Les Chemins de l'avenir, une approche pragmatique , livre ebook

Odile Jacob - Jacques Lesourne

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257 pages

Français

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Extrait

Description

Comment préserver les forces vives de l’avenir ? En levant les verrous qui pèsent sur l’individu, la société, l’Europe et les nations. Telle est la réponse de Jacques Lesourne. Il livre ici une analyse concrète des erreurs et des insuffisances de gouvernance. Toutes ont conduit, au cours de l’Histoire, à des situations de crise, comme en juillet 1914, ou dans les années 1990 avec le cas de la Yougoslavie, ou bien encore de nos jours avec la crise ukrainienne. Notre monde connaît tour à tour ordre et chaos : l’effondrement français de 1940, la chute de la République de Weimar comme le désarroi de l’Union européenne au sortir du référemdum sur le Brexit en sont des exemples tragiques. Les démocraties d’aujourd’hui doivent affronter de nouveaux défis. Sans céder à la tentation du pessimisme, Jacques Lesourne montre dans ce livre quels sont leurs atouts, quelles sont leurs armes. Jacques Lesourne est l’auteur d’ouvrages décisifs comme Vérités et mensonges sur le chômage, Le Modèle français. Grandeur et décadence, Un homme de notre siècle ainsi que Ces avenirs qui n’ont pas eu lieu. Économiste et prospectiviste, ancien directeur du Monde, il est professeur honoraire en sciences économiques au Conservatoire national des arts et métiers et membre de l’Académie des technologies.

Sujets

Business

Economics

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	06 septembre 2017
Nombre de lectures	8
EAN13	9782738138019
Langue	Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE 2017 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3801-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À mes petits-enfants Basile, Mirabelle, Clémentine, Gustave.
Introduction

« Nous voilà donc en proie à une confusion d’espoirs illimités justifiés par des réussites inouïes, et de déceptions immenses et de pressentiments funestes, effets inévitables d’échecs et de catastrophes inouïes. »
Paul V ALÉRY , La Politique de l’esprit , 1933.

