Vices et vilénies d aujourd hui
96 pages
Français

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Vices et vilénies d'aujourd'hui , livre ebook

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Description

Dans ce livre, la bonté n’a pas de place. Le postulat, c’est que, sur terre, les hommes sont pleins de méchanceté. Les vicieux et les vilains s’en donnent à cœur joie.
Quinze nouvelles, qui sont parfois des contes, illustrent sur le ton de l’humour leurs principales infamies. Leurs méfaits sont mis en scène avec une aversion jubilatoire et sont donc vigoureusement dénoncés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 avril 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414216086
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-21606-2

© Edilivre, 2018
Xénophobie et sexisme
Je suis Marjorie, une poule bourbonnaise. Dans mon élevage, nous sommes toutes de la même race et je crois que c’est mieux ainsi. Nous sommes une vingtaine de consœurs, toutes des poules blanches d’un plumage élégant, joliment herminé de noir.
Très bonnes pondeuses, nous tournons autour de 200 œufs par an. Nous produisons toute l’année, un peu moins en hiver, quand les jours raccourcissent, mais toute l’année quand même. Une des plus jeunes, Pimprenelle a atteint 234 œufs l’an dernier. Il faut dire qu’elle souffre d’une légère surcharge pondérale : elle avoisine les 3 kilos, poids plus que respectable pour une poule du Bourbonnais.
Nous sommes gouvernées par un coq de la même race nommé Alfred. Il est un peu vieux, Alfred avec ses 13 ans. De temps en temps, il oublie de se lever à l’aube pour chanter, il faut que nous lui secouions un peu les puces et les plumes. Avant qu’il ouvre l’œil, nous faisons semblant de dormir pour qu’il croie s’être réveillé avant nous autres. Parfois, il se met à vocaliser à trois heures de l’après-midi en sortant de sa sieste. Le fermier le regarde avec un air navré en se tapotant le front avec son index. Mais malgré tout, nous l’aimons bien notre Alfred.
Nous sommes très bien installées. Le poulailler est vaste, clair et confortable avec une vue sur la forêt et les prés. Vingt mètres carrés par poule : Alfred est très vigilant sur le respect des normes européennes. La pièce est divisée en trois : les perchoirs, les nids, les mangeoires. Nous avons une véritable crèche : c’est une espèce de grande caisse en bois où nos poussins sont élevés en tribu. Les humains ne s’y retrouveraient pas, mais nous nous reconnaissons notre progéniture au premier coup d’œil.
En bonnes poules, nous dormons sur les perchoirs. Le mien est situé à côté de celui d’Alfred. Les nuits sont douces, sauf quand il ronfle un peu.
Dès le matin, nous bavardons avec les copines. Puis nous allons prendre des nouvelles de nos poussins. Chacune emmène les siens à la promenade après le petit déjeuner. Mon amie Cunégonde et moi aimons à balader nos petites familles ensemble. Cunégonde a toujours des histoires marrantes à raconter. Il est difficile de lui rabattre son caquet. Si elle savait écrire, elle aurait une belle plume.
L’enclos, bien pourvu en verdure, est large et correctement protégé. Parmi les poules, la crainte du renard circule de génération en génération. Lorsque nos enfants s’écartent un peu de leurs congénères, la plupart d’entre nous s’écrient : « Gare au goupil ! » Et le récalcitrant, apeuré, rejoint aussitôt la petite troupe. Il faut que je fasse attention à mon dernier, Hector. C’est un poussin ravissant avec une tâche noir sous le cou dont il est assez fier. Mais c’est un garnement : son jeu favori, c’est de se précipiter sur ses frères et sœurs en hurlant : « Voilà le renard ! ». J’ai dû lui expliquer plusieurs fois qu’il est dangereux de crier au loup sans raison. Enfin… au renard, c’est pareil.
Nous sommes très respectueuses d’Alfred. Il suffit de le flatter en admirant son plumage multicolore ou de lui dire : « Vous avez une mine rayonnante ce matin, Alfred ! ». Il ne se sent plus d’aise et est alors ravi de prouver sa force et sa virilité en vous rapportant quelque vermisseau pour votre déjeuner. Il est prétentieux comme tous les coqs, mais il a un bon fond. En un mot, nous vivons sous un régime un peu monarchique, mais en prenant le temps de gérer le « patron », nous formons une collectivité stable et heureuse.
Bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des poulaillers, jusqu’à ce que le fermier ait l’idée saugrenue, le mois dernier, d’introduire dans notre société une petite poule rousse nommée Clémentine. C’était en quelque sorte une immigrée. Notre surprise fut totale. Alfred fit remarquer amèrement qu’il n’avait même pas été consulté.
La nouvelle venue nous apprit qu’elle était de la race des Contres. Devant notre mine ébahie, elle nous enseigna que Contres est un village du Loir-et-Cher. Bien entendu, personne n’a osé demander ce qu’était le Loir-et-Cher. Alfred affecta l’air de celui qui connaissait très bien le Loir-et-Cher, mais je suis bien certaine qu’il n’en avait aucune idée.
Avec le sens des responsabilités qui le caractérise, Alfred prit à contrecœur la décision qui s’imposait. Il ordonna que l’on fasse une place sur les perchoirs et dans les nids à la nouvelle venue. Dans son immense mansuétude, il dit qu’il fallait accepter la différence et qu’il entendait bien que l’on ne se conduise pas comme des bêtes sauvages. Je trouvais très beau qu’un coq puisse exalter l’enrichissement des rencontres interculturelles entre collègues venues d’horizons divers. Alfred fit faire le tour du propriétaire à Clémentine, en vantant la qualité de vie qu’il avait su installer dans son « royaume ». La poule rousse ne s’intéressait absolument pas aux magnifiques discours d’Alfred, lequel s’écoutait parler sans s’apercevoir qu’il était le seul à apprécier ses paroles. À son air sournois, nous pressentions déjà que Clémentine allait nous créer des soucis.
Les jours suivants confirmèrent nos craintes. Nous rendîmes très vite compte que Clémentine ne s’adaptait pas à notre communauté et qu’elle n’avait surtout aucune intention de se laisser amadouer par l’attitude d’Alfred qui faisait pourtant preuve de la plus agréable des amabilités à son égard.
Elle rencontrait les unes et les autres dans tous les coins de notre enclos pendant une bonne partie de la journée. Lors de ces discussions, elle gloussait souvent en prenant de grands airs mystérieux. Même Alfred s’étonna de son manège.
Un matin, Clémentine nous entreprit, ma copine Cunégonde et moi-même. Elle nous expliqua en détail que dans le Loir-et-Cher, il y a longtemps que les poules n’admettaient plus l’autorité des mâles et qu’il fallait lutter pour obtenir l’égalité entre les poules et les coqs. Des siècles de domination masculine, cela suffisait : il fallait prendre le pouvoir. Nous étions encore trop serviles avec Alfred, nous devions changer tout ça rapidement. Elle nous apprit que, dans le Loir-et-Cher, c’était les coqs qui promenaient les poussins après le petit déjeuner, avant de faire le ménage dans le poulailler. En un mot, les poules rousses de Contres étaient des poules féministes.
Cunégonde et moi-même, nous nous regardâmes comme deux poules qui venaient de découvrir un couteau. Cunégonde expliqua qu’Alfred était un coq très sympa et que nous n’avions aucune raison de nous révolter contre une autorité qu’il n’exerçait d’ailleurs jamais. De plus, Alfred était très courtois : il nous apportait fréquemment le déjeuner au nid. Je tentais de convaincre à mon tour la poule rousse qu’il suffisait de faire croire au roi qu’il était roi pour avoir une paix… royale.
La poule Clémentine haussa les ailes et nous traita d’aliénées. Elle ajouta qu’avec elle, ça n’allait pas se passer comme ça et qu’elle en avait maté de plus gros. Elle nous convoqua pour une « AG » à 14 heures pour avoir un vrai débat démocratique sur toutes ces questions. Nous fîmes semblant de savoir ce que c’était qu’une « AG ».
Elle nous réunit toutes, en effet, l’après-midi même. Son discours fut enflammé : désormais, nous n’avions aucune révérence à faire devant Alfred, nous devions retrouver notre dignité de femmes et ne plus accepter la suprématie masculine. D’ailleurs, il n’est écrit nulle part que nous ayons besoin de coq. Le coq avait essentiellement une fonction de réveille-matin que les poules pouvaient très bien assumer toutes seules.
Alfred qui venait d’ouvrir un œil après sa sieste faillit se trouver mal. Devant tout le poulailler, il mit carrément la poule rousse au défi de réveiller les alentours aussi bien qu’il le faisait chaque matin. Clémentine ne se démontant pas répondit qu’elle pouvait chanter avec autant de force qu’un coq. Alfred rétorqua qu’il aimerait bien entendre ça.
Le lendemain, la tension atteignit son comble. Nous nous réveillâmes avant l’aube ce qui est tout de même assez rare dans le monde des poules. Il était convenu que la poule rousse allait suppléer Alfred dans ses vocalises matinales. Enfin… essayer. À l’heure dite, nous étions dehors, en cercle autour de Clémentine pour assister à cet exploit. La poule rousse se concentra, prit son élan et s’égosilla lamentablement dans un borborygme incompréhensible et surtout inaudible à plus de trois mètres. Alfred se détourna dédaigneusement :
– Pff… Consternant !
Les jours suivants, le ton monta encore et la situation devint grave. Alfred dit qu’on venait de déshonorer le poulailler aux yeux et surtout aux oreilles du village. Dans toute sa carrière, il n’avait jamais assisté à quelque chose d’aussi ridicule. Il déclara que son métier ne supportait pas l’amateurisme. Il était sûr que son collègue Raoul, de la ferme voisine devait bien rire de lui. Alfred resta obstinément sur son perchoir et s’abstint de chanter.
C’était la première fois que nous devions faire face à une grève de coq. Mes amies et moi-même, fortes des leçons apprises de Clémentine, nous nous réunîmes en « AG » pour prendre des décisions.
Ce soir-là nous refusâmes de rentrer au poulailler en exigeant le retrait de la poule rousse. Cunégonde était devenue le leader de notre mouvement de résistance. Elle se chargeait de trouver des slogans de manifestations : « Je suis contre les Contres » fit un vrai tabac parmi nos camarades. Les poussins, sentant l’ambiance se détériorer, piaillaient de plus en