Penser la guerre, penser l économie
376 pages
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Description

La production et la gestion de la richesse d'un côté, la garantie de la sécurité des biens et des personnes de l'autre, constituent les deux ressorts de l'activité humaine. Mais quels sont les liens qui unissent la guerre et l'économie ? L'homo bellicus est-il une autre figure de l'homo oeconomicus ?Christian Schmidt est professeur à Paris-IX-Dauphine, président de l'International Defense Economics Association et expert aux Nations Unies.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 1991
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738161291
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Conséquences économiques et sociales des dépenses
militaires et de la course aux armements
Paris, Economica, 1983
 
Essai sur l’économie ricardienne
Paris, Economica, 1984
 
La sémantique économique en question
Paris, Calmann-Lévy, 1985
 
The Economy of Military Expeditions (ed.)
London, MacMillan, 1987
 
Peace, Defence and Economic Analysis, F. Blackaby (co-editors)
London, MacMillan, 1987
 
The Quest for Peace
co-editors : R Vayrynen and D. Senghass
London, Sage Press, 1987
© O DILE J ACOB , AVRIL  1991 15 RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6129-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Marie-Pierre
Introduction

Il est des coïncidences troublantes. L’expression « logique de guerre » vient de faire son apparition dans le lexique très fermé des chefs d’Etat, au moment où l’appellation de « guerre froide » a disparu du vocabulaire des relations internationales. De manière plus générale, le terme de « guerre » effectue aujourd’hui une rentrée fracassante, sur fond de concert des nations et de désarmement entre les grands. La guerre ? Elle avait pudiquement déserté nos institutions, qui ne l’évoquaient plus que par antiphrase, derrière les paravents de la défense et de la sécurité. Elle semblait déjà ne plus appartenir qu’à l’histoire (les grandes guerres mondiales) ou à la géographie (les guerres régionales, qualifiées de périphériques ). Le mouvement des mots fournit toujours un indice sur les réalités des hommes ; encore faut-il pouvoir l’interpréter.
C’est de manière indirecte que l’économie semble d’abord affectée par ces évolutions. Par-delà le débat sémantico-juridique développé autour de l’embargo et du blocus économiques, pointent de vraies questions. L’économie fait-elle partie de la guerre et, si oui, doit-elle alors être soumise à cette logique de guerre, que d’aucuns se prennent à invoquer, dans le secret espoir peut-être d’y échapper ? Pour y répondre avant que l’histoire n’ait tranché, il faudrait, au préalable, en mesurer les contours exacts, afin de savoir ce qui la distingue précisément de celle des opérations économiques. On peut, du reste, présenter les choses autrement, et se demander si la logique économique, en apparence plus familière à notre vie quotidienne, s’accommode mieux d’une coopération pacifique que d’une compétition conflictuelle. C’est alors l’image de la chute du mur de Berlin qui vient à l’esprit, dont on se souvient qu’elle avait été précédée par les brèches successivement ouvertes dans des marchés réputés captifs. Nord/Sud, Est/Ouest, nos repères traditionnels s’affolent. Les nations, même commerçantes, ne sont pas assimilables à des marchands, pas plus que les champs de compétition internationale, où s’affrontent les entreprises, ne recouvrent l’espace dévolu aux politiques extérieures des Etats. Et pourtant….
L’étymologie nous enseigne qu’économie en grec signifie « l’ordre dans la maison » (oiko-nomia) . Mais de quelle maison s’agit-il au juste aujourd’hui ? Selon les mêmes racines grecques, la guerre, dérivée du combat, désigne aussi le débat (polémos) . Du débat au dialogue, et du dialogue à la négociation, les distances ne sont peut-être pas infranchissables 1 . Mais comment transformer un théâtre d’opération militaire en une table de conférence ? Guerre et économie, porteuses chacune de ses propres énigmes, ne sont pas faciles à appréhender dans leur lien. Défions-nous, par conséquent, des clefs universelles, aussi bien que des transpositions approximatives. Pas de secret pour la géopolitique qui, de l’expansionnisme de l’Armée rouge à l’empire éclaté, de l’affrontement meurtrier entre l’Iran et l’Irak à la réconciliation des ennemis de toujours, et de la résurgence du panarabisme à la permanence du problème palestinien, trouve toujours une explication. Du reste, l’économie qu’il s’agit d’intégrer, est-elle autre chose, en définitive, qu’une dimension particulière de l’espace politique ? Faute de tout expliquer, on peut au moins tout désigner, en conjuguant, comme on l’a fait, guerre et économie sur tous les modes possibles. Par le pouvoir des métaphores, les décisions économiques se transforment en choix stratégiques et les négociations diplomatiques se métamorphosent en marchandages commerciaux. En étendant ainsi la guerre économique à toutes les activités productrices et marchandes, il est clair que rien n’échappe plus à l’économie de guerre. Assurément, et c’est pour cela que votre fille est muette.
