Le XXe siècle des artisans
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Le XXe siècle des artisans , livre ebook

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Description

Au début des années 1920, les artisans français s’organisaient en artisanat. Le mot lui-même apparaît à cette date. L’artisanat a donc un siècle et le moment paraît opportun pour revenir sur son histoire. Depuis l’industrialisation au xixe  siècle, il paraissait pourtant voué à disparaître. Cette disparition n’a pas eu lieu. L’artisanat affiche au contraire au début du xxie siècle une vitalité certaine. Le livre cherche donc à comprendre les raisons de cette disparition non advenue.
Le xxe  siècle des artisans propose une synthèse, dans un format accessible à tous, de la recherche sur un siècle d’histoire des artisans. Au fil des chapitres, le livre questionne et déconstruit quelques-unes des nombreuses idées reçues sur l’artisanat, à commencer par le mythe de sa disparition.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304054255
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cédric Perrin
Le xx e siècle des artisans
Histoire d’une disparition non advenue
Magna Carta
é ditions Le Manuscrit Paris
ISBN epub 978-2-304-05425-5
ISBN papier 978-2-304-05424-8
© éditions Le Manuscrit, mars 2023


Dans la même collection
Les performances des territoires , Denis Carré et Nadine Levratto, 2011.
L’entreprise dans la mondialisation , Dimitri Uzunidis, Blandine La-perche et Sophie Boutillier, 2011.
Programme Minimum d’Intégration de l’Union africaine , Patrick Ndzana Olomo, 2021.
L’entrepreneur et le politique en Russie post-soviétique , Guillem Achermann 2021.
Le Petit Commerce au Maroc. Résilience et modernité , Camal Gallouj, 2021.
Crise pandémique. Dangers et opportunités d’innovations , Dimitri Uzunidis et Laurent Adatto, 2022.
De la fiction à l’innovation , Thomas Michaud, 2022.
Le temps ne fait rien à l’affaire. Tome 1, Joseph 1748-17 juillet 1791 , Claude Fournier, 2022.
Catastrophes majeures au xxi e siècle : Santé, Environnement, Alimentation, Guerre. Chroniques d’alerte , Dimitri Uzunidis et Laurent Adatto, 2023.


La collection Magna Carta
Au carrefour entre géographie et économie, la collection Magna Carta explore un monde en permanente reconfiguration. La mondialisation bouleverse non seulement les délimitations, mais la définition même des territoires et des entreprises, indissociablement liés. L’heure est à la redistribution des pouvoirs et des ressources selon une détermination nouvelle des frontières, en perpétuelle évolution.
Les ouvrages de la collection établissent un nouveau type de cartographie, faisant de la pluridisciplinarité un outil dans l’étude des dynamiques territoriales des entreprises au sein de la mondialisation.


