La Voie chinoise , livre ebook
239
pages
Français
Ebooks
2012
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Publié par
Date de parution
27 septembre 2012
EAN13
9782738178374
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
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Date de parution
27 septembre 2012
EAN13
9782738178374
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Ouvrage publié originellement par Routledge sous le titre : China’s Development. Capitalism and Empire
Pour la traduction française © O DILE J ACOB , OCTOBRE 2012
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7837-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Avant-propos
Ce livre est issu d’une longue gestation. Le travail a débuté dès 2010, alors que Guo Bai était attachée au service de l’ambassade de France à Pékin et que Michel Aglietta suivait continûment l’économie chinoise pour Groupama-Asset Management.
Les auteurs partageaient la conviction que l’histoire est une méthode irremplaçable pour éclairer le futur ; d’où l’importance des analyses historiques dans un livre qui est essentiellement prospectif.
Nous remercions le traducteur Christophe Jaquet pour son excellent travail sur le manuscrit écrit en anglais. Nous remercions également Sophie de Salée pour la fabrication de l’index et Catherine Blum pour sa lecture attentive et exhaustive du manuscrit. Les erreurs qui pourraient subsister sont de notre seule responsabilité.
Introduction
De l’histoire impériale au développement sui generis du capitalisme
Depuis le début, en 1978, de ce qu’on appelle généralement la réforme économique chinoise, la majorité des économistes occidentaux est restée perplexe devant la soutenabilité des performances économiques de la Chine. Il est vrai qu’ils évaluent le mélange de contradictions, de succès, d’inégalités et de tensions sociales à l’aune d’un modèle particulier d’institutions sociales considéré comme universel, le modèle économique libéral. Depuis la contre-révolution monétariste des années 1970, ce modèle n’a cessé d’exercer une influence de plus en plus grande dans le champ intellectuel. Il est même devenu hégémonique avec l’avènement de l’école des anticipations rationnelles, qui a proclamé urbi et orbi la théorie de l’efficience du marché. Dans le champ politique, le libéralisme économique règne sans partage sur le monde anglo-saxon depuis les contre-révolutions de Reagan et de Thatcher, dans les années 1980.
Cette théorie affirme que le capitalisme et l’économie de marché sont équivalents. Conceptuellement totalitaire, elle soutient que le marché est le mode universellement le plus efficace de coordination des interactions sociales. Pour autant que les individus soient des anticipateurs rationnels, prétend-elle, la coordination par le marché fournit toujours le meilleur résultat. Il s’ensuit que les interactions du gouvernement avec le marché doivent être aussi limitées que possible et, quand elles existent, être aussi prévisibles que possible pour mieux se conformer au marché.
Ce courant de pensée a reçu une impulsion nouvelle après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique. Au début des années 1990, Francis Fukuyama , un philosophe politique de l’Université de Georgetown, à Washington, a même prédit la « fin de l’histoire ». Le monde entier allait adopter les institutions de marché anglo-saxonnes : le droit de propriété, l’autorité de la loi, la flexibilité des prix, l’ouverture totale aux échanges internationaux, etc. L’ensemble de ces préceptes a été baptisé le « consensus de Washington ». Un grand nombre de pays en développement a adopté ce programme jusqu’à ce qu’une série de crises dévastatrices, entre 1997 et 2002, éclatent en Asie, en Russie et en Amérique latine.
Dans ce climat idéologique, la Chine fait figure de franc-tireur. Elle n’a pas, à l’évidence, suivi les recettes libérales, tout en continuant de jouir d’une très forte croissance. Face à cette anomalie, les économistes occidentaux formés à la pensée néoclassique se sont divisés en deux camps : les optimistes et les pessimistes. Les optimistes invoquent la magie du marché pour expliquer la croissance chinoise. Ils croient que des réformes promarché sont en cours et que la Chine est donc en train de se convertir au capitalisme de marché. Le pays se rapprochera de plus en plus des économies de marché occidentales et adoptera la démocratie représentative, identifiée généralement au régime parlementaire. Les pessimistes soulignent le fossé existant entre le système politique chinois et les institutions qui, selon l’idéologie qui leur a été enseignée, sont censées convenir à l’économie de marché . Chaque fois que le pays a dû faire face à une situation de crise dans une période de transition entre deux phases de son développement, ils ont annoncé son effondrement social et politique. Ces prophètes de malheur sont devenus à la mode après les événements tragiques de la place Tiananmen, en 1989, puis lors des soubresauts de la crise asiatique . Ils dressent à nouveau leurs têtes de Cerbères pour affirmer que la Chine ne saura pas trouver sa propre voie vers un développement durable.
Ce livre réfute ces idées manichéennes sur les réformes en Chine et rejette les principes théoriques de la théorie économique néoclassique. Il se fonde sur des présupposés théoriques tout autres, qui ne font pas du capitalisme l’équivalent de l’économie de marché .
Le capitalisme est un système de relations de pouvoir, dont la régulation exige des institutions sociales non soumises au marché
Si le capitalisme et l’ économie de marché ne sont pas équivalents, ils sont cependant étroitement liés, car les marchés du travail et les marchés financiers diffèrent profondément des marchés de biens ordinaires. L’économie de marché se fonde sur la division des activités humaines : les individus sont séparés les uns des autres et ne connaissent a priori ni les désirs ni les besoins d’autrui. Un médium social, extérieur à tous les individus, appelé la monnaie, est né de la confiance commune pour rendre les échanges possibles. En est issue une unité commune, appelée valeur, qui mesure les produits des activités humaines en fonction du désir des autres de les acheter contre de l’argent. L’accès à la monnaie en tant que pouvoir d’achat universel et la capacité de la dépenser de diverses façons déterminent les valeurs. Les individus sont égaux par statut. Des différences quantitatives apparaissent avec des nuances dans l’intensité des désirs individuels. Elles ne font pas systématiquement naître des inégalités.
Le capitalisme se fonde sur une seconde séparation, d’un principe différent parce que asymétrique dans l’accès à la monnaie, qui crée une relation de pouvoir entre les capitalistes et les travailleurs. Les capitalistes ont accès à la monnaie pour financer l’acquisition de moyens de production. Les travailleurs ont accès à la monnaie en louant leurs capacités de travail. Cette séparation change fondamentalement la logique du système. L’objectif des capitalistes est d’accumuler la monnaie pour elle-même, car elle leur donne du pouvoir sur autrui. Plus on peut mobiliser d’argent, plus on a de pouvoir sur la société. Parce qu’ils sont privés des moyens de production, les travailleurs ne peuvent pas en tant que groupe social devenir des producteurs privés pour le marché. En principe, chacun est libre individuellement de louer ses capacités au capitaliste de son choix. C’est pourquoi il y a un marché du travail . Mais la classe des travailleurs est subordonnée, dans son ensemble, à ceux qui possèdent les moyens de production. Il s’ensuit que le salaire n’est pas le prix du travail réalisé. Il est le prix monétaire de la location de la capacité de travail du travailleur pour un temps donné.
On comprend maintenant pourquoi le contrat de travail et le contrat d’échange sont totalement différents. Les individus sont autonomes dans l’exécution d’un contrat d’échange. Le producteur indépendant prend un risque économique lié à l’incertitude de la demande du consommateur pour les produits et les services qu’il vend ; son revenu dépend ainsi de la validation de l’activité de production par la vente sur le marché contre de la monnaie. Quand elles réussissent, les innovations technologiques favorisent la demande et permettent donc des marges plus élevées. Elles offrent un profit supplémentaire à l’heureux inventeur, qui peut exploiter sa découverte sur le marché. Le contrat de travail, en revanche, nécessite la subordination du travailleur dans l’exécution du contrat, parce que le travailleur vend aux firmes capitalistes le droit d’utiliser comme elles le veulent ses capacités, sous l’autorité de managers qui maximisent les intérêts capitalistes. Il vend un certain nombre d’heures de travail, et non pas le travail réellement accompli, dont la valeur qui dépasse le salaire vient accroître le profit de la firme. L’intensité du travail, qui accroît la quantité de travail pour un temps de travail donné, est une fonction des règles de travail, définies unilatéralement par le management. La rémunération du travail est basée sur le temps de travail, modulée par une incitation au travail, baptisée salaire d’efficience, en fonction d’un benchmark standard. L’innovation technologique accroît souvent cette subordination afin de réduire les coûts du travail, les gains de productivité et la plus forte intensité du travail venant abonder les profits de la firme. Pour accroître leurs profits, les firmes capitalistes recourent davantage au financement par la dette, lequel renforce l’accumulation intensive du capital.
La finance est au cœur de la coordination capitaliste, car chaque f