Marchés de dupes : L’économie du mensonge et de la manipulation
754 pages
Français

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Marchés de dupes : L’économie du mensonge et de la manipulation , livre ebook

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Description

Personne n’a envie de se faire arnaquer. Pourtant, c’est ce qui nous arrive tous les jours : abonnements trop coûteux, médicaments inutiles voire dangereux, produits ou services faussement innovants, crédits bancaires pourris, etc. Loin d’être accidentels, le mensonge et la manipulation sont intrinsèques à l’économie. Pourquoi ? Parce que, contrairement à ce que postulait Adam Smith, l’équilibre de marché n’est pas nécessairement optimal (la fameuse « main invisible »). La concurrence des marchés est telle que toute occasion de profit est systématiquement exploitée, résultant trop souvent en un marché de dupes. Comprendre les mécanismes qui nous conduisent à prendre de mauvaises décisions économiques – des biais psychologiques aux dissymétries informationnelles –, tel est l’objectif de ce livre écrit par deux prix Nobel d’économie. Levant le voile sur l’étendue et les conséquences pour la collectivité des dommages produits par les marchés, ils réclament fermement des politiques de régulation plus efficaces. « Un message des plus stimulants. » The Economist. « Un guide précieux pour les consommateurs qui refusent de se faire escroquer. » Fortune. « À mettre entre toutes les mains, des hommes politiques aux simples consommateurs. » The Times. George Akerlof, prix Nobel d’économie 2001, est professeur d’économie à Berkeley. Robert Shiller, prix Nobel d’économie 2013, est professeur d’économie et de finance à Yale. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 mars 2016
Nombre de lectures 17
EAN13 9782738163257
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre original : Phishing for Phools.
© 2015, by Princeton University Press.
Pour la traduction française :
© O DILE J ACOB , MARS  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6325-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

C’est « l’économie, crétin ! », disait James Carville, conseiller du candidat Bill Clinton pendant la campagne présidentielle de 1992. Par cette formule, il entendait mettre sur le dos du président George H. W. Bush les problèmes économiques dus à la récession amorcée sous sa présidence. Il nous semble que l’on peut interpréter tout autrement ce propos : à savoir qu’un grand nombre de nos problèmes viennent de la nature même de notre système économique. Si les chefs d’entreprise, les commerçants, les hommes d’affaires se comportent avec l’égoïsme et la cupidité que suppose la théorie économique, alors le système de libre marché ne peut que multiplier les mensonges et les manipulations. Le problème n’est pas que nous aurions affaire ici à une bande de malfaiteurs. La plupart des gens suivent les règles du jeu et essaient de gagner leur vie. Mais la pression concurrentielle, en économie de marché, pousse inévitablement les entreprises à pratiquer le mensonge et la manipulation, ce qui nous conduit à acheter, bien trop cher, des produits dont nous n’avons nul besoin, à occuper des emplois qui n’ont pas un grand intérêt et ne donnent pas de sens à notre vie, et à nous demander, en conséquence, ce que nous faisons sur Terre.
Qu’on ne s’y trompe pas : nous admirons le système du libre marché ; nous espérons simplement aider les gens à mieux y trouver leur place. Or le système économique est pavé de mensonges, et il n’est plus possible de l’ignorer. Nous sommes tous dans l’obligation de naviguer dans ce système si nous voulons préserver notre intégrité et notre dignité d’êtres humains, et nous avons tous besoin de trouver une inspiration qui permette de tenir bon au milieu de la folie qui nous entoure. Nous avons écrit ce livre pour les consommateurs afin qu’ils prennent garde aux multiples arnaques qui les guettent ; pour les chefs d’entreprise, les commerçants et les hommes d’affaires que déprime le cynisme de leur milieu professionnel et que la nécessité économique contraint de jouer le jeu ; mais aussi pour les responsables politiques qui ont la tâche ingrate de réglementer et de réguler le business. Nous l’avons écrit pour les bénévoles, les philanthropes, les leaders d’opinion qui s’efforcent d’agir du côté de l’intégrité, et enfin pour les jeunes, qu’attend une longue vie de travail et qui se demandent comment ils vont pouvoir lui donner un sens. À tous, nous dédions cette modeste étude sur ce que nous appelons l’équilibre du marché des dupes, c’est-à-dire des forces économiques qui, si l’on ne prend pas de mesures courageuses pour les combattre, introduisent et introduiront toujours davantage de mensonge et de manipulation dans le système. Car nous avons tous besoin de héros, d’individus qui, par leur honnêteté personnelle (et non l’obsession du profit) ont maintenu à un niveau acceptable les abus mensongers qui gangrènent notre économie. Ces héros, nous allons ici vous en raconter l’histoire.

