Les Industries de luxe en France
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Les Industries de luxe en France , livre ebook

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Description

Des glaces de Saint-Gobain et des faïences de Sèvres aux sacs Vuitton, des couverts Christofle et des cristaux de Baccarat aux bijoux Cartier, des robes Chanel et Saint-Laurent aux parfums Dior et Guerlain, de la grande cuisine et des vins fins aux champagnes millésimés, nos industries du luxe ont imposé notre goût dans le monde entier. Cette histoire sociale du luxe, entre art et industrie, décrit ce secteur comme une coupe transversale de notre tissu industriel, de l'atelier familial et artisanal au grand groupe intégré. Une histoire industrielle qui est aussi une histoire d'hommes. Historien, Louis Bergeron est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1998
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738182265
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage proposé par Gérard Jorland
© É DITIONS O DILE J ACOB , FÉVRIER  1998
15, RUE SOUFFLOT , 75005  PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8226-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Première partie
Variations sur la place du luxe  dans l’économie et la société
Chapitre premier
Les industries du luxe  dans le dispositif industriel  Français

Les glaces de Saint-Gobain, ou les couverts de Christofle offrent, avec les cristaux de Baccarat, quelques exemples de produits de luxe, destinés à la décoration intérieure des palais et hôtels particuliers ou aux arts de la table et fabriqués depuis toujours dans de grandes unités industrielles, sises au plus près des matières premières ou dans une banlieue industrielle moderne. Pourtant, cette image ne correspond nullement à la réalité historiquement dominante, et encore reconnaissable de nos jours, de la fabrication des articles d’art et de luxe. Tout au contraire, cette dernière appartient structurellement au secteur de l’artisanat, de la petite entreprise, voire du travail domestique, le plus souvent concentré dans les vieux quartiers des grandes métropoles ou dispersé dans le monde rural. Les industries qui nous occupent ici rentrent massivement dans des schémas d’organisation du travail qui rappellent, ou parfois perpétuent, le système proto-industriel, c’est-à-dire une parcellisation du travail, du petit atelier au travail en chambre, associant l’œuvre de l’artiste créateur à celle d’ouvriers exécutant des tâches très spécialisées, le plus souvent au sein de réseaux industriels ou commerciaux d’une grande complexité. À travers le succès des produits français s’est même imposée la vision, au-dehors et au-dedans, d’un pays figé sur des structures artisanales aussi désuètes qu’admirables. Ce qui est sûr, c’est que ces industries se sont trouvées, à l’âge de l’industrialisation, au cœur d’un débat idéologique majeur.
L’historiographie récente discute, elle, de la pluralité des voies nationales de l’industrialisation, dans un effort engagé depuis quelque vingt ans pour se débarrasser du carcan du modèle unique, premier et inégalable de l’industrialisation à l’anglaise : recours à la vapeur, mécanisation du textile, sidérurgie au coke et concentration technique et géographique de la production. Un modèle auquel, du reste, certains historiens économistes anglais ne croient plus eux-mêmes, ou alors en y introduisant bien des nuances.
Mais nos savants contemporains sont amenés à reconnaître qu’ils ne font ainsi que redonner vigueur à un débat qui s’instaura en France au début de l’industrialisation moderne. Dès avant la Révolution, statisticiens, économistes, administrateurs, ingénieurs, savants s’étaient tournés vers l’Angleterre — déjà considérée comme un pays avancé sous l’angle des institutions politiques — avec un mélange d’envie et d’inquiétude. La diffusion de l’innovation technologique dans son agriculture, ses moyens de communication et surtout son industrie suscitaient, dans ces différentes élites, le sentiment que le royaume de France était en train de prendre du retard sur sa voisine et rivale, et qu’il importait de l’imiter d’urgence en vue de regagner le terrain perdu. La Révolution et l’Empire parurent offrir des occasions perverses de ruiner la puissance anglaise, au moyen des prohibitions, ou du moins des tarifs protecteurs, puis par l’extension à toute l’Europe d’instruments de guerre économique, et, pourquoi pas, par la guerre tout court. La France y gagna certes un premier démarrage de ses industries textiles, mécaniques et chimiques ; mais, en 1815, c’est elle qui apparut comme la grande perdante : tandis qu’elle n’avait imposé à son adversaire qu’un certain coup de frein dans son développement, c’est elle qui avait perdu des marchés, coloniaux en particulier, alors que l’Angleterre, comme la jeune République américaine, en avait gagné. Quant à la technologie, qu’il s’agisse de machines à vapeur, de mécanisation du travail des fibres, de processus de fabrication dans les domaines les plus divers, la France avait plutôt aggravé que réduit son retard, en dépit des efforts de ses mécaniciens-constructeurs, de la perfection de ses procédés d’impression des étoffes, ou de l’invention de la machine à papier qui, du reste, commença par franchir la Manche avant d’être réintroduite dans notre pays...
Une industrie retardataire, insuffisamment diversifiée ; un commerce extérieur dont les bases coloniales étaient détruites et dont il paraissait peu probable qu’elles pussent être reconstituées ; une agriculture certes mieux à même de nourrir la population qu’auparavant, et toujours capable d’exporter certains produits : comment, dans de telles conditions, rétablir la place de la France dans les échanges internationaux ? Telle fut la question obsédante à laquelle Jean-Antoine Chaptal, professeur d’Université, chimiste et industriel de haut niveau, ancien ministre de l’Intérieur — donc de l’Économie — du Premier consul, tenta de répondre en 1819 dans un gros ouvrage à la fois démonstratif et documentaire, intitulé De l’industrie française , et qui devait attendre 1993 pour être réédité.
En ce qui concerne les produits du terroir, Chaptal, Languedocien, expert en soins à apporter à la vigne et à la vinification, ne cesse de répéter qu’il faut exporter nos vins et nos eaux-de-vie. Mais s’agit-il là d’articles que les marchés étrangers sont capables d’absorber — c’est le cas de le dire — en quantités rapidement croissantes ? Certes, Moët à Épernay, Hennessy à Cognac font d’ores et déjà partie, avec quelques autres, des firmes dont l’ascension s’appuie sur des produits dont la réputation de qualité est bien établie, et qui méritent pleinement d’être intégrés à la liste des produits manufacturés : ils appartiennent désormais à une industrie viticole, tributaire d’un savoir-faire et d’une élaboration qui s’insèrent, indispensablement, entre récolte du raisin et commercialisation du produit final. Mais, dans la plupart des cas, les produits du vignoble français n’en sont pas encore au stade d’un classement des grands crus, qui n’interviendra que plus tard ; quant aux eaux-de-vie, issues d’une distillation des excédents, elles s’adressent bien souvent aux estomacs des marins au long cours plutôt qu’à ceux des gastronomes... Pourtant, Chaptal reste confiant dans les progrès, encore récents, de la connaissance scientifique en matière de fermentation vineuse et de distillation des vins, progrès dont il s’est fait lui-même l’ardent vulgarisateur dans son Essai sur l’art de faire le vin , au moyen duquel il a tâché, dit-il, « de porter cette branche précieuse de l’industrie agricole au niveau de nos connaissances actuelles ».

« Je n’ai jamais eu la prétention de faire produire à tous les vignobles la même qualité de vin ; mon intention a été d’améliorer le produit de chacun d’entre eux, de corriger, par des moyens faciles, la mauvaise qualité du raisin après les saisons froides ou pluvieuses, de diriger avec intelligence la fermentation dans la cuve et le travail du raisin dans les tonneaux, et j’y suis parvenu. Je pourrais citer plusieurs grands vignobles de France dont le vin ne pouvait pas se conserver une année, et qui, après les améliorations que j’ai proposées, acquiert, en vieillissant, des qualités supérieures ».
Notons, pour notre propos, l’intervention sous la plume de Chaptal du mot « qualité » ; nous n’en sommes pas encore au luxe, mais nous en approchons. Quant à la distillation, grâce aux appareils inventés par Édouard Adam, elle fournit désormais en quantité et en qualité des eaux-de-vie de tous degrés qui constituent « l’un des principaux moyens d’échange avec les pays étrangers » pour le commerce français.
Pour compenser le déficit dans les exportations résultant de la perte de Saint-Domingue — clé de voûte du commerce extérieur français d’Ancien Régime —, Chaptal compte cependant davantage sur les « objets de fabrica tion », ou encore les « produits fabriqués ». « Nous pouvons espérer », ajoute-t-il, « que la perfection à laquelle est parvenue notre industrie nous ouvrira des débouchés plus considérables que ceux que nous avions précédemment ». Notons cette fois la progression dans le vocabulaire : « perfection » est proche de « luxe ». De fait, dans la revue des « munitions » dont dispose la France et qui occupe la partie centrale de son ouvrage, Chaptal fait une place considérable aux articles auxquels ce livre est consacré.
Pour ne pas parler des bas de Ganges et des rubans de Saint-Étienne, les soieries de Lyon (« nos soieries », s’exclame à répétition notre Chaptal ému) ont fait la célébrité de cette ville.

« Elle réunit dans son sein les artistes les plus distingués, les teinturiers les plus habiles ; tout y est monté pour la prospérité de cette belle industrie ; l’Europe ne présente rien qui lui soit comparable, ni pour les moyens d’exécution, ni pour la beauté et la variété des produits... Ce serait se faire une idée bien imparfaite de la fabrique de Lyon que de la borner à donner du travail à quelques milliers d’ouvriers qui y conduisent les métiers. Une immense population a des occupations déterminées par les autres genres de travaux nécessaires à la fabrication ; et, sur cent mille habitants, il y en a au moins quatre-vingt mille dont l’existence est liée à la pros

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