Juger en Amérique et en France
166 pages
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Description

Comment raisonnent vraiment juges et juristes américains ? Valeur du procès, rapport entre vérité et preuve, rôle du parquet, mission du juge, nature du jury, fonction de la peine, voire sens de la justice : sur tous ces points essentiels, pratiques et discours diffèrent considérablement aux États-Unis, terre de common law, et en France. Pourquoi ces différences ? Quelles sont leurs origines ? Sur quelles conceptions du droit et de la justice se fondent-elles ? À l’heure où certains redoutent une " américanisation " de notre droit tandis que d’autres déplorent la sclérose de notre justice, un livre indispensable. Membre du comité de rédaction de la revue Esprit, Antoine Garapon dirige l’Institut des hautes études sur la justice. Il a notamment publié Le Gardien des promesses, Bien juger, Et ce sera justice !, ainsi que Des crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner. Juriste formé en Grèce, en France et aux États-Unis, Ioannis Papadopoulos est chargé de mission à l’IHEJ, et enseigne à Paris-I et à l’IEP Paris. Il a notamment publié Pratiques juridiques interprétatives et herméneutique littéraire et La Peine de mort.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2003
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738186171
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tous les textes en anglais, y compris les arrêts de la Cour suprême, ont été traduits par les auteurs. Les chapitres I, II, IV, VI et XI sont d’Antoine Garapon. Les chapitres III, V, VII, VIII, IX et X sont de Ioannis Papadopoulos. L’introduction et la conclusion sont communes.
© O DILE J ACOB , NOVEMBRE  2003
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8617-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Préface

Pourquoi s’intéresser au droit d’un pays étranger ? Parce qu’on y est poussé par la nécessité si l’on y vit ou si l’on y travaille. Et c’est de plus en plus souvent le cas : de plus en plus de gens s’expatrient, les entreprises exportent des biens ou des services et les investisseurs se trouvent empêtrés dans des procédures juridiques à l’étranger. Un cabinet d’avocats américain (ou français) qui comprend le droit français (ou américain) sera mieux à même de conseiller ses clients nationaux. Le besoin de comprendre le droit étranger croît ainsi au fur et à mesure que les voyages à l’étranger, les communications et le commerce international s’intensifient et que les affaires se mondialisent.
En même temps, et pour les mêmes raisons, le droit de chaque pays incorpore de plus en plus de normes internationales. Des traités commerciaux peuvent engendrer un droit intérieur qui s’applique directement. Celui-ci peut intégrer des pratiques commerciales transnationales, aussi bien que la lex mercatoria . Une loi nationale, sur la propriété intellectuelle par exemple, peut chercher à s’harmoniser avec les droits d’autres pays, en visant expressément des pratiques étrangères dans ses dispositions ou implicitement dans l’exposé de ses motifs.
Le désir de comprendre les droits étrangers dépasse toutefois le commerce. On a vu, au cours de ces cinquante dernières années, se développer un consensus, désormais presque mondial : le droit ne doit pas se contenter de faciliter les échanges commerciaux, il importe aussi qu’il protège les droits fondamentaux de la personne humaine. Des textes juridiques, des constitutions nationales et des traités internationaux expriment ce consensus, que les avocats essayent de mettre en œuvre en saisissant les tribunaux, tant nationaux qu’internationaux. Et les juges de différents pays reprennent des formulations identiques dans des circonstances analogues pour trancher les mêmes problèmes juridiques, comme la coexistence des races, l’immigration, les conditions de production, les contraintes économiques, les préoccupations écologiques, les technologies modernes, la communication de masse instantanée, voire le terrorisme.
C’est pourquoi les avocats et les juges d’un pays donné peuvent apprendre des constructions et des solutions juridiques inventées par leurs collègues étrangers. L’étude d’autres systèmes juridiques fait aussi mieux comprendre son propre système, ce qu’il est, ce qu’il doit être et ce qu’il peut devenir.
Une comparaison des affaires, et des solutions qu’on a apportées, s’avère de plus en plus utile. Le Conseil d’État s’est demandé si une écolière musulmane pouvait arguer d’un droit fondamental lui permettant de porter le foulard en classe 1 . De même, la Cour suprême des États-Unis s’est posé la question de savoir si un soldat juif de l’armée de l’air avait un droit fondamental de porter une kippa 2 . La Cour européenne des droits de l’homme a accordé aux pratiques homosexuelles privées une protection juridique fondamentale 3 . La Cour suprême est arrivée à une conclusion identique, en se référant directement à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme 4 . À l’occasion d’une affaire récente sur la liberté d’expression et la réglementation du financement des campagnes politiques portée devant la Cour suprême, les deux parties ont chacune invoqué à l’appui de leur thèse l’arrêt Bowman v. United Kingdom 5 , qu’a rendu la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire similaire.
L’étude minutieuse et la comparaison approfondie des systèmes juridiques devient donc chaque jour plus nécessaire. Voyez, par exemple, les récents efforts déployés par les cours pénales internationales pour créer une procédure pénale commune. Celle-ci s’inspirera-t-elle des systèmes inquisitoires que l’on trouve dans les pays de civil law  ? Des systèmes accusatoires des nations de common law  ? Ou bien sera-t-elle le fruit d’une combinaison des deux ? Une telle intégration requiert des juristes capables de comprendre non pas un, mais les deux systèmes, qui sont assez éloignés. Par exemple, un juriste de common law qui s’émeut des pouvoirs étendus du juge d’instruction devra les rapprocher du pouvoir pratiquement incontrôlé exercé en common law non pas par le juge, mais par le procureur. Ce dernier règle plus de 90 % des affaires pénales par plea bargaining , c’est-à-dire par une négociation du plaider coupable 6 . La comparaison des mérites des différentes procédures pénales ne peut négliger cette réalité.
Considérez également l’impact majeur que le droit français de la responsabilité civile a commencé d’exercer en common law sur les actions en responsabilité délictuelle, notamment en ce qui concerne le rôle de l’expert. Au cours d’une affaire française récente, La Ligue contre le racisme et l’antisémitisme c. Yahoo !, Inc. 7 , par exemple, des associations luttant contre l’antisémitisme ont assigné un serveur mondial afin d’interdire à ce dernier de proposer aux utilisateurs français d’Internet l’accès à un site vendant des objets nazis ainsi qu’à d’autres sites pronazis. Le droit français interdit, en effet, un tel accès, contrairement au droit américain.
Le tribunal français a demandé à Yahoo ! s’il lui était possible d’isoler, à un coût raisonnable, les utilisateurs français, pour leur barrer l’accès aux sites litigieux, des autres internautes, notamment américains. La manière dont le juge français s’est informé des possibilités techniques pour arriver à ce résultat ne pourra qu’impressionner tous ceux qui ont à cœur d’améliorer l’efficacité de la justice. Le juge s’est appuyé sur un collège d’experts, en réservant le droit à Yahoo ! de contester tout ou partie de ce rapport. Le résultat a été rapide et a débouché sur un accord, non pas au fond, mais sur plusieurs données techniques.
La Grande-Bretagne a récemment introduit une réforme de l’expertise qui témoigne d’une bonne compréhension du système français 8 . Ces réformes se sont avérées efficaces et, partant, populaires 9 . Il n’est pas exclu que des juristes américains se penchent à la fois sur les réformes anglaises et sur le système français, pour rendre l’expertise plus efficace et mieux adaptée à la variété des affaires 10 .
La comparaison approfondie des systèmes s’étend aussi au droit constitutionnel. Lors d’une récente conférence au Canada, des juges appartenant aux différentes juridictions francophones à travers le monde se sont demandé si le principe de « fraternité » jouait un rôle significatif dans leurs systèmes de civil law . Beaucoup ont estimé que non. Un principe similaire semble pourtant avoir joué dans une récente affaire où notre Cour suprême a eu à juger si la discrimination positive ( affirmative action ) violait le principe d’égalité garanti par la Constitution des États-Unis ( equal protection of the laws ). Cette dernière phrase était-elle compatible avec la préférence accordée à certains dans la sélection des étudiants par une université d’État ? L’université pouvait-elle prendre en considération positivement l’origine ethnique d’un candidat provenant d’une minorité dans le but de se doter d’un corps d’étudiants plus « diversifié », comprenant par exemple un nombre significatif de Noirs ?
Trois séries d’arguments militaient, entre autres, en faveur de la constitutionnalité de l’ affirmative action . Les premiers invoquaient le principe d’égalité : la diversité raciale est nécessaire pour compenser la discrimination passée. Les deuxièmes s’appuyaient sur le principe de liberté : une université est libre de rechercher la diversité parce que la Constitution lui reconnaît une marge d’appréciation dans le choix de ses étudiants. Les troisièmes, enfin, se fondaient sur un principe pouvant s’apparenter à la « fraternité » en affirmant que l’interdiction de toute discrimination positive au nom du principe d’égalité ( equal protection clause ) aurait de graves conséquences, sur le plan aussi bien administratif que social. Des représentants de l’armée, des entreprises, des syndicats et de l’administration ont en effet soutenu devant nous qu’une telle interprétation empêcherait d’avoir un corps d’officiers, de cadres ou d’employés, dans lequel des membres de différents groupes raciaux jouent tous un rôle important. L’homogénéité raciale de tous les titulaires de fonctions d’autorité qui en résulterait finirait par diviser la société, par engendrer des tensions et par ruiner la légitimité que requiert la démocratie pour fonctionner.
Ce dernier argument a joué un rôle important dans la décision de la Cour. En se référant au fonctionnement pratique de la démocratie et en insistant sur la « solidarité sociale », il se rapproche du principe de « fraternité » : il présente, en tout cas, suffisamment de similitudes avec lui pour que l’on approfondisse la comparaison.
Juger en Amérique et en France propose des comparais

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