la rente est abondamment utilisée dans les travaux économiques pour caractériser des situations où un acteur économique obtient un gain au détriment d’un autre acteur, à niveau inchangé de richesse totale. Le vocable de rente implique souvent un jugement 2 . Du coup, la terminologie exacte varie selon le regard ou le positionnement idéologique de l’auteur. Ainsi, dans une négociation salariale entre un syndicat et un employeur, certains parleront de « rente ouvrière » pour désigner les concessions de l’employeur obtenues par le syndicat, d’autres de « rente de l’employeur » pour caractériser les concessions des salariés face à un chantage aux licenciements.
Nous retiendrons une définition plus large et plus neutre : les rentes sont des avantages qui peuvent être durablement accaparés par les acteurs économiques (capitalistes, financiers, propriétaires, salariés, indépendants, entrepreneurs, États…) via des mécanismes économiques, politiques ou légaux qu’ils peuvent éventuellement influencer. Il peut s’agir de revenus monétaires ou d’avantages en nature, notamment les conditions de travail marquées par de fortes disparités.
On le verra dans le premier temps de ce livre, des chocs technologique, idéologique ou encore géopolitique peuvent générer de nouvelles sources de rentes et remettre en cause à la fois la taille des rentes actuelles, leur pérennité et leur partage. Ainsi, une révolution industrielle détruit des rentes fondées sur les anciennes technologies mais ouvre également de nouvelles opportunités. L’extension de l’économie de marché avec la transition de l’ex-bloc soviétique ou la marchandisation de la santé rebat également le jeu économique. Les acteurs qui détiennent les bonnes cartes accaparent alors une part croissante des richesses.
La description de l’évolution des rentes et de leurs sources dans les dernières décennies 3 , puis le décorticage de leurs mécanismes d’accaparement font apparaître le surarmement des capitalistes. Le propriétarisme en est le levier décisif : le « tout propriété » va bien au-delà des avantages de la propriété foncière pour s’étendre aux droits de propriété sur l’intangible – bases de données, brevets… Ce propriétarisme ainsi que le recul de l’État permettent aux capitalistes d’amasser des rentes considérables.
Du côté du travail, les profonds changements qui affectent les individus et le contenu de leurs postes facilitent de nouvelles formes de domination : des emplois présumés « improductifs » sont soumis en réalité à l’intensification du travail, s’enrichissent en compétences et génèrent des gains de productivité nourrissant les rentes capitalistiques. Ces gains sont cachés, voire niés, par des outils statistiques inadaptés pour saisir le travail d’aujourd’hui. Quant au travailleur entrepreneur de lui-même il est un mythe lorsque demeurent, voire se renforcent, les relations de subordination des salariés à leur employeur.
Pourtant, le monde du travail compte aussi ses gagnants : certaines corporations échappent à l’impératif de compétitivité et récupèrent des rentes de situation sans rapport avec leur effort ; elles parviennent même parfois à concentrer l’attention et les dépenses de prévention sur leurs conditions de travail alors qu’elles ne sont pas dégradées.
Les grands arguments naturalisant la distribution des revenus et salaires sont donc partiels ou partiaux. Le partage des richesses et des efforts se révèle malléable. Le deuxième temps de ce livre s’inscrit dans la perspective d’un nouveau progrès social, qui passe par une action à la source. Et, par la reconnaissance des efforts de ceux qui se voient qualifiés d’improductifs.
Alors comment agir à la source et remodeler la distribution primaire des rentes ? Ce livre propose des pistes. D’une part, il s’agit de réhabiliter le travail pour que le plus grand nombre récupère une partie des rentes : tous rentiers ! Pour cela, on ne peut se contenter des salaires minima. Au-delà, le monde du travail peut se remobiliser. Contrairement aux idées reçues, il n’est ni amorphe ni éclaté. Des États-Unis à l’Europe, apparaissent des modes de mobilisation innovants. Ils peuvent tout à fait s’étendre, nous le verrons. D’autre part, il s’agit d’affaiblir le capital en faisant reculer le propriétarisme sur ses deux versants : le « tous propriétaires » comme le « tout propriété ».
Une dernière

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