Ces lignes, écrites il a quelques décennies, semblent terriblement actuelles à nos contemporains. Avec des nuances d’un pays ou d’un continent à l’autre, ils s’interrogent, à la lumière du passé, sur la capacité de l’humanité à contrôler les chemins de son avenir. C’est une question que j’avais abordée en 1976 dans un livre, Les Systèmes du destin 1 qui, bien qu’il ne fût pas encore dans l’air du temps, connut un certain succès, mais la pérennité de la question ne doit pas occulter l’immensité des connaissances acquises. Aussi l’ouvrage publié aujourd’hui est-il entièrement nouveau. Il s’efforce de présenter un diagnostic, de l’étayer par de nombreux exemples, puis d’élaborer sur cette base une approche pragmatique de politiques susceptibles de réduire les risques de dysfonctionnement graves. Chemin faisant, le livre utilise largement quelques-uns de ceux que j’ai publiés depuis 1980, Les Mille Sentiers de l’avenir 2 , Les Crises et le XXI e siècle 3 , Les Temps de la prospective 4 , L’Europe à l’heure de son crépuscule ? 5 . Il est organisé en neuf chapitres et une courte présentation de chacun d’eux devrait permettre aux lecteurs d’assimiler aisément le fil directeur de la démarche et les interrogations qui en résultent.
Nul ne conteste que le XX e siècle a connu des transformations sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Pourtant, cette expression à laquelle j’ai eu recours il y a quelques années est trop modérée. Le legs du XX e siècle est un monde nouveau qui, dans plusieurs domaines essentiels, est en rupture avec le passé, qu’il s’agisse de l’origine de l’homme, des apports de la biologie et de la neurologie, de la révolution numérique, de l’omniprésence d’une « mondéité » dominée par l’explosion de l’humanité, des soucis sur les vraies et fausses limites de la planète, de la peur des guerres incessantes et des risques de disparition d’une partie de notre espèce. C’est l’objet du premier chapitre. Une fois ce cadre établi, trois chapitres m’aideront à préciser les libertés que j’entends me donner et les méthodes qui inspireront mon analyse.
Je n’entends pas être contraint par les croyances et idéologies qui imposent ou suggèrent des formes de pensée uniques. Elles ont une double origine : certaines plongent leurs racines dans le passé de nos sociétés, d’autres sont l’apanage de l’air du temps qui imprègne chaque génération de sa singularité par rapport à la précédente. La mise à l’écart de ces deux formes d’idées constituera l’objet du chapitre II. Le chapitre III, « La lumière changeante de l’Histoire », est une suite logique du précédent. Il s’intéresse moins aux travaux des historiens qu’à la manière dont les hommes d’une époque colorent des épisodes du passé en fonction de leurs croyances, de leurs idéologies et de leurs ignorances. De ces lumières changeantes, j’ai choisi quatre exemples : l’histoire de la Serbie et de la crise yougoslave des années 1990, les vicissitudes du mois de juillet 1914 qui conduiront à la Grande Guerre, l’origine depuis la fin du tsarisme de la crise ukrainienne actuelle si mal gérée par la Russie et l’Occident, les péripéties du régime de Vichy et leur condensation dans l’image collective d’un trou noir de la honte. Ces exemples permettent de préciser ce que sera dans ce livre l’usage de l’Histoire.
Mais il faut encore, et ce sera l’objet du chapitre IV, proposer une grille d’analyse qui pourra nous guider dans la compréhension et l’étude des dysfonctionnements d’hier et d’aujourd’hui. Les entrées seront familières à mes lecteurs. Je les ai résumées à l’essentiel : la science face à la société, l’évolutionnisme et la rétrospective, l’approche prospective, l’évaluation des coûts et des avantages des trajectoires, la notion englobante de système, avec pour illustration la genèse de l’effondrement français de 1940. L’importance que j’attache à l’approche systémique explique que j’utilise le terme d’insuffisance de contrôle pour désigner les enchaînements qui entraînent des dérèglements de toutes sortes et notamment des catastrophes dans l’évolution d’un système.
Le terrain ainsi préparé, le temps est venu d’aborder, avec le chapitre V, « De l’homme en société » et la première insuffisance de contrôle. Je m’interroge d’abord sur les trois processus que l’homme a développés plus que d’autres animaux : la création, la décision et l’action. Puis je tente, héroïsme ou inconscience, de condenser l’apport de notre connaissance sur nous-mêmes et notre passé grâce aux paléontologues, aux neurophysiologistes, aux psychanalystes et à quelques autres, en resserrant l’éventail plus large proposé dans Les Systèmes du destin. J’essaie, ensuite, de caractériser ce que peut signifier la première insuffisance de contrôle, que j’illustre avec quelques exemples de personnages historiques (de Gaulle de 1942 à 1945, Sadate, etc.) ou de phénomènes de mimétisme (l’Allemagne après 1933).
La deuxième marche conduira à la deuxième insuffisance de contrôle qui sera celle « Des systèmes politiques des États et de la démocratie ». La démarche reste la même : qu’entend-on par système politique d’un État ? Comment se présente une typologie sommaire de ces systèmes ? Quelle place y prennent les démocraties, ces constructions historiques qui ne sont pas une simple traduction des idéologies qui les soutiennent ? Quels défis nouveaux les démocraties affrontent-elles aujourd’hui ? Quelles sont les multiples formes de la deuxième insuffisance de contrôle ? Pour les illustrer, j’ai choisi quatre exemples : la chute de la République de Weimar, la gestion de la guerre d’Indochine par la IV e République, les péripéties de la République française depuis 1945, la campagne de l’élection présidentielle française de 2017.
J’ai préféré ensuite, avant d’aborder la troisième insuffisance de contrôle, introduire un chapitre sur « Le système européen : une union de peuples et d’États » élaborée dans le dernier demi-siècle par les nations européennes. Son histoire est instructive et il faut la suivre de près pour comprendre son fonctionnement au lendemain du traité de Lisbonne, ce qui nous conduira à analyser les forces et faiblesses des politiques européennes (en s’appuyant sur deux exemples : la politique européenne de l’énergie et le Brexit) et la place de l’Union européenne (UE) à l’égard des trois insuffisances de contrôle.
En avant-dernière position, le chapitre « Ordre et chaos sur la scène internationale » décrit un paysage profondément modifié depuis celui de la guerre froide et qui, malgré l’embellie que représente l’essor de la Chine et d’une partie du tiers-monde, a recommencé à s’assombrir. Trois exemples l’illustreront : le naufrage des démocraties en Europe sous l’effet de la crise économique américaine au cours de la décennie 1930, les tensions au Moyen-Orient dans la dernière décennie, les négociations pour la lutte contre le changement climatique.
Toutes ces analyses où alternent, comme l’annonçait Paul Valéry, « réussites inouïes et catastrophes inouïes », débouchent sur un ensemble de remarques, d’interrogations et d’orientations que j’aborde dans le dernier chapitre « À la recherche d’une approche pragmatique des chemins de l’avenir », en m’interrogeant sur les voies permettant de maîtriser, au moins partiellement, les insuffisances de contrôle. Il existe en effet des actions concrètes qui, sans supprimer les aléas de l’avenir, pourraient réduire la probabilité des enchaînements les plus nuisibles.
CHAPITRE I
Le legs du XX e siècle : un autre monde

« Le nouvel âge de la machine a commencé il y a quinze ans quand Garry Kasparov, le champion du monde d’échecs, a joué contre Deep Blue, un superordinateur. La machine a gagné ce jour-là et aujourd’hui un programme d’échecs sur un téléphone portable arrive à battre un grand joueur humain. Pourtant, désormais, le champion du monde d’échecs n’est plus un ordinateur, ni un humain, mais une équipe d’ordinateurs et d’humains connectés et travaillant ensemble. »
Erik B RYNJULFSSON , conférence IED, 2013.

Au début du XX e siècle, les deux de mes grands-parents que j’ai connus ont 20 et 22 ans, mes parents vont naître quelques années plus tard et moi en 1928. « Même si, en 1900, on mentionne le péril jaune, l’empire des Indes, les richesses de l’Amazonie, le Far West américain, il n’est pas usuel de penser le monde comme une totalité avant de le découper en continents ou en États, et la carte en projection Mercator qui décore les salles de classe situe l’Europe au centre comme une araignée dont la toile s’étendrait à gauche jusqu’à l’Alaska et à droite jusqu’à Vladivostok et l’Australie 6 . »
Européens de l’Ouest et Américains du Nord s’émerveillent des découvertes de la science, adoptent les technologies qu’elle permet et sont imprégnés à la fois de christianisme, de socialisme, de racisme