Le Grand Retour de la terre dans les patrimoines
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Le Grand Retour de la terre dans les patrimoines , livre ebook

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Description

La France est riche. La valeur de son patrimoine foncier s’élève aujourd’hui à 7 000 milliards d’euros, soit trois années de revenu national, contre à peine une année après la Seconde Guerre mondiale. Comment expliquer cette hausse et à qui profite-t-elle ? S’agit-il d’une bulle immobilière un peu plus durable que les autres ? Et, sinon, quelles conséquences faut-il en tirer pour notre économie ? Dans ce livre passionnant et minutieusement documenté, Alain Trannoy et Étienne Wasmer expliquent pourquoi la terre urbaine s’est considérablement valorisée au cours des trente dernières années, une tendance que la préférence française pour le foncier et les contraintes écologiques (le « zéro artificialisation ») ne peuvent que conforter. Alors que faire de cette manne providentielle ? Les auteurs proposent ni plus ni moins qu’une révolution fiscale. Avec un objectif : diminuer fortement les impôts grevant l’activité économique, augmenter les salaires tout en soutenant l’accumulation du capital productif, afin de pérenniser notre modèle social. Une proposition audacieuse, pour réconcilier justice sociale et efficacité économique. « Une lecture indispensable pour tous ceux et toutes celles qui réfléchissent à une réforme du système fiscal et au financement de l’action publique. » Jean Tirole Alain Trannoy est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), professeur à l’École d’économie d’Aix-Marseille, conseiller scientifique à France Stratégie. Étienne Wasmer est professeur titulaire à Sciences Po Paris, professeur à New York University Abu Dhabi (NYUAD). Il a fondé et dirigé les études doctorales en économie à Sciences Po ainsi que le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP). Tous deux ont été membres du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre (CAE) de 2012 à 2016. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 janvier 2022
Nombre de lectures 5
EAN13 9782415001001
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2022
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-4150-0100-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Béatrice et à Florence.
Introduction

Si la richesse est un sujet aussi fascinant, c’est parce qu’elle est le symbole des deux ressorts de l’humanité : le succès, dans la mesure où la richesse capitalise les réussites du passé ; l’envie, car ceux qui ont manqué de chance vont en retirer bien souvent un sentiment d’amertume que tribuns et populistes vont pouvoir exploiter.
Les inégalités sont à ce titre un espace de marketing formidable : comme elles sont multidimensionnelles, on arrivera toujours à présenter les tendances économiques sous un angle alarmiste. Lorsque les cours boursiers augmentent, ce sont les riches qui spolient les gens. Lorsqu’ils baissent, ce sont les riches qui sont responsables des faillites et du chômage. Lorsque les prix de l’immobilier flambent, ce sont les jeunes qui ne peuvent plus se loger ; lorsqu’ils baissent, ce sont les ménages pauvres qui ne peuvent plus rembourser leur emprunt en vendant leur logement. Quand les taux d’intérêt augmentent, les charges d’intérêt deviennent insoutenables pour les ménages modestes ; quand ils baissent, les actifs se valorisent et c’est une scandaleuse accumulation de richesse. Quand les salaires des ingénieurs et des cadres baissent, ce sont les entreprises qui exploitent les salariés ; quand ils augmentent, c’est une menace pour la cohésion sociale. Dans tous les cas, l’antienne est le recours à une augmentation des impôts, voire, avec la question de la dette, à l’expropriation des détenteurs des titres du Trésor public et, plus généralement et de façon indistincte, de toutes les formes de richesse, sans généralement se poser la question du pourquoi ni même du comment. Lorsque les États-Unis décident de taxer davantage leur capital et leurs grandes entreprises, nous envisageons de faire de même, oubliant que le point de départ est radicalement différent. Outre-Atlantique où les inégalités ont vraiment explosé, cela peut sembler légitime. En France, où les inégalités sont restées contenues et où le poids des prélèvements obligatoires est déjà élevé, ce discours est plus discutable.
Étayons ce diagnostic de façon à ne pas laisser d’ambiguïté sur ce constat.
La figure ci-après, issue des chiffres officiels de l’OCDE et de l’Insee, rapporte le niveau de vie moyen des 20 % les plus aisés au niveau de vie moyen des 20 % les plus modestes. Ce ratio est un indicateur des inégalités après redistribution. Plus il est élevé, plus les ménages diffèrent dans leur capacité à consommer ou à épargner pour leur avenir. Et son évolution reflète les tendances des inégalités. Ce ratio a augmenté entre 2008 et 2018 aux États-Unis où il est passé de 7,7 à 8,4 : les 20 % des ménages les plus riches disposent donc désormais de 8,4 fois plus de ressources que les 20 % les plus pauvres. En Norvège, cet écart est passé de 3,6 à 4,0, mais il reste bien moindre. La même tendance haussière affecte les deux pays méditerranéens, l’Espagne et l’Italie. En revanche, en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, l’impression de stabilité domine mais à des niveaux différents, avec un chassé-croisé des courbes allemandes et françaises dans l’intervalle 4 à 4,5, alors que nos amis anglais sont constamment autour de 6. Il est difficile, à partir d’un tel graphique, de dégager une tendance commune. La hausse des inégalités est flagrante aux États-Unis. Si l’on se focalise uniquement sur ce pays, il est tentant de conclure à l’augmentation générale des inégalités. Pourtant, après redistribution, les inégalités en France et dans d’autres pays européens restent, d’une part, stables et, d’autre part, à un niveau faible en comparaison internationale, ce qui est trop souvent passé sous silence ou vite oublié.
Figure 1. L’évolution des rapports des niveaux de vie aux États-Unis et dans d’autres pays européens (niveau de vie moyen des 20 % les plus aisés sur celui des 20 % les moins aisés).

