Vents du large
54 pages
Français

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Vents du large , livre ebook

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Description

Vents du large réunit deux nouvelles : Chambre 414 et Normandie-Brésil : aller simple.
Ces récits nous entraînent en Normandie, et plus loin encore. La quête de l'ailleurs y est aussi une quête de soi.
Chambre 414 pourrait apparaître comme une énigme en chambre close. Un meurtrier rôde-t-il dans la paisible station balnéaire de Cabourg ?
Dans Normandie-Brésil : aller simple, les histoires personnelles croisent l'Histoire. Le voyage est une quête d'absolu, aussi fascinante que dangereuse. Pour ceux qui restent, il s'agit de trouver la paix...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414124886
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12486-2

© Edilivre, 2017
Chambre 414
Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est. Proust, La Prisonnière.
Longtemps, je n’étais pas partie en vacances. Trop prise par le travail, pas assez de temps. Et nous n’étions pas si mal installés, dans notre maison à la campagne ! Dans notre Puisaye natale, à moins de deux heures de Paris, mais pourtant si loin de la capitale, nous profitions de la nature et du grand air. Nous marchions du côté de Saint-Sauveur, sur les chemins du pays de Colette, et je rêvais de littérature. De mon envie d’écrire et de ma peur d’affronter le papier, dont la blancheur me renvoyait toujours, comme un miroir angoissant, à la fragilité de mes élans.
Mon mari et moi avions toutefois vite pris conscience que nous étouffions, à respirer au rythme des saisons et de longs week-ends de promenades. L’ennui avait fini par s’abattre sur nous. Qu’avions-nous encore à nous dire ? David semblait accepter le gris de nos existences avec une humilité que je jugeais parfois proche d’une coupable résignation. Je savais que je pouvais compter sur lui. Presque trop. Paradoxalement, j’aurais été plus rassurée de le voir hésiter, s’inquiéter, reculer. Or il ne cessait d’avancer, sans toujours s’apercevoir que je ne suivais pas, ou si lentement. C’est étrange, parce qu’il croyait que j’allais vite. En réalité, je remplissais mon emploi du temps de rendez-vous et de faux impératifs, pour me donner l’impression de progresser. Je savais que ce n’était qu’une illusion.
Mes enfants étaient mes seules vraies raisons de vivre. Mais ils grandissaient et ne tarderaient pas à nous échapper. Je me souvenais du temps où je les berçais sans nostalgie. Je profitais avec eux, aujourd’hui, d’une complicité à la fois moins instinctive et plus profonde. Je savais toutefois qu’ils devraient à leur tour suivre leur chemin, le moment venu, et que ce chemin ne croiserait peut-être plus le mien que par hasard et par intermittences.
Même si je n’étais pas vraiment du genre à me plaindre, je ne pouvais m’empêcher de considérer ma vie avec un peu de tristesse. « Tu as de la chance ! » me disaient-ils tous. Pour eux, la vie avait été généreuse avec moi. J’étais « gâtée ». Peut-être, oui… J’étais en bonne santé ; j’avais une famille ; je n’étais pas réduite à la mendicité, mon salaire était même plutôt correct. Et après ?
Il était temps de nous bouger, et nous avions décidé, David et moi, de nous reprendre. Quelques semaines à la mer ne pourraient que nous faire du bien. Parce que je me souvenais avec émotion des vacances que je passais à Cabourg, alors que j’étais encore enfant, je décidai qu’on choisirait Cabourg. Tous m’avaient suivie, perplexes. Le Calvados n’avait pas le charme pour eux de la Côte d’Azur, ou plus encore des îles ultramarines qui constituaient leur idéal de touristes. Les plages de la Manche évoquaient davantage le débarquement, la guerre et le froid que le farniente.
Américains, Anglais et Canadiens venaient certes en Normandie pour faire le tour de Juno, Omaha, Utah, ces plages sur lesquelles tant de sang avait coulé. Pour les Français, la région était invariablement associée à la pluie, liée à la Bretagne dans ce sort météorologique malheureux… Mais pour moi, Cabourg était un lieu à part, où le ciel et la mer donnent la passion de la lumière et du vent. Un lieu où le paysage se dresse devant vous, comme un tableau. Ce voyage serait aussi un pèlerinage, sur les traces d’un passé qui m’avait quitté depuis longtemps, avec la mort de mes parents. L’un et l’autre avaient disparu il y a quelques années, à deux mois d’intervalle, sans que j’aie vraiment pu les retenir. J’avais probablement cherché toute ma vie à les retenir, à leur rappeler que j’étais à leurs côtés. La vie m’avait tenue en échec, alors face à la mort, je n’avais aucune chance…
Pour convaincre ma famille de partir, je leur avais montré le Grand Hôtel de Cabourg, imposant édifice qui se dressait face à la plage avec élégance. J’avais toujours rêvé d’y dormir. Les tarifs m’en avaient toujours dissuadé… Tant pis. Ce serait notre folie. Pour une fois que nous partions en vacances, nous n’allions pas compter ! Si l’insouciance et le plaisir s’achètent, j’étais bien décidée à payer le prix.
Nous étions arrivés à Cabourg en milieu d’après-midi, après plusieurs heures de voiture. Les préparatifs de la veille s’étaient déroulés dans un climat d’effervescence joyeuse. Louise et Julien, nos enfants de 13 et 8 ans, étaient finalement ravis de partir. Enfin, un peu d’aventure ! L’un et l’autre n’avaient pas tardé à faire leurs valises. Leur enthousiasme me mettait en joie. Je les voyais trop souvent éteints, portant leurs devoirs d’enfants comme un fardeau. Pour eux aussi, je rêvais d’une autre vie.
Je souriais à leurs questions, qui trahissaient leur inexpérience des départs. Julien me demandait s’il devait prendre son matelas, pour dormir à l’hôtel, et Louise s’inquiétait de tout.
– Maman, je peux prendre mon violoncelle ? me demanda-t-elle.
– Mais non, enfin, Louise. Tu ne vas pas pouvoir jouer à l’hôtel. Tu vas déranger tout le monde ! En plus, comment veux-tu que je le fasse tenir dans la voiture ?
Mon aînée était musicienne. Elle était douée et ne se séparait guère de son instrument. Pour elle, la musique était vitale. C’était son échappatoire, son espace de liberté. Le vibrato de son violoncelle semblait exprimer ses doutes, le tremblement de son regard inquiet sur le monde. Je sais que ne pas jouer pendant trois semaines serait un effort.
Peu importait tout cela ! Nous étions maintenant face à la mer. Tout était conforme à mon souvenir. Une large plage de sable fin et une promenade qui la longeait, presque à perte de vue. Une lumière particulière, toujours, et toujours une petite brise qui venait vous rappeler ce que le quotidien vous faisait parfois oublier : que vous étiez vivant. Ouf… Enfin une pause dans cette vie qui ne semblait mener nulle part. Au rythme des marées et les yeux vers le large, j’allais peut-être reprendre pied.
Au Grand Hôtel, quel luxe ! Nous n’étions pas habitués. Un peu intimidés d’abord, nous prîmes l’ascenseur avec nos bagages pour arriver à notre chambre. Nous avions une vue sur la mer et les mouettes venaient régulièrement nous saluer. Nous ne pouvions rêver mieux.
– Ma chérie, tu viens ?
Pour la première fois depuis longtemps, David m’enlaça et m’attira vers le lit. Nous avions basculé tous les deux sur le matelas en riant, comme des enfants. Nous étions prêts à nous retrouver, sans vraiment savoir si c’était encore possible. Un cri du cœur nous interrompit :
– Maman, on a faim !
– OK ! On va sortir et prendre un goûter. Dans l’avenue de la mer, on devrait trouver !
Ce n’était pas les boutiques qui manquaient dans cette avenue commerçante de la ville qui grouillait de monde, en cette chaude après-midi. Nous nous arrêtâmes devant un marchand de crêpes et de gaufres. Tous les quatre, après avoir mangé une énorme gaufre, nous continuâmes notre promenade, tout barbouillés de chocolat. Nous nous regardions de temps à autre, amusés, et nous plaisantâmes de bon cœur, quand Julien se lécha les babines avec un petit grognement de...

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