À mon père, artisan peintre


Introduction
En 1920, un nouveau mot faisait son entrée dans la langue française : artisanat. Il existait, bien entendu, en France et au-delà, des artisans depuis bien plus longtemps, mais l’idée que ces derniers constituent une catégorie sociale à part entière, distincte tant des ouvriers que des commerçants et des autres classes moyennes, apparaissait alors comme une nouveauté que signalait un nouveau mot.
L’artisanat a donc un siècle. Le moment paraît opportun pour évoquer son histoire, pour retracer ce que fut le xx e siècle des artisans. Cette histoire, et donc ce livre, aurait pu être très courte, du moins si l’on se fie aux multiples commentaires pessimistes qui l’ont accompagnée. En effet, dans les années 1920, beaucoup n’auraient probablement pas parié que l’on parlerait encore d’artisans et d’artisanat un siècle plus tard. Presque constamment l’artisanat apparut menacé et voué à disparaître. Ce livre aurait donc dû être le récit d’une plus ou moins longue agonie, l’histoire d’une disparition. Or, force est de constater que l’artisanat n’a pas disparu, pas même décliné. Avec plus d’un million et demi d’entreprises qui emploient un peu plus de trois millions de personnes, forment 110 000 apprentis par an et réalisent environ 300 millions d’euros de chiffre d’affaires dans une gamme étendue de 250 métiers, selon les données statistiques de CMA France, l’artisanat se porte même plutôt bien. Dès lors, il ne s’agit plus de raconter comment l’artisanat a dépéri, mais au contraire d’expliquer pourquoi il a survécu et démenti les prévisions des économistes. Cette histoire est donc celle d’une disparition non advenue.
Il y a encore assez peu de temps, ce livre aurait paru impossible à écrire. Longtemps, en effet, les historiens contemporanéistes, ceux des xix e et xx e siècles (et désormais des débuts du xxi e ) se sont désintéressés des artisans. La recherche historique n’est pas déconnectée de son temps. Elle fait écho aux questions de son époque auxquelles elle cherche à apporter des réponses, du point de vue de l’histoire. L’histoire économique et sociale demeura ainsi longtemps centrée sur la « révolution industrielle » et ses suites. Après la Seconde Guerre mondiale, alors que s’imposaient les thèmes de l’expansion économique et de la productivité pendant les « trente glorieuses », les historiens se sont mis à la recherche des causes et des origines de la croissance. Les grandes organisations paraissant être les plus à même d’obtenir des gains de productivité, ils se sont concentrés sur les grandes entreprises de type fordiste. En regard de celles-ci, l’artisanat n’apparaissait que comme un reliquat d’un mode de production préindustriel et archaïque qui ne survivait qu’en périphérie de l’économie capitaliste moderne. Il pouvait être un sujet de recherche pour les périodes plus anciennes, mais pas pour le xx e siècle. En outre, alors que l’histoire des entreprises pouvait s’appuyer sur les fonds d’archives bien conservés de quelques grandes entreprises, ces mêmes sources manquaient pour écrire une histoire des entreprises artisanales. De son côté, l’histoire sociale restait fortement polarisée sur l’histoire du monde ouvrier et de la bourgeoisie, dont l’émergence et l’antagonisme caractérisaient l’ère industrielle, et elle négligeait les autres groupes sociaux, les classes moyennes, les artisans.
Le regard des historiens sur l’artisanat commença à changer à la fin des années 1970 pour au moins trois raisons principales. Tout d’abord, l’essoufflement de la croissance économique conduisait à s’interroger sur l’efficacité de la grande entreprise et à reconsidérer la place des petites et moyennes entreprises dans le capitalisme. Ensuite, les grands modèles explicatifs qui imprégnaient les sciences sociales, comme le marxisme ou le structuralisme, commençaient à marquer le pas, à perdre de leur attractivité et leur éclipse a ouvert la voie à de nouveaux champs de recherche. Enfin, les turbulences sociales provoquées par les mouvements Poujade puis Nicoud appelèrent l’attention des sociologues et des politistes notamment sur les classes moyennes indépendantes, les artisans et petits commerçants.
Les travaux historiques sur la boutique et l’atelier se sont développés dans les années 1980, mais essentiellement dans une perspective d’histoire politique, sociale et urbaine du xix e siècle et sans fondamentalement remettre en cause l’idée qu’il s’agissait de groupes sociaux en déclin, menacés par l’industrialisation. Le xx e siècle des artisans n’a trouvé ses historiens que dans les années 1990 et depuis lors la recherche s’est développée sur cette période en intégrant également les aspects économiques et sociotechniques. Sur ce dernier point, les historiens du contemporain ont bénéficié de l’apport des travaux en histoire médiévale et moderne qui ont questionné les rapports entre artisanat et industrie et renouvelé nos connaissances des systèmes productifs antérieurs à l’industrialisation.
Si la recherche sur le xx e siècle s’est développée, ses résultats restent toutefois dispersés dans quelques livres et des articles de revues scientifiques et méconnus au-delà d’un cercle limité de spécialistes, y compris d’autres historiens et d’autres disciplines, a fortiori auprès d’un plus large public. Il manquait un petit livre de synthèse qui en rassemble les principaux acquis. C’est l’ambition de cet ouvrage. Il ne s’agit pas de proposer une somme exhaustive, mais plutôt de proposer quelques mises au point abordables qui discutent quelques idées reçues et quelques mythes qui auréolent encore l’artisanat. Pour en faciliter la lecture, le livre a été rédigé sans note de bas de page, mais le lecteur pourra retrouver les références bibliographiques de chaque chapitre à la fin de ceux-ci.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me reste à remercier Dimitri Uzunidis, le directeur de la collection Magna Carta, qui m’a immédiatement fait confiance quand je lui ai soumis le projet de ce livre ; l’équipe des éditions Le Manuscrit et notamment Domitille Carlier qui a été mon interlocutrice privilégiée ; mon laboratoire de rattachement (l’IDHE.S Évry et son directeur Alain P. Michel) qui soutient mes recherches depuis plusieurs années maintenant et qui a apporté son concours financier à cette publication ; Florent Le Bot et Sophie Boutillier qui accompagnent de longue date mes recherches sur l’histoire des petites entreprises et des artisans ; les étudiants de master de l’université d’Évry qui m’ont écouté leur présenter mes réflexions sur cette histoire ; tous les artisans que j’ai pu côtoyer depuis très longtemps ; mon père, sans qui je ne me serais probablement pas autant intéressé à cette histoire ; ma mère et mes proches pour leur soutien indéfectible et notamment mon fils, Victor, qui a patiemment supporté pendant de longs mois un père absorbé dans l’écriture de cet ouvrage.



Première Partie Le mythe du déclin


Artisan
Les mots ont une histoire. Ils ont aussi une géographie. Artisan n’a pas le même sens au début du xix e siècle puis au xx e siècle ; en France, en Angleterre, en Italie ou en Allemagne par exemple.
Le mot français artisan apparaît à la fin du xv e siècle dans des lettres de marchands français qui commercent avec l’Italie. Il dérive de l’italien artigiano , apparu un peu plus tôt dans le siècle pour désigner quelqu’un qui exerce un métier, un arte en italien à la fin du Moyen Âge (on retrouve le mot dans l’ Arte della Lana , la corporation des métiers de la laine de Florence). Il donne également l’espagnol artesano , le catalan artesà , le portugais artesão et le roumain artizan . Sa racine est le latin ars, l’art, non pas, selon le dictionnaire Gaffiot, au sens des « beaux-arts », mais plutôt du savoir-faire et de l’habileté. Dans toutes les langues latines, l’artisan est donc d’abord par son étymologie l’homme de l’art, c’est-à-dire l’habile travailleur qui maîtrise les techniques de son métier.
La même racine latine a donné le mot artiste . De sens proches à l’origine, les mots artiste et artisan se sont progressivement distingués

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