Source : Sicsic M., « Vues d’ensemble – Inégalités de niveau de vie et pauvreté entre 2008 et 2018 », Insee Références, 202.
D’où vient alors que le grand public a en tête que les inégalités ont augmenté 1  ? Quand on augmente la taille de la fenêtre d’observation en considérant une période plus longue (trente ans : 1990-2019) et en y incluant tous les pays du monde, ce que réalise une étude du FMI (voir graphique page suivante), il est vrai que l’impression dominante est bien celle d’une augmentation des inégalités. Elles sont mesurées par l’indice de Gini 2 et concernent la distribution du revenu disponible. Ces inégalités ont augmenté, et le plus fortement dans les quatre pays les plus peuplés du monde – Chine, Inde, États-Unis, Indonésie – et cela pèse lourd. En Europe occidentale, les grands pays sont concernés, hormis la France qui présente un profil stable à légèrement négatif. C’est une performance plutôt remarquable, et nous sommes le seul pays du G7 dans ce cas. Tirons-en fierté au lieu de battre notre coulpe en permanence !
Figure 2. Variation de l’inégalité des revenus disponibles (indice de Gini) dans les différents pays du monde 1990-2019.

Source : données du FMI, IMF Fiscal Monitor, avril 2021 et Jean-Benoît Eyméoud pour la réalisation. Lecture : La taille des rectangles correspond au poids démographique relatif des pays. Les pays sont classés en deux groupes, à gauche ceux pour lesquels l’inégalité a augmenté, à droite ceux pour lesquels l’inégalité a diminué. La variation de l’inégalité sur trente ans selon l’indice de Gini est représentée par le niveau de gris. La couleur grise moyenne correspond à une stabilité (très petite variation de l’indice). Plus la teinte est foncée, plus l’inégalité a augmenté. Plus la teinte est claire, plus l’inégalité a diminué. La France se situe à droite, donc l’inégalité a plutôt diminué, mais la couleur est grise, indiquant une très faible variation, en réalité une quasi-stabilité.
Ces deux graphiques illustrent la force de notre appareil redistributif, et le reste de l’ouvrage se concentrera sur les raisons d’être optimiste sur la consolidation de son financement. Il ne s’agit certainement pas de nier que certains groupes ont vu leur position relative dans l’échelle de revenus se détériorer. Mais le prisme exclusif des inégalités déforme la réalité. Or ce discours pessimiste, voire anxiogène, porte. Depuis la grande crise financière de 2007 et la quasi-stagnation du pouvoir d’achat sur la dernière décennie, on assiste à une exacerbation de la colère et des tensions sociales.
L’ennemi, c’est le riche, c’est l’autre, qui sert de bouc émissaire. Pourtant, en France, où les filets de sécurité économique et sociale sont puissants, et où les services publics sont un facteur majeur de redistribution, ces représentations tronquées nourrissent un puissant sentiment d’injustice et laissent penser que seule une fiscalité accrue pourrait le contrer.
Mais, plutôt que de taxer uniformément tout ce qui dépasse, il nous semble qu’il faut regarder les faits. Que nous disent-ils ? Outre la relative stabilité des écarts de revenus après redistribution évoqués précédemment, force est de constater que nous plaçons une part disproportionnée de notre richesse dans l’immobilier et le foncier, que ce soit à destination résidentielle ou professionnelle. Cette richesse atteint un volume inédit, correspondant désormais à six années du revenu national produit par toute la population, alors qu’elle en représentait à peine une année dans la France d’après-guerre. Ne manions-nous pas le paradoxe en affirmant que c’est une bonne nouvelle pour l’économie et pour la société française dans son ensemble ? Non, car un tel montant indique que les Français ne sont pas défiants envers l’avenir dans leur pays : il reste bien géré, quoi qu’on en dise, comme en témoigne le fait que les étrangers ont envie de vivre en France. La richesse foncière et sa concentration sont plutôt une aubaine, car cette richesse reflète la valeur de vivre en France et, bien utilisée, elle permettrait de renforcer le dynamisme économique du pays.
En effet, on redistribue d’autant mieux que la richesse est abondante. Une richesse représente toujours une assurance contre les temps difficiles, mais, au-delà, une partie de cette richesse immobilière a la particularité de pouvoir être taxée sans perte d’efficacité économique. Il nous semble que, dans un pays à la croissance anémiée, et en tout cas inférieure à celle de ses voisins du Nord depuis une vingtaine d’années, l’urgence est de trouver un moyen pour alléger la fiscalité sur les facteurs productifs, et notamment les salaires et les investissements, et de mobiliser la part de la richesse qui a été la plus dynamique. Or, dans la richesse immobilière et foncière, la seule part du foncier – les terrains à l’exclusion des bâtis et des infrastructures de toute nature – représente encore un montant considérable, trois années de revenu national. C’est elle qui constitue la partie la plus dynamique de la richesse immobilière, voire de la richesse tout court depuis une trentaine d’années.
Le propos de cet ouvrage est de remettre au centre du débat public le minimum d’économie politique qu’implique la notion d’efficacité économique afin de poser l

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