L Arve - Retour aux sources
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L'Arve - Retour aux sources , livre ebook

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Description

L’Arve n’est pas une rivière comme les autres. Parcourir ses cent kilomètres à pied entre son embouchure à Genève et sa source aux confins de la vallée de Chamonix est une aventure singulière... un voyage hors sentiers battus et une improbable remontée dans le temps. De sous-bois en trottoirs, en marcheur attentif et un brin frondeur, Ivan Grunder en restitue un carnet de route pittoresque, itinéraire croisé entre le randonneur d’aujourd’hui et les premiers voyageurs qui ralliaient il y a deux siècles un massif du Mont-Blanc encore méconnu : « Si l’idée première était une simple randonnée (...), j’ai découvert durant mes préparatifs que cet itinéraire fut jadis passablement fréquenté. Je me suis alors plongé dans les origines de cette route historique... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414323760
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-32377-7

© Edilivre, 2019
Dédicace


à Sebi
Exergue

« En m’enfonçant plus profondément dans les gorges de l’Arve, mon esprit se sentait soulagé »
Jean-Jacques Rousseau
Carte de l'Arve
De Genève à Reignier Mardi 11 avril
Mon voyage commence ici, à l’endroit où l’Arve se jette dans le Rhône. Arpenteur de ces berges depuis fort longtemps le coin m’est familier et je m’en réjouis, quoi de plus épatant qu’une expédition qu’on entreprend sur le pas de sa porte ! Située à quelques enjambées de la rade, on appelle prosaïquement cette petite extrémité la Pointe de la Jonction, presqu’île aménagée en promenade depuis près d’un siècle, jadis vaste delta marécageux que les inondations noyaient à leur guise.
Un étroit promontoire, sorte de bastion à l’intimité réjouissante, permet aujourd’hui de contempler le spectacle des eaux turbides de l’Arve se mêler doucement à l’auguste majesté du Rhône. Un Rhône enfin devenu fleuve après sa brusque glissade valaisanne et sa lente décantation dans le Léman.
Ce matin l’endroit est comme toujours paisible et rassurant, à la fois tout près et très loin de l’agitation urbaine. L’écrivain argentin Jorge Luis Borges, dans l’un de ses élans d’amour pour Genève, voyait en cette confluence « deux divinités antiques qui se fondent l’une dans l’autre ». Une union désormais magnifiée par les monumentales arches du viaduc ferroviaire de la Jonction, comme pour célébrer la noce des deux fleuves [ sic ] et saluer leur voyage vers la Méditerranée.
Aujourd’hui, c’est donc de cette belle confluence grise et verte que j’entame mon périple de Genève au Mont-Blanc. Mon fil conducteur sera l’Arve, cette artère oubliée qui relie deux souverains du massif alpin : son plus grand lac et son plus haut sommet. J’ai prévu six étapes pour rallier lentement la source de cette rivière torrentueuse située dans les combes du col de Balme, aux confins de la vallée de Chamonix. Six jours de marche, cent trente kilomètres, mille huit cent mètres de dénivelée, en m’inspirant ici ou là d’un topoguide intitulé le Chemin de l’Arve . Le parcours sillonne des vallées que l’on traverse habituellement en moins de deux heures par l’Autoroute Blanche. J’espère retrouver dans cette pérégrination, modeste contre-pied à la tyrannie de la vitesse, une certaine âme des lieux que quelques voyageurs ont autrefois su capter et transmettre. Car si l’idée première était une simple randonnée – remonter l’Arve, ma voisine, jusqu’à sa source – j’ai découvert durant mes préparatifs que cet itinéraire fut jadis passablement fréquenté. Je me suis alors plongé dans les origines de cette route historique et j’ai décidé de la parcourir en compagnie de ses pionniers.
Vus des remparts de Genève, les « monts affreux » et les « glacières » de Savoye furent longtemps considérés comme des lieux funestes sans intérêt. Hormis les ecclésiastiques, les soldats et les administrateurs, on ne s’aventurait pas dans ces hostiles et lointaines boursouflures. Dans son Itinera per Helvetiae alpinas regiones publié en 1723, le savant et grand arpenteur des Alpes helvétiques Johann Scheuchzer imagine ces vallées du Faucigny comme un univers terrifiant de précipices, d’avalanches, de paysans primitifs et même d’esprits malfaisants ; des dragons hantent les pages de son œuvre. Ce n’est qu’à partir du milieu du 18 ème siècle, alors que la Renaissance a entamé une sorte de réhabilitation de la montagne, que le défi va jeter sur la route de Chamouni les premiers explorateurs : un équipage de jeunes aristocrates anglais en 1741, suivi d’une caravane scientifique genevoise l’année suivante. Leurs comptes-rendus, plutôt raides pour des premières, vont connaître une diffusion assez large pour éveiller une nouvelle perception de ces massifs. La curiosité puis la fascination va peu à peu s’emparer des cercles scientifiques et artistiques de la haute société. Le voyage aux glacières va connaître bientôt une formidable vogue, quasi obsédante pour certains. Dans ses Lettres d’un voyageur anglais qu’il publie en 1781, le médecin et écrivain John Moore confesse : « Tout ce que j’avais ouï raconter des Glacières avait excité ma curiosité, tandis que l’air de supériorité que se donnaient quelques-uns de ceux qui avaient fait ce voyage si vanté piquait journellement ma vanité ».
L’Arve genevoise
Du promontoire de la Jonction je m’élance sur le sentier qui longe le vaste dépôt des trolleybus cantonaux. Fouillis de ronces, d’orties et de solidages qui se disputent déjà le territoire. Un passage sous voie permet ensuite de franchir le premier des huit ponts routiers lancés sur l’Arve genevoise. Tunnel pisseux mais salvateur car en surface défilent sans relâche d’ahurissantes colonnes d’automobilistes. La palme de la gabegie motorisée revient toutefois au pont du Mont-Blanc, qui débite chaque jour 70’000 pendulaires. Il y a cinq ans on a retourné la statue de Jean-Jacques Rousseau, notre promeneur solitaire, qui ne supportait plus de voir ça.
En émergeant du souterrain je poursuis sur un quai de robustes platanes alignés sous les blocs de la Cité Jonction , un ensemble bâti à la hâte dans les années soixante pour y caser des milliers d’ouvriers.
J’atteins très vite le parc qui s’étire au pied de la façade carcérale de la Faculté des Sciences. Une étrange sculpture baptisée Œil d’Arve trône sur une plateforme ; fait de blocs en équilibre précaire, l’œil de granit semble scruter fébrilement les humeurs de la rivière. L’Arve n’a pas été endiguée ici et en ce jour de printemps c’est une véritable petite jungle qui s’offre au marcheur attentif : bouquets de rhubarbe géante et massif de bambous, renouées du Japon, ail des ours, sureau, ciboulette sauvage, tout ça bouffé de lierre entre saules, érables, aulnes, cornouillers et autres acacias. Et puis ces extraordinaires peupliers noirs, les plus gros colosses de la région ! Pour ceinturer l’un d’eux, pas moins de cinq paires de bras tendus vous seraient nécessaires.
Des jardins s’étendaient déjà ici à l’été 1849 lors de l’inauguration des nouveaux Bains d’Arve. Le Journal de Genève du 20 juillet évoque un établissement hydrothérapique doté de « toutes les commodités désirables », où le citoyen « amateur d’eau froide » peut « s’administrer soi-même des espèces de douches, et remplacer ainsi avantageusement l’emploi du seau ».
Car l’Arve a longtemps servi les hommes. On s’y est décrassé et y avons déversé nos déchets pendant des lustres. On a usé de sa force motrice pour faire tourner nos moulins et nos turbines. On a détourné son cours jusqu’à nos manufactures. Nos puiserandes ont tiré son eau jusqu’à nos champs et nos arénières ont raclé le fond de son lit pour macadamiser nos chemins et ballaster nos voies ferrées. On a même extrait de l’or de son limon. Et quand ses eaux furent considérées comme bienfaisantes, on a aussitôt bâti sur ses rives des complexes thermaux qui attiraient la villégiature de toute l’Europe. De nos jours, la société du divertissement en a fait un terrain de jeu pour kayakistes et un accotement d’entraînement pour la course de l’Escalade .
Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, l’Arve reste une mal aimée. Dans le cœur des Genevois elle est considérée au mieux avec indifférence, au pire avec un mépris à peine dissimulé. Est-ce la couleur mourante de ses eaux ou sa réputation de rivière polluée ? Est-ce l’impétuosité de ses crues qui ont englouti tant d’ouvrages et tant de vies ? Est-ce son identité somme toute plus savoyarde que suisse ? elle n’est en effet cantonale que sur un dixième de son cours et partage de surcroît la rive gauche de son lit avec Carouge, ancienne capitale provinciale des souverains catholiques, jadis ennemie consacrée de la cité de Calvin. Méconnaissance ou ressentiment, de fait l’Arve n’intéresse pas. Elle n’inspire guère, elle ne grise que les pagayeurs de Rafting Loisirs . A force de traverser ses ponts désormais sécurisés, le plus souvent coffré derrière des vitrages, on ne la remarque presque plus. Il lui faut exécuter une féroce démonstration de force pour attirer enfin l’attention de ses contemporains qui constatent alors avec un haussement de sourcils que cette voisine terreuse, là-dessous, peut se révéler parfois surprenante.
Au printemps 2015, c’est la « crue historique ». L’Arve ratisse ses rivages, laboure ses talus et déborde les journalistes de la Tribune . Ceux de la tour de la TV manquent de justesse le bain de pieds forcé. C’est l’état d’urgence, la masse de la rivière a décuplé. Une véritable avalanche d’eau, de terre et d’arbres dévale sous ses ponts dont on interdit l’accès. Et les quotidiens de titrer une Arve qui « affole et fascine », enfin !
Il fut un temps pourtant où on lui rendit hommage. Sur la place du Marché de Carouge, par exemple. Une grande fontaine représente l’Arve sous les traits d’un dieu grec dominant un bassin qui pourrait à lui seul contenir toutes les truites de la rivière. Le vieux Poséidon est en position assise, tripotant sa barbe avec une mine qu’on peine à déceler, un peu absorbée, un peu empruntée. Il tient trois godets ruisselants qui symbolisent la confluence des trois ruisseaux originels. La vasque posée sur sa tête lui donne certes un air désemparé mais peu importe, l’Arve à son monument ! Autre témoin – étonnant et secret – à la rue des Barrières, à Genève. Une ruelle médiévale toute tordue de chicanes qui permettaient jadis de voir sans être vu, autrement dit de zigouiller l’assaillant sans risque. Dans une niche, une mosaïque murale représente l’Arve aux côtés du Rhône et de Neptune… les divinités antiques de Borges ! Trois allégories, Neptune en c

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