Les produits de l’économie de marché
Le XIX e  siècle est un siècle d’inventions : songeons seulement au téléphone, à l’automobile, à la bicyclette ou à l’ampoule électrique. Mais c’est aussi celui d’un appareil qui a suscité beaucoup moins d’intérêt : la machine à sous. La machine à sous, à l’origine, n’avait pas la connotation péjorative qui est la sienne aujourd’hui. C’était une machine à vendre : on introduisait une pièce dans une fente et on pouvait ouvrir une boîte. Dans les années 1890, les machines à sous vendaient des chewing-gums, des cigarettes et des cigares, des jumelles d’opéra, des chocolats enrobés de papier et même le droit de jeter un œil dans une sorte d’ancêtre de l’annuaire – et bien d’autres choses encore. Elle reposait sur une innovation : un loquet activé par le dépôt d’une pièce.
Puis on lui a trouvé un autre usage : le jeu. Un journal de l’époque date de 1893 l’apparition de la machine à sous telle que nous la connaissons encore 1 . Au début, le gagnant était récompensé par des bonbons aux fruits ; puis il ne tarda pas à apprendre le sens qu’il fallait donner à cette coïncidence rare et heureuse : l’alignement de trois cerises.
Les années 1890 ne s’étaient pas terminées qu’un nouveau genre d’addiction était apparu : l’addiction à la machine à sous. En 1899, le Los Angeles Times affirmait : « On trouve dans chaque saloon entre six et douze de ces machines, qui sont entourées, du matin au soir, d’une foule de joueurs… Une fois que l’habitude est prise, elle devient presque une manie. De jeunes gars peuvent y jouer plusieurs heures de suite sans interruption. Au final, ils seront forcément perdants 2 . »
Puis la puissance publique est intervenue. Les machines à sous mettaient tellement de gens sur la paille qu’il fallut les interdire ou, au moins, en réglementer l’usage, tout comme le jeu, plus généralement. Elles disparurent donc de l’espace public et furent reléguées à la marge, dans des lieux spéciaux appelés casinos, et aussi dans l’État, à cet égard très libéral, du Nevada, où il y a des machines à sous presque partout, dans les supermarchés, les stations-service et les aéroports. Dans cet État, un adulte dépense en moyenne 4 % de son revenu au jeu, soit neuf fois plus que la moyenne nationale 3 . Mais, même au Nevada, il y a des limites : en 2010, la Commission de contrôle du jeu a rejeté la proposition de permettre aux commerces de proximité de remettre à leurs clients, au lieu de leur monnaie habituelle, des jetons pour jouer aux machines à sous 4 .
Avec le numérique, la machine à sous est entrée dans une ère nouvelle. Elle est désormais conçue pour être le plus addictive possible : nous faisons ici allusion au titre du très bon livre de Natasha Schüll, du MIT, paru en 2012 5 . Mary, que Schüll a rencontrée chez les Joueurs Anonymes (l’équivalent, pour le jeu, des Alcooliques Anonymes), à Las Vegas, révèle le côté humain de cette addiction. Mary a fait pour Schüll un dessin qui représente la manière dont elle se considère 6 . On y voit une silhouette tracée d’un trait droit, seule, à côté d’une machine à sous, le tout étant entouré – enfermé – par une route circulaire. Cette route relie entre eux les six endroits les plus importants de la vie de Mary : l’hôtel-casino MCM Grand, où elle travaille comme agent de réservation, trois maisons de jeux 7 , le local des Joueurs Anonymes, où elle essaie de soigner son addiction, et la pharmacie qui lui vend les produits censés l’aider à combattre ses troubles anxieux. Mary a tout à fait conscience de son problème : elle ne va pas à la machine à sous dans l’espoir de gagner 8 . Elle sait qu’elle ne peut que perdre. Mais elle y est entraînée par compulsion. Et quand elle s’y rend pour prendre ce qu’on ne peut qu’appeler une « cuite », elle est seule, et l’action est rapide et continue. Mary entre dans ce qu’elle appelle la « zone ». Elle presse le bouton rouge. Le spectacle commence et ne s’arrête plus. Tantôt elle gagne et tantôt elle perd. Elle presse le bouton rouge encore une fois, et une fois, et une fois… jusqu’à ce qu’elle n’ait plus un sou. Mary n’est pas un cas isolé à Las Vegas. Il y a dix ans, les morts par arrêt cardiaque étaient un problème dans les casinos. Les équipes d’urgence étaient débordées. Les casinos ont fini par créer et former leurs propres équipes de défibrillation. Sur une vidéo de surveillance, on comprend pourquoi une telle formation était nécessaire : pendant qu’une équipe du casino tente de sauver un joueur, les autres, autour, continuent de jouer dans le même état de transe la victime gisant inanimée presque à leurs pieds 9 .

Ce que les marchés font pour nous
L’histoire de la bonne et de la mauvaise machine à sous témoigne du double visage que présente pour nous l’économie de marché. Fondamentalement, nous applaudissons les marchés. Les marchés sont les produits de la paix et de la liberté, ils prospèrent dans les périodes de stabilité, quand les gens ne vivent plus dans la peur. Mais le goût du profit qui a produit les boîtes qui contenaient une friandise a également produit les machines à sous des casinos qui, jouant sur l’addiction, vous prennent jusqu’à votre dernier centime. Nous allons surtout parler dans ce livre des mauvaises machines à sous : en tant que réformateurs de la pensée économique et de l’économie elle-même, nous nous efforçons en effet de changer non pas ce qui va bien dans le monde, mais ce qui va mal. Mais, avant de commencer, nous allons rappeler ce que les marchés font pour nous.
Pour ce faire, il sera utile de prendre une longue perspective et de revenir à l’époque de la fin du XIX e et du début du XX e  siècle. En décembre 1900, l’ingénieur John Elfreth Watkins s’essayait à prédire à quoi ressemblerait la vie aux États-Unis en l’an 2000. Il pensait qu’il y aurait dans les maisons « des robinets par où [sortirait] de l’air froid et de l’air chaud », que des navires mettraient l’Amérique à « deux jours » de l’Angleterre, qu’il y aurait des « aéronefs », principalement à usage militaire, mais qui pourraient parfois transporter des passagers et du fret. Quant à

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