La Chine e(s)t le monde
137 pages
Français

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Description

Promise à la première place mondiale, la Chine entend jouer un rôle décisif sur la scène internationale. Quelle est sa vision et comment aborde-t-elle le monde et la mondialisation ? Avec quelles conséquences pour l’Occident et l’Europe ? Écrit par deux fins connaisseurs de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, ce livre montre comment le président Xi Jinping et le Parti communiste chinois ont recyclé l’antique formule du « Tianxia » – qui désigne traditionnellement « tout ce qui est sous le ciel » – pour placer la Chine au centre des flux mondiaux. Il explique aussi comment elle mobilise toutes ses ressources (influence économique, attrait de sa culture, propagande et intimidation) pour transformer les règles du jeu dans des domaines aussi divers que le droit, les normes industrielles, l’environnement, l’alimentation ou la recherche universitaire. Ce faisant, Pékin modifie à son avantage un système international largement dessiné par l’Occident. Dès lors se pose une question : l’ambition chinoise n’est-elle pas un risque, d’abord pour les Chinois eux-mêmes, mais aussi pour le reste du monde et les biens communs de l’humanité ? Sophie Boisseau du Rocher est chercheur associé au Centre Asie de l’IFRI (Institut français des relations internationales). Spécialiste de l’Asie du Sud-Est, elle étudie sur le terrain les relations de la région avec la Chine. Emmanuel Dubois de Prisque est chercheur associé à l’Institut Thomas- More et corédacteur en chef de la revue Monde chinois-nouvelle Asie. Il travaille depuis vingt-cinq ans sur l’Asie orientale et a vécu au Japon et à Taïwan. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 janvier 2019
Nombre de lectures 13
EAN13 9782738146557
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4655-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

Longtemps, la Chine a projeté une ombre dont l’étrangeté réduisait la portée ; le destin de cette puissance lointaine ne nous concernait guère. Maintenant qu’elle s’approche de nous au point de remettre en cause les paramètres fondamentaux qui ont construit nos propres systèmes, une appréhension nous saisit, amplifiée par la difficulté à qualifier cette menace. Avec l’Union soviétique, au moins, nous avions le sentiment de savoir à qui nous avions affaire. La nature de nos liens avec la Chine reste trouble : à la fois partenaires, concurrents et peut-être, à terme, ennemis. Et si on peut s’opposer à un État dont l’idéologie semble contraire à nos valeurs et principes, comment être l’ennemi d’une civilisation et d’un peuple ? Ce qui sème le trouble dans notre relation avec la Chine est le mélange des genres savamment entretenu par le Parti, qui prétend incarner à la fois une idéologie occidentale familière, le marxisme, et une civilisation « vieille de cinq mille ans », dont la sophistication n’a d’égale que l’étrangeté impénétrable. La tactique de l’ambivalence nous impose plusieurs grilles de lecture et, à force, nous épuise ; elle exploite toutes les failles, faiblesses et défaillances – nombreuses – de nos systèmes.

La provincialisation de l’Occident
Dans les années 1980, la dernière grande utopie occidentale a été de croire que grâce à la mondialisation et à l’ouverture économique et financière, la Chine se transformerait. La politique de modernisation initiée par Deng Xiaoping, en suscitant une admiration non feinte pour la performance qui s’accomplissait devant nous, entretenait notre optimisme et justifiait que les nombreuses entorses aux règles et objectifs fixés soient considérées comme provisoires, et donc acceptées.
Or, depuis la crise financière de 2008 que la Chine a percue à la fois comme une occasion à saisir et le signe que son heure était arrivée, ces entorses sont devenues un mode d’entrisme ; elles imposent à présent de nouvelles règles. En se multipliant de manière quasi systématique quel que soit le mode diplomatique choisi – flatterie, séduction, pression, menace… –, elles nous transforment et ébranlent des valeurs construites sur nos expériences, nos débats et nos visions de l’homme. Ces valeurs, et les principes politiques qui les protègent, ont été le moteur de notre dynamisme. À présent, Pékin, qui ne craint plus la confrontation idéologique, les critique, les juge inadaptées aux enjeux à venir et prétend les reléguer au second rang de l’Histoire. Simultanément, la Chine, un temps passager clandestin de la mondialisation, se conçoit de plus en plus ouvertement comme étant au centre de la scène mondiale et effectivement, c’est aujourd’hui l’acteur le plus entreprenant pour penser la structuration d’un monde en plein changement. Ce faisant, elle se positionne au cœur des nouveaux réseaux de flux et remet ainsi au goût du jour une antique formule politique, le Tianxia – tout ce qui est sous le ciel –, qu’elle a naturellement vocation à diriger. Car entre le ciel et le Tianxia, se trouve le fils du Ciel, l’empereur, et sa « bureaucratie céleste » – en termes contemporains, Xi Jinping et le Parti.
Si donc la Chine se prépare à jouer un rôle moteur dans l’espace mondial, comprendre son idiosyncrasie, ses motivations et ses comportements apparaît impératif. S’opposer frontalement à la puissance chinoise n’a guère de sens ; mais pour adopter une politique lucide, résister à ses effets les plus destructeurs et établir un partenariat plus « équilibré », il faut au moins en comprendre les ressorts. Cet essai – non exhaustif – traite des perceptions, stratégies, mises en œuvre et ambitions de l’État chinois dans le monde et la mondialisation, et tente d’en déduire leur impact sur un système international largement dessiné par l’Occident. L’analyse de décisions et d’actions dans des domaines aussi divers que le droit, l’alimentaire, les normes technologiques ou la stratégie militaire nous permettra de poser les bonnes questions, de mesurer les enjeux pour l’avenir et de dégager des tendances lourdes pour la gouvernance mondiale. Ce n’est pas que la Chine prétende au rang de première puissance mondiale comme l’a annoncé Xi Jinping qui pose question, mais la façon dont elle peut le faire et ce que cette façon annonce pour l’avenir.
Les faits sont embarrassants et ils ne dissipent pas le malaise évoqué à l’égard de ce basculement chinois vers et dans le monde. Ils l’augmentent même après avoir observé l’accélération récente du déploiement et de l’insertion de la puissance chinoise, c’est-à-dire de la capacité d’influence qu’elle exerce, directement ou par capillarité, à la fois sur chacun des acteurs et sur le système global. De l’occupation des îlots en mer de Chine du Sud à leur remblaiement en points d’appui militaires, de l’achat des bons du Trésor américains au titre de premier créancier de la dette des États-Unis, de l’importation des matières premières africaines au rang de premier investisseur sur le continent et de second fournisseur d’armes, du rachat de 67 % du port du Pirée au veto grec pour éviter une condamnation de l’Union européenne sur les violations répétées des droits de l’homme en Chine lors du Conseil sur les droits de l’homme de l’ONU (juin 2017), les exemples sur l’influence grandissante, parfois invasive, de la Chine se multiplient sur des terrains variés, souvent sans lien les uns avec les autres mais qui, accumulés, révèlent une capacité d’influence transformative, parfois délibérément transgressive, destructive, voire nuisible.
Cette capacité d’influence, Pékin la cultive tout en la minimisant ou en la démentant. C’est systématiquement le cas dans les affaires politiques, notamment dans nos démocraties (de l’Australie jusqu’à l’Allemagne), où de récentes tentatives montrent comment Pékin est prêt à pervertir le fonctionnement et à ébranler la solidité des institutions occidentales en soudoyant tel ou tel politicien ou groupe d’intérêts pour consolider ses avantages 1 . Dans chacun des cas, le ministère des Affaires étrangères de la Chine populaire a démenti ces accusations et dans les faits les stratégies d’influence, à multiples ressorts, sont difficiles à démonter. Un rapport d’experts pointe toutefois l’asymétrie des moyens (l’accès de la Chine reste strictement contrôlé et sélectif) et la menace conséquente sur les valeurs et intérêts européens 2 .
Les scénarios se répètent pourtant, presque immanquablement : des manœuvres d’enveloppement avec des propositions tentantes, accompagnées le plus souvent d’un discours « gagnant-gagnant », une coopération – parfois un peu forcée par toutes sortes d’agents – qui s’amplifie au point de créer des dépendances, puis des partenaires contraints à suivre les règles édictées s’ils ne veulent perdre les bénéfices d’une « amitié » annoncée comme forcément prometteuse. La carotte et la persuasion douce avant le bâton ; les intérêts chinois et la grandeur de la Chine pour ultimes moteurs. Serait-ce donc cela le « rêve chinois » dont le président Xi a fait sa formule attitrée ?
Plusieurs exemples tirés d’horizons divers vont nous permettre de comprendre les conséquences d’ambitions et de pratiques dont les modes, voire les logiques, souvent nous échappent car ils passent par des paramètres intérieurs opaques. La remise en cause est d’autant plus abrasive que le rythme et le volume des transformations à l’œuvre s’étalent sur plusieurs décennies qui, après nous avoir familiarisés avec le nouvel agent systémique, révéleront des déséquilibres et des malentendus qu’il sera difficile de corriger.
La tactique des petits pas suscite moins d’opposition jusqu’au jour où on découvre, impuissants, que ces petits pas font système. La Chine, on le verra, est notamment proactive dans les secteurs d’avenir, ceux qui décideront des modes opératoires d’ici à cinquante ans et où elle peut accroître sa capacité d’influence puisque « les jeux ne sont pas encore faits ». En ingénierie spatiale, en recherche médicale ou dans le domaine de l’intelligence artificielle entre autres, la contribution de la Chine est stimulante, les ressources allouées permettent de vraies avancées qui profitent à une coopération internationale bénéfique ; mais en prenant la direction des opérations, la Chine en fixe les termes. Il ne faut pas être grand prophète pour annoncer que les générations à venir, partout dans le monde, seront structurellement exposées aux normes de la puissance chinoise. Le constat d’une potentielle normalité chinoise nous contraint à en comprendre les ressorts et les conséquences.

Communauté de destin « à la chinoise »
Les implications politiques et géostratégiques de la modernisation économique chinoise sont profondes et structurantes pour notre avenir car elles touchent à une communauté de destin global. Les défis sont de nature non seulement technique mais aussi politique et sécuritaire ; certains relèvent de la gestion d’une concurrence normale et d’une valeur ajoutée stimulante, d’autres d’intentions beaucoup plus ambivalentes, voire déstabilisantes pour le système mondial tel qu’il fonctionne, d’autres encore, de p

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