Lorsque cet ouvrage a été commencé, les négociations entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique sur le désarmement nucléaire venaient à peine de reprendre et les pays occidentaux souhaitaient que l’Irak moderniste et éclairé ait finalement raison de l’Iran de l’intégrisme et des ayatollahs, l’économie mondiale trouvant son compte dans cette guerre meurtrière entretenue à petit feu. La géostratégie, pas plus que la « stratégo-économie », n’ont évidem ment prévu les changements de décors brutalement intervenus sur la scène internationale. Faut-il les croire davantage aujourd’hui, lorsque, ayant rapidement digéré ces événements, elles proclament maintenant, sans vergogne, l’obsolescence des réflexions qui auraient pu être menées sur la base de matériaux devenus caducs ? Le point de vue soutenu dans ce livre est qu’il n’en est rien. Dès lors qu’on introduit la distance qu’impose une analyse, un tant soit peu réfléchie, sur ce sujet. La voie de l’approfondissement théorique qui a été choisie échappe, selon nous, à ce péril.
En quittant l’écume des événements, on prend vite conscience que toutes ces interrogations sont, par un côté, très anciennes, au point de nous ramener à l’aube de nos civilisations ; et, par un autre côté, au contraire, très nouvelles, si ce n’est même, franchement, inédites.
La lecture de G. Dumézil éclaire cette première dimension. En s’attachant à montrer la permanence, dans les sociétés indo-européennes au moins, des trois fonctions de prêtre, de guerrier et de producteur des richesses matérielles (agriculteur, artisan ou marchand), il a suggéré que l’organisation sociale impliquait une forme de communication entre l’intelligence de la guerre, prêtée par exemple à Mars dans le monde romain, et celle du commerce, dévolue à Mercure dans la même tradition 2 . Son érudition évoque, en outre, une voie féconde pour saisir de quelle manière ces deux perspectives de la société peuvent s’ordonner. Dans plusieurs textes anciens célèbres, une quatrième classe s’ajoute, en effet, aux trois autres, celle des scribes qui regroupe « les écrivains, les comptables, les poètes, les médecins et les astrologues 3  ». Or, il est intéressant de noter pour notre propos que les scribes, ainsi identifiés, occupent une place intermédiaire entre les guerriers et les marchands, comme si leur activité intellectuelle fournissait précisément aux deux autres groupes les moyens de s’entendre et de se comprendre. L’hypothèse qui sous-tend la démarche de ce livre peut s’interpréter comme un simple prolongement de cette observation. Pour comprendre les relations entre guerre et économie, il faut d’abord savoir comment penser la guerre et penser l’économie. Philosophe ou théoricien des jeux, le monde de la guerre et l’univers de l’économie ne deviennent mutuellement intelligibles que par l’intervention du scribe.
De bons esprits ont montré cependant qu’aucune guerre n’était comparable à une autre. S’il en est ainsi, quel point fixe trouver pour ancrer ses liens avec l’économie ? Là commence la face nécessairement inédite de notre entreprise, sous le contrôle du message paradoxal des historiens. M. Howard, dans son survol de l’histoire militaire de l’Europe, ne recense pas moins de sept types différents de guerres, se succédant de manière irréversible au cours des douze siècles de son enquête 4 . On y apprend, en particulier, que la guerre de 14-18 offre le premier exemple historique d’un engagement total des forces industrielles, de la part des nations belligérantes à l’époque contemporaine. Mais l’analyse de ces économies de guerre, qui ont probablement dépassé ce que les dirigeants de l’époque pouvaient imaginer, loin de permettre de dégager quelques principes généraux sur le fonctionnement de ces deux pôles d’activités, met, au contraire, en lumière les spécificités singulières de telles expériences. L’économiste se fait aussi comptable de ces guerres. Evaluer leur prix n’est pas une tâche simple. Ainsi faut-il non seulement comptabiliser le coût direct des hommes mobilisés au front et des matériels produits et utilisés sur les champs de bataille, mais encore le coût indirect de leurs multiples effets induits sur les populations et les structures économiques, sans parler de l’estimation de leurs destructions et dommages de toutes sortes. C’est à l’occasion du problème soulevé par les réparations de la Première Guerre mondiale que cette logique de guerre s’est opposée à la logique économique (faire payer l’Allemagne, ou la reconstruire). Vingt ans après, les comptes de la Seconde Guerre mondiale ne se présentent plus ainsi. En imposant sa paix, la logique économique préparait en secret la revanche des vaincus. Autres temps, autres comptes. Sur le terrain comptable, les relations entre guerre et économie changent donc également d’une

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