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Description

"Du point de vue moral et professionnel, t’es dix fois plus solide que n’importe qui. Une carrière de hockeyeur, c’est un renforcement humain."

Marqués par l’expérience du hockey sur glace, les joueurs sont-ils ensuite en mesure de se démarquer ? Ce livre cherche à rendre compte des après-carrières des hockeyeurs suisses dans une perspective sociologique en plongeant dans la culture de la pratique et dans ses transformations récentes. La plupart des ex-hockeyeurs semblent avoir développé une très grande confiance dans la valeur de leurs compétences et de leur singularité sur le marché. Comprendre cet héritage impose de saisir ce que l’« après » doit à l’« avant ». Les discours sur les après-carrières se focalisent souvent sur ce que les sportifs doivent abandonner lorsqu’ils se retirent, or le regard porté dans cet ouvrage est différent : il met en lumière ce que les anciens joueurs conservent de leur passé sportif.
Analysant trois générations de hockeyeurs, cette enquête adopte une approche compréhensive situant l’individu dans la pluralité de ses contextes : sportif bien sûr, mais aussi familial, conjugal, amical et scolaire. La thèse défendue est qu’au-delà des propriétés sportives, les carrières et les après-carrières doivent beaucoup à leur dimension sociale et symbolique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889304752
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2023
Rue du Tertre 10
2000 Neuchâtel
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03203
 
ISBN papier : 978-2-88930-473-8
ISBN PDF : 978-2-88930-474-5
ISBN EPUB : 978-2-88930-475-2
 
 
La publication de ce livre a été soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Illustration de couverture : Ex-hockeyeur au travail, photographie de l’auteur.
 
Responsable d’édition : Sandra Lena


Remerciements
C e livre est issu d’une thèse de doctorat qui a déjà fait l’objet d’une série de remerciements. S’y ajoutent ceux concernant plus spécifiquement le projet de ce livre. Je tiens à remercier chaleureusement :
– une seconde fois, les joueurs qui ont répondu au questionnaire et plus particulièrement ceux avec lesquels je me suis entretenu : sans eux, le livre n’aurait aucune substance ;
– Grégory Quin, pour son travail de relecture et pour m’avoir accompagné tout au long des étapes qui ont jalonné le processus d’écriture de cet ouvrage ;
– Inès, pour sa relecture pragmatique et pour m’avoir soutenu avec amour et compréhension durant ce long projet ;
– mes autres relecteurs, Fabien Ohl, Gaële Goastellec, Jacques-Antoine Gauthier, Manuel Schotté, Jérôme Berthoud, Quentin Tonnerre, Philippe Vonnard ;
– les Éditions Alphil, pour avoir accepté de publier mon ouvrage, et plus particulièrement Sandra Lena, pour m’avoir accompagné durant tout le processus éditorial.


Introduction
Comment je trouve mon boulot maintenant ? Ouais, c’est du boulot, y’a pas grand-chose à dire. C’est pas que c’est pénible mais c’est clair que ça change d’avant avec le hockey. Dans le sport tu as des émotions que tu ne retrouves pas ailleurs… en tout cas pas dans le travail. (Armand)
Tout ce que j’ai acquis en travaillant dur pendant ma carrière sportive, je le retrouve maintenant. Les gars des RH ne veulent entendre que ça : esprit d’équipe, gérer la pression, leadership, être prêt le jour J, discipline, avoir mené deux carrières en parallèle… Franchement, à chaque entretien, j’étais 100 % confiant, j’étais sûr qu’ils allaient me proposer un contrat. Parce qu’une carrière normale « uni-recherche d’emploi », ils en voient cinquante… par contre une carrière comme ça, ça leur parle. (Brice)
J’ai vu en travaillant que les gens ne se rendent pas compte la pression que c’est d’être sportif. J’ai plusieurs collègues quand ils ont déjà un dossier sur leur bureau, tu leur rajoutes un dossier, ils paniquent, ils stressent… Alors que nous, avec le hockey, on a appris à gérer ça. (Corentin)
Ce livre cherche à rendre compte des après-carrières des hockeyeurs suisses dans une perspective sociologique. Il paraît cependant difficile d’appréhender l’après-carrière sans enquêter sur ce qu’elle doit à l’« avant ». Comprendre le rapport au travail désabusé exprimé par Armand, la confiance à toute épreuve qui anime Brice ou les supposées qualités supérieures mises en avant par Corentin, impose de saisir au préalable comment ils ont été marqués par l’expérience du hockey sur glace professionnel, à la fois physiquement, moralement et symboliquement.
Que les transferts de compétences de la carrière sportive au monde du travail « ordinaire » soient réels ou imaginaires, la plupart des ex-hockeyeurs professionnels rencontrés semblent avoir développé une très grande confiance dans la valeur de leurs compétences et de leur singularité sur le marché. Ce sentiment est d’autant plus ancré que ces croyances seraient, toujours du point de vue de la plupart des joueurs, également partagées par un ensemble d’employeurs. Nous le verrons dans cet ouvrage, ces croyances ne semblent pas totalement infondées puisqu’à niveau de formation comparable, les hockeyeurs gagnent en moyenne davantage que la population suisse correspondante après leur carrière sportive.
Si la saisie des marchés et des contextes économiques dans lesquels s’inscrivent les carrières et après-carrières des hockeyeurs s’avère nécessaire, la thèse défendue ici est que celles-ci doivent également se comprendre au travers de l’économie symbolique 1 dont l’espace du hockey est le siège. Les travaux traitant des carrières sportives mettent souvent l’accent sur les conditions de socialisation, mais très peu sur les échanges de profits symboliques, en particulier sur les processus de reconnaissance. Or les effets de socialisation doivent toujours être connectés aux formes de gratifications symboliques qui donnent du sens et de la valeur à la pratique du sport. Au cours de leur carrière, les hockeyeurs ont été confrontés à des rapports de travail caractérisés par une forte violence physique et symbolique, mais aussi à une série de valorisations liées à leur statut de hockeyeur. Ces valorisations, issues de l’espace sportif comme extra-sportif, viennent confirmer leur statut, alimenter un sentiment d’élection, donner du sens à leur pratique mais aussi leur donner confiance. Cette économie symbolique laisse des traces dans l’après-carrière. Elle permet de comprendre qu’après la grandeur du temps sportif, certains joueurs passent par une «  épreuve de la petitesse  » (Guiot, Ohl, 2008) ou que d’autres conservent un sentiment de grandeur. Ces effets peuvent donc être néfastes en provoquant un sentiment de déclassement ou en exacerbant les difficultés à mobiliser d’autres registres de valorisation que celui du hockey, mais également bénéfiques en alimentant un sentiment de confiance au travail ou en étant parfois déterminants dans les processus d’insertion.
Les travaux sociologiques portant sur les après-carrières sportives – tout comme les discours médiatiques 2  – se focalisent principalement sur ce que les athlètes doivent abandonner lorsqu’ils se retirent ou plus largement sur ce qui change. L’arrêt de carrière est ainsi associé à une «  déposse(ssion) du capital de prestige  » (Papin, 2007, p. 273), à un «  rétrécissement de [la] surface sociale  » (Guiot, Ohl, 2008, p. 387), voire plus radicalement à une «  petite mort  » (Eisenberg, 2007, p. 71). Sans remettre en question ces constats – partagés pour la plupart –, ce travail vise plutôt à mettre en lumière ce qui ne change pas, ce qui perdure, les traces laissées par la pratique.
D’une part, l’analyse des différentes dimensions de la transition professionnelle des hockeyeurs permettra d’observer l’héritage plus ou moins important du passé sportif : dans les secteurs professionnels pénétrés, les types de postes occupés, le niveau de salaire perçu, mais aussi plus qualitativement au sein des processus de recrutement, du rapport à la nouvelle activité, des modalités d’engagement et du sentiment de compétence au travail. D’autre part, soucieux de ne pas appréhender l’après-carrière uniquement sur le versant professionnel, nous verrons que la manière dont les ex-sportifs sont perçus dans les interactions et les liens extra-professionnels que certains conservent avec le milieu illustre également l’empreinte laissée par le hockey.
Penser les carrières et après-carrières dans leurs multiples configurations
Les conditions de réussite des carrières sportives ne reposent pas essentiellement sur la détention, certes nécessaire, d’un capital corporel – entendu comme l’ensemble des qualités physiques, techniques et tactiques incorporées –, pas plus que sur un talent inné (Schotté, 2012). La conversion du capital corporel en capital sportif – entendu comme l’ensemble des propriétés sportives reconnues (voir encart) – dépend de la reconnaissance à la fois d’un réseau d’acteurs sportifs (dirigeants, entraîneurs, agents, joueurs) et d’un auditoire plus large (médias, pairs, famille, conjoint, employeurs).
S’il entend faire carrière dans l’espace professionnel du hockey, le joueur doit être capable de se positionner sur le marché en se rendant visible et désirable, d’établir et d’entretenir une relation de confiance avec l’entraîneur, de s’intégrer dans une équipe et une organisation, de respecter la hiérarchie et les consignes, d’adopter un comportement conforme aux exigences des organisations, pour ne citer que quelques-unes des conditions nécessaires à la reconnaissance de son capital corporel.
Le même raisonnement s’applique aux après-carrières. À l’exception des métiers qui pourraient mettre directement à profit les compétences physiques, techniques, voire tactiques, le capital corporel est souvent peu mobilisable tel quel après la carrière. Ce sont d’autres qualités qui sont prêtées aux ex-hockeyeurs, celles que les employeurs veulent bien leur reconnaître, celles qu’ils associent plus ou moins à l’expérience du hockey professionnel. Une fois de plus, que leur transfert soit réel ou imaginaire, ce sont surtout les croyances développées à leur égard, leur économie symbolique, qui sont au centre de l’attention. Par ailleurs, et nous le verrons, si les transitions professionnelles sont fortement influencées par la durabilité et la reconnaissance variable des carrières sportives – autrement dit par le volume de capital sportif détenu –, elles ne sont jamais indépendantes des autres ressources des joueurs et des contextes professionnels d’insertion.
 
 

Le capital sportif
Les sociologues du sport se sont saisis de la notion de capital sportif en explorant, à raison, ses différentes dimensions. La plupart des travaux appréhendent le capital sportif comme une forme spécifique de capital culturel ; ce dernier peut ainsi être décliné à l’état objectivé, institutionnalisé et incorporé (Forté, Mennesson, 2012). À l’état objectivé, il renvoie à des supports matériels comme des articl

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