Des Rives du Continent
96 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Des Rives du Continent , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
96 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

A l'affût du moindre détail, la narratrice présente sous un jour singulier les pays où elle s'est attardée. Grâce à ces textes, quand vous visiterez ces lieux en touristes, votre œil sera plus acéré.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 février 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332673718
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-67369-5

© Edilivre, 2014
Autres publications
Classe verte (Liban 1998, éd. Hatem Écologie)
Ombres et lumières en terre d'Islam
En Orient il était quelle heure ?
Souvenirs d’en France
L'enfant est l'eau du père dans la soif de demain
Grèce
 

GRÈCE
 
 
M ajeure depuis un an, diplômée depuis moins, nouvellement titulaire d’un job et maintenant gare de Lyon, dans un compartiment du train qui va en musardant jusqu’à Athènes.
Le train démarre, prend de l’élan, brouille les silhouettes sur le quai. Dans quelques jours, nous serons en mai. J’arriverai en Grèce pour la Pâque orthodoxe.
Les banlieues tristes se succèdent, bientôt camouflées sous le voile séducteur de la nuit. L’arrogance de la jeunesse me portant à décréter que rien de décisif ne pourra advenir dans mon compartiment, je m’intéresse exclusivement à la Vie de Henry Brulard alias Henri Beyle autrement dit Stendhal.
À Turin, mes paupières tombent, lourdes, malgré mon désir de les tenir levées jusqu’à Milan, ville d’élection de mon héros présent…
Je me réveille après Trieste. Mes anciens compagnons ne sont plus. Un jeune homme brun s’est installé près de la vitre. Avec un bel accent, il s’adresse à moi en Français. Non je ne suis jamais allée en Yougoslavie. Non je ne connais pas sa côte joliment escarpée, ni les îles sauvages qui la regardent, ni la pauvreté des habitants… Il décrit le paysage qui défile devant la fenêtre de notre compartiment. Assez vite, il m’agace : autant que lui, je vois ce qui se passe derrière la vitre. Le train ralentit, s’arrête.
Avec pour moi des souhaits d’émotions esthétiques dans le pays des dieux, il se lève, déplie la canne blanche télescopique tirée de la poche intérieure de sa veste et descend en tâtonnant à peine. Morte de honte je me pose un millier de questions : comment a-t-il su que j’étais réveillée ? De sexe féminin ? Française ? Comment est possible une telle adéquation entre le défilement du paysage et ses descriptions ? Il n’est probablement pas complètement aveugle. En tout cas, je redeviens humble : j’ai compris la leçon.
À Zagreb. Les chariots des marchands de sandwiches et de s chliwowitz , un alcool fort de prunes violettes, si j’en crois l’illustration sur l’étiquette, me semblent tout à fait archaïques. La gare grise est triste aussi par l’aspect des hommes et des femmes mal fagotés qui avancent en regardant leurs pieds, l’air furtif et accablé.
Distraite de mon observation par un jeune chinois s’arrêtant sur le seuil de mon compartiment. Il me demande en Anglais s’il y a une place libre pour lui. Il y en a sept ! Chia Jui Cheng, fils unique de l’Ambassadeur de Chine à Taïwan, prépare un doctorat de droit international. Après la Yougoslavie, il se rend pour six mois à Athènes, se frotter à la diplomatie.
Conversation nourrie, lui dans un anglais à l’accent chinois, moi dans un anglais à l’accent français, générateurs de fameux contresens qui nous mettent en joie. Avant de m’avouer qu’il apprend le français. Il voudrait passer son examen l’année prochaine à Paris, continuer ses études à Poitiers. Ce qui nous permet de ne regarder que distraitement défiler la campagne désolée jusqu’à Belgrade.
Où monte une vieille femme au visage rond tatoué de rides, serré dans un fichu foncé éclairé par des roses, traînant un sac en toile de jute tellement bourré que mon compagnon a du mal à le caser dans le filet. La dame se rend chez ses enfants à Skopie, elle leur apporte les légumes de son potager, se réjouit à l’idée de faire la connaissance de son petit-fils âgé de deux ans.
Derrière la vitre la nuit trébuche et tombe, chacun somnole, tête affaissée sur la poitrine, dans un ressaut de dignité se redresse parfois, puis vaincu se laisse sombrer.
Je suis réveillée au jour naissant par des cris : yaourti , yaourti, sur le quai. Je pense à la vieille dame que je n’ai pas saluée pour cause de sommeil quand elle est descendue à Skopie, qu’un petit enfant doit maintenant apprendre à aimer… Je vois revenir Cheng portant deux grands bols de yaourt qu’il me dit être de brebis. Exquis ! C’est la tradition, à la frontière avec la Grèce, me dit-il en habitué.
Je me rendors légère de cette onctuosité. Confiante, je sais que mon compagnon me réveillera à Salonique, il l’a promis.
S alonique : Sur le quai, Tassoula et ses parents m’accueillent avec des roses aux couleurs fanées entre le lilas et le mauve, au parfum suranné. Trois heures avant que l’autocar nous emmène dans le Péloponnèse, jusqu’au village des grands-parents. Ici pour Pâques, chacun retourne où il est né. Je l’ignorais… Vite, un lit !
J’ai l’impression d’avoir à peine fermé l’œil quand on me réveille avec une cuiller de confiture de rose : abominablement sucrée !
Dans le bus, j’ai une idée fixe : caler ma tête côté fenêtre et dormir, dormir, dormir.
Naïve je suis : on me secoue devant les paysages « les plus sublimes ».
Je savais qu’un des pires supplices consiste à priver les humains de sommeil. Je confirme…
J ’ai vu le Mont Olympe, le Cap Sounion, le Canal de Corinthe. Je n’ai pas honte d’avouer que je me contrefiche du lever de soleil sur la mer… Je veux dormir !
Notre périple prend fin à Xylokastro. Maintenant, je suis bien réveillée, prête à tout affronter. Même le minibus en phase terminale qui s’approche en soufflant. Il charge poulets, moutons et gens. On me coince à côté d’un colossal panier de cerises. Avec des gestes et des sourires, on me propose de me servir. Je me réconcilie avec l’humanité.
Nous descendons au prochain arrêt.
N ous voilà sur la route avec nos paquets. Il faut couper par la colline, la contourner, marcher dans le soleil sur un sentier pas balisé, entre des arbrisseaux tordus qu’on me dit être « de Judée ». Pas une feuille, mais une kyrielle de fleurettes entre le rose et le violet, lancées sur les branches, comme par Pissaro des points de peinture, du bout de son pinceau.
Nous débouchons sur un plateau. Des maisons basses aux toits de tuiles sont dispersées entre les vignes et une église. On nous a vu nous approcher. Deux petits vieux ratatinés se hâtent vers nous, tout sourire : Papou et Yaya , le grand-père et la grand-mère. Ils ont à ce qu’il paraît plus de deux cents ans à eux deux.
A rrivent les sœurs, les maris des sœurs et leurs enfants. On nous embrasse, on nous dépouille de nos sacs, on m’ensevelit sous une avalanche de sons, on rit, on nous pousse vers l’intérieur.
On se rafraîchit, on se met en tenue, des tables sont dressées dehors sur des tréteaux, les femmes préparent la pâte, le fromage, les épinards pour la pita , on roule les dolmas dans des feuilles de vigne, les hommes creusent des tranchées dans lesquelles les agneaux seront mis à rôtir à la broche, qu’ils feront tourner…
Le pré est jonché de myosotis, confettis jetés par le Bon Dieu pour célébrer la résurrection de son fils. Mon horizon : la chaîne du Parnasse enneigée. Je ressens une grande paix, comme si j’avais atteint le but ultime pour lequel j’étais programmée : un tout petit lieudit au bord du Péloponnèse ne figurant pas sur les cartes mais...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents