L Utile et le Futile
986 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Utile et le Futile , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
986 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Futiles, les grandes manifestations sportives, les studios d'Hollywood, les jeux vidéo, les villages du Club Méditerranée ? Peut-être, mais ils sont aussi au cœur de l'économie moderne. Déroutants, les flux planétaires d'informations et d'images, la volatibilité financière ? Oui, mais ce sont les fondements d'une nouvelle dynamique économique. Ce livre nous donne les clés permettant de comprendre un univers surprenant et pourtant familier et d'aborder ses défis avec lucidité. Spécialiste des technologies de l'information et de la finance, Charles Goldfinger est actuellement consultant en stratégie. Il est l'auteur de La Géofinance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 1994
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738162830
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avec la collaboration de Luc Marmonier et de Juliette Blamont
© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  1994 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6283-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Eva et à Alex
Introduction

Les idées et les choses
Les idées ou les choses : quelle est la source de la richesse économique ?
Le monde des objets matériels n’a jamais été aussi perfectionné et omniprésent. Des voitures aux ordinateurs, des téléviseurs aux fours à micro-ondes, nous sommes submergés par des merveilles de la mécanique et de l’électronique, dotées d’une intelligence quasi humaine, d’une esthétique raffinée, aux performances éblouissantes.
Pourtant, ce triomphe du matérialisme industriel n’est qu’une apparence. En effet, l’industrie se trouve enserrée dans un tissu de plus en plus dense et capilaire d’activités, de produits et de services dont la substance est immatérielle : les données informatiques, le volatil argent planétaire, les messages publicitaires, les images d’actualité ou de fiction, les jeux vidéo… Ensembles déferlants d’images, de clichés et de symboles, les immatériels façonnent nos émotions et nos perceptions, déterminent nos valeurs culturelles et spirituelles. Ils constituent l’essence de l’économie moderne.

La montée de l’immatériel
Les activités immatérielles, qui vont bien au-delà de ce que les économistes appellent « les services », constituent la plus grande partie du revenu national et représentent la majorité des emplois dans les pays développés. L’information et les loisirs se disputent la place de première industrie mondiale. Les échanges « invisibles » représentent plus du tiers du commerce international et augmentent plus rapidement que l’échange des biens matériels, sans compter les flux audiovisuels émis par des chaînes globales comme CNN ou les transactions des marchés financiers internationaux, dont le montant est cinquante à soixante-dix fois supérieur à celui du commerce mondial des marchandises. Les flux immatériels constituent l’essentiel du brassage planétaire de capitaux, d’idées et d’images qui structure la nouvelle géoéconomie.
Au sein des entreprises, l’art de manier l’immatériel est une qualité fort appréciée. La gestion de la communication est une arme de combat. L’image de marque constitue une source capitale d’avantage concurrentiel. Des noms comme Coca-Cola ou Danone représentent la vraie richesse des entreprises qui les portent. L’information, ressource auparavant insaisissable, est désormais apprivoisée ; elle peut être captée, transformée, stockée, reproduite. Omniprésente, elle est à la fois un facteur de production, un produit consommable et une variable économique.
À la rareté matérielle, le déterminant traditionnel de la désirabilité d’un bien, se substitue la préférence subjective. Une nouvelle échelle de choix économiques se crée, fondée sur les pulsions, les projections, les images et le statut social. Les désirs supplantent les besoins.
Dès lors, la hiérarchie des valeurs économiques est ébranlée. Désormais ce ne sont plus les services qui fournissent l’appui à l’industrie mais les objets physiques, les meubles et les immeubles, les machines, les voitures, qui servent de support aux artefacts immatériels, la finance, le spectacle, l’information. Les activités économiques essentielles ne sont plus la production et l’accumulation d’objets mais l’émission et le traitement de flux, canalisés par les « autoroutes numériques » – une infrastructure des réseaux visibles et invisibles de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Les technologies cruciales sont celles de l’information et de la communication, la création et le traitement des données et des images. Le cœur de ces technologies, le logiciel, l’ensemble des règles et des instra ctions qui gèrent le support physique et les flux, est lui-même un bel exemple d’immatériel.
Sous la poussée de l’immatériel, l’économique étend son emprise au monde affectif. Les nouvelles structures d’échange et de transaction valorisent les sentiments et les perceptions. Désormais, tout a un prix, tout se transforme en objet marchand : l’éducation, la culture, l’art, la création, jusqu’au bonheur. Le rêve est devenu une marchandise achetée, vendue, conservée et restituée à volonté.
Toutefois, cette extension n’est pas à sens unique. À leur tour, les immatériels rendent l’univers économique plus complexe, plus mouvementé, plus désincarné. Leur production et leur consommation constituent souvent un jeu de miroirs dans lequel les notions mêmes de consommateur et de producteur, clairement séparées dans l’économie industrielle, ont tendance à s’estomper. L’économie, traditionnellement discrète et solide, est devenue un spectacle narcissique, personnalisé, volatil.
L’ascension du spectaculaire se reflète dans l’échelle des rémunérations. Les saltimbanques (les vedettes du cinéma et de la chanson) et les gladiateurs (les grands sportifs), ceux qui distraient et qui font rêver, sont payés bien davantage que les capitaines de l’industrie. Ils sont aussi devenus des modèles de comportement, plus respectés que les autorités morales traditionnelles, plus écoutés que les politiciens et les intellectuels. Coluche a remplacé Jean-Paul Sartre.
L’annexion du spirituel par le spectaculaire inquiète. Même si cette inquiétude n’est pas récente – déjà Charles Péguy se plaignait que l’argent avait éliminé le spirituel – la montée de l’économie de l’immatériel a exacerbé les réactions. Un courant de pensée influent, notamment en Europe, refuse ce qu’il considère comme un détournement de la spiritualité et affirme que certaines choses, la culture ou la religion par exemple, ne peuvent pas, ne doivent pas être assimilées aux marchandises, sujettes aux aléas de l’offre et de la demande.

Malaise et controverse
Cette réaction est symptomatique d’un malaise plus large. L’émergence de l’économie de l’immatériel suscite la controverse. Certes, on reconnaît l’influence des immatériels, vecteur de pouvoir sous toutes ses formes : pouvoir économique, pouvoir des idées et des sentiments. En même temps, leur légitimité est contestée. Les accusations fusent, qui vont du parasitisme jusqu’à la malveillance et la manipulation sinistre d’esprits et de cerveaux. Les activités immatérielles dégagent une odeur de soufre. Ainsi, la finance est perçue comme un foyer de sinistres complots ourdis par des hommes d’influence. De même, la publicité se voit dotée de pouvoirs de manipulation des goûts et des préférences politiques. La pop culture et les loisirs organisés sont flétris en tant que véhicules de l’abrutissement collectif. La vision d’un univers d’évasion animé par les brasseurs de vent et les marchands de bonheur est troublante : peut-on construire une économie solide autour du rêve et du loisir ?
La controverse est entretenue par des défauts de connaissance. Malgré la profusion apparente d’études et le perfectionnement des mesures statistiques, les données sur l’économie de l’immatériel sont imprécises, incomplètes, souvent incorrectes. Les immatériels sont relégués à la marge de l’analyse économique et de la comptabilité de l’entreprise. Les économistes parlent du secteur « tertiaire », un fourre-tout englobant ce qui n’est ni l’agriculture ni l’industrie. Des actifs dont on reconnaît pourtant l’importance, comme le capital humain et l’image de marque, n’apparaissent pas dans le bilan de l’entreprise. Les experts ne s’accordent ni sur la définition, ni sur la mesure, ni sur la signification des immatériels.
Dire que leur définition constitue une tâche difficile n’est-il pas un truisme ? L’immatériel est synonyme d’insaisissable, de ce que l’on a du mal à capter et à visualiser. Le caractère protéiforme des immatériels fait de leur classement un exercice menacé à tout moment de précarité. À la difficulté méthodologique s’ajoute le problème d’une connotation négative. En français notamment, la terminologie pertinente est péjorative. Les services en particulier souffrent de la malédiction de leur nom : ils sont perçus comme des épiphénomènes, résiduels et précaires 1 .
Si le terme de services ne paraît guère approprié, il n’est pas facile de lui trouver un substitut adéquat. Le terme des « invisibles » est utilisé pour décrire les flux des échanges internationaux autres que ceux des marchandises et doit être considéré comme trop vague. Le terme des « intangibles », utilisé dans la comptabilité, paraît trop abstrait. Et la notion des « immatériels » proposée ici n’est pas encore généralement reconnue.
Les difficultés de définition reflètent le caractère foisonnant des immatériels, allergique à une approche rigide et taxonomique, où chaque chose est à sa place, où les places sont bien délimitées et stables. Ici les frontières sont mouvantes et le chevauchement entre les activités est fréquent. Il s’agit d’un monde ou règne l’ambiguïté, la logique « floue » 2 , un monde ni noir ni blanc, ni tout à fait rationnel, ni complètement irrationnel, en partie économique, en partie spirituel.

L’économie de l’immatériel
La notion d’économie de l’immatériel recouvre trois dimensions :
– les immatériels comme produits finaux de l’activité d’une entreprise ou d’un secteur économique (nous les appellerons artefacts immatériels) ;
– les immatériels com

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents