Les bottes afghanes
398 pages
Français

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Description

Printemps 1973, Fil et Jac, dix-huit ans à peine, s’apprêtent à rejoindre sur la route de Katmandou les milliers de hippies attirés, fascinés, par les mystères de l’Orient. De Genève ils partent en autostop, un beau matin, pour Istanbul, un premier plongeon dans l’aventure extraordinaire, l’Iran du Shah de Perse, l’Afghanistan, royaume moyenâgeux, oublié du reste du monde, le Pakistan avant-goût d’une Inde espérée et merveilleuse, l’Himalaya insoupçonné... Fil et Jac n’en sortiront pas indemnes.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 février 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342361377
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 – Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com

Tous droits réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-342-36136-0

© Société des Écrivains, 2022
Du même auteur
2054, contes du futur
publié aux Éditions Publibook en 2012
Soldat Louis 1914-1920
publié aux Éditions Baudelaire en 2019
Exergue
« Make love not war – Faites l’amour et pas la guerre. »
(Slogan, dicton hippy)
1 er  chapitre Le Prieuré
Une pluie tombe, intense, orageuse, désagréable. Les bourrasques d’un vent violent agitent les feuilles des arbres noirs, brillants d’humidité. Il n’est pas 17 heures que déjà tout est sombre. Une automobile roule dans les flaques d’eau du bord de route et gicle un passant qui arpente le trottoir d’un pas vif. Celui-ci maugrée :
— Eh ! Tu ne peux pas faire attention, sale bourgeois !
Il tord le pan de sa veste dégoulinante et reprend sa marche dans cette cité aux tristes immeubles de béton gris. Un peu plus loin, les bâtiments modernes font place à un village de maisonnettes anciennes et commence une zone résidentielle de coquettes villas, demeures privées, pavillons cossus, tous entourés de jardinets avec massifs de fleurs, arbres vénérables, gazon anglais, escarpolette et petite piscine. Le jeune homme traverse la cour de l’une de ces résidences et frappe à la porte. Un adolescent lui ouvre.
— Eh Fil ! Peace and love , mon frère.
— Salut Dudu ! Comment ça va ?
— Mal ! J’ai une mauvaise nouvelle.
— Quoi donc ?
— Jimmy Hendrix est mort.
— Pas possible ! Comment ça ?
— Une overdose, la nuit passée. Ils en ont même parlé à la télévision. Mais entre, ne reste pas sous la flotte.
Fil suit Dudu dans les couloirs de la maison. Ils pénètrent dans un grand salon avec une baie vitrée qui donne sur le jardin. Un jeune chevelu pianote avec énergie sur un orgue électrique, un autre l’accompagne en tapant comme un sourd sur un tambourin, un troisième souffle dans une flûte à en perdre haleine. Sur la platine joue à plein tube un disque vinyle de Jimmy Hendrix. Dudu empoigne une guitare et Fil, pour ne pas être en reste, frappe en rythme sur deux petits bongos.
Les jours défilent, sempiternellement pareils. Le collège, la petite chambre dans l’appartement de ses parents. L’avenir que l’on aimerait choisir, mais qui ne peut l’être, un jeune garçon d’à peine dix-sept ans ne décide pas de son futur, c’est son père qui lui impose…
— Alors maintenant que tu as fini l’école obligatoire, que vas-tu faire ?
— Je veux voyager !
— Tu voyageras plus tard. D’abord, apprends un métier, c’est ton avenir qui est en jeu. Tu dois conquérir ta place dans la société.
— Je m’en fiche, elle est pourrie, ta société de consommation.
— Tais-toi ou je t’en colle une !
— Vas-y, frappe-moi ! Tu ne connais que ça.
Le père, en colère, lui retourne une baffe dans la figure. Fil a les larmes aux yeux, ses lèvres tremblent, il soupire profondément et s’enfuit dans sa chambre pour se coucher sur son lit, furieux contre ses parents qui s’entêtent à vouloir un fils « propre en ordre », docile, travailleur et consommateur. Il va falloir de la patience, mais son heure viendra et il partira loin, très loin. Déterminé à vivre comme il l’entend, que ça leur plaise ou non. Il n’est pas question de passer à côté d’une vie exaltante remplie de voyages, de rencontres, d’expériences nouvelles au lieu de l’existence qu’ils prévoient pour lui. Il veut découvrir, parcourir le monde et c’est le bon moment. Tous les jours, des milliers de sœurs et de frères prennent le chemin de l’Orient et de ses mystères, pour rejoindre Katmandou, leur capitale. Né au milieu du xx e  siècle, il fait partie de cette génération d’amour libre : Peace and Love  ! Il est un hippy et doit prendre la route.
Dans le salon de la maison des frères Pilule et Freddy, confortablement installé dans un fauteuil de velours, Fil subtilement perçoit l’ambiance changée. Comme si le temps s’arrêtait. Il a l’impression d’entrer dans une autre dimension. Il commence à entendre les sons différemment, avec de l’écho. Tout son corps est envahi d’une sorte d’onde étrange. Il n’a ni chaud ni froid. Il se sent partir sans pouvoir contrôler, c’est surprenant ! Il comprend que son trip de LSD débute et tout s’accélère. Il hallucine. Il ébauche un mouvement avec sa main droite et perçoit quinze mains en éventail devant lui, très claires au début et qui disparaissent progressivement, qui s’évanouissent lentement dans une hallucination stroboscopique. Les copains ont tous de drôles de têtes, ils sont silencieux, ébahis, irrémédiablement occupés à gérer la forte montée d’acide qu’ils subissent. Jac, la bouche ouverte, figé, les yeux écarquillés, est accroché aux accoudoirs de son fauteuil. Pilule et Éric dansent au ralenti. Dédé est couché par terre, il fixe le plafond. Mario fume deux cigarettes à la fois. Bruno et Brigitte sont assis l’un en face de l’autre, les yeux dans les yeux, avec seulement le bout de leurs doigts qui se touchent. Fil se lève avec la sensation étrange de s’envoler. La musique de Pink Floyd est bizarre, distordue, tantôt presque imperceptible, parfois trop forte.
— Eh Jac ! Ça va ?
— Oh oui ! Qu’est-ce que je plane… c’est violent !
— Tu n’as pas envie de bouger ? Viens, allons faire un tour.
— Volontiers. On étouffe ici, j’ai besoin d’espace.
Jac se lève et, comme des somnambules, les deux amis sortent de la villa. La nuit est belle, pleine lune dans un ciel sans nuages. Ils respirent de grosses bouffées d’air pour tenter de reprendre leurs esprits, mais c’est peine perdue, déjà complètement partis, hallucinés, défoncés comme jamais ils n’imaginaient pouvoir l’être. Ils quittent la propriété et marchent au hasard, rapidement, surpris par tout ce qui les entoure, les bruits, les lumières et même les odeurs, cherchant instinctivement à laisser les routes et les habitations pour la pleine nature. Ils accélèrent encore le pas et se retrouvent dans une forêt profonde inhospitalière où les branches des arbres tentent de les happer. Le cri rauque de quelques oiseaux maléfiques les effraie. Ils évitent une rivière sombre aperçue au loin. La peur au ventre, ils parcourent des kilomètres sur un mauvais chemin boueux, aux aguets de tout bruit suspect, et finissent par déboucher dans un grand champ d’herbes folles bordé d’arbres gigantesques. Ils courent à travers la prairie et subitement le sol s’enfonce sous leurs pieds. Fil s’enlise dans du sable et tombe lourdement sur Jac qui vient lui aussi de chuter. Longtemps, les amis restent couchés pour essayer de retrouver leur conscience. Ils se relèvent et poursuivent leur marche dans la brume avec l’impression d’être dans un monde lointain, inconnu, où tout est différent. L’unique lumière provient de la pleine lune et rend la scène encore plus magique. Ils passent près d’un lac entouré de hautes herbes où d’étranges animaux vocifèrent et atteignent un endroit dégagé de toute végétation sauvage où un fin gazon les accueille.
— C’est beau ici !
Pendant de longues heures, ils restent assis en silence, à écouter les bruits qui leur parviennent, à regarder la lune et le paysage qui les entoure.
Finalement, Jac suggère :
— Viens ! Allons voir si nous pouvons retrouver les autres.
Ils repassent près du lac qui est en fait un petit étang avec quelques poules d’eau endormies et marchent en direction d’une grande maison en bois qu’ils contournent, ensuite ils escaladent un portail fermé où un panneau indique : « Golf Club – Interdit aux Non-Membres ». Ils reviennent dans la forêt profonde qui n’est plus qu’un petit bois inoffensif, retrouvent la rivière sombre et s’approchent de ses berges. Avec la conviction intime et partagée d’être en Asie, se sentant en Inde, au bord du Gange, Fil et Jac se promettent solennellement de partir ensemble, le plus vite possible, vers ce pays merveilleux, vers l’Orient et ses fantasmagories.
Au cœur de Genève se trouve le Molard, une grande place pavée bordée de bistrots, de restaurants, de magasins et de boutiques. Une fontaine et un marché aux fleurs en occupent le centre, une ancienne tour d’horloge protège l’entrée côté lac et à l’opposé, après avoir traversé les Rues-Basses, nous pouvons accéder à une autre esplanade plus petite : le Perron. Surplombant toute la place dans un endroit tranquille au pied des remparts de la Vieille-Ville, un long banc en béton partiellement caché par de petits arbres accueille les marginaux, les artistes de rue, les beatniks et les routards de tout poil, qui passent ici la journée à parler, à rire et à fumer. Un couple de hippies s’approche, manifestement, ils arrivent de voyage, habillés à l’indienne avec petit gilet brodé, sari rouge et pieds nus pour la fille, chemise blanche ample en soie, pantalon de toile blanche et sandalettes pour le gars. Ils s’assoient à même le sol. Pendant que l’homme prépare de sa main experte un mélange de tabac et de haschich, la femme sort d’un petit sac brodé qu’elle porte en bandoulière un étui en tissu contenant un magnifique chilom, sorte de pipe droite, conique, en terre cuite, un bel objet d’une vingtaine de centimètres de long, d’une couleur beige foncé, enlacé par un cobra magnifique, en terre également, avec deux pierres précieuses rouges en guise d’yeux. Fil interroge la hippy :
— Qu’est-ce qu’il est beau ! L’as-tu trouvé en Inde ?
— Oui, dans le sud, à Hampi, fait spécialement pour moi par un vieux sâdhou  !
Chilom, Hampi, sâdhou…
Le mélange terminé, le jeune homme s’assure que la pierre à l’intérieur est bien en place, il remplit le chilom et entoure le bas d’un safi , un mouchoir de soie préalablement humidifié avec de l’eau de la fontaine voisine. Il le tend à sa compagne, craque deux allumettes et crie Bom Shankar  ! La fille porte respectueusement le chilom à son front, à sa bouche ensuite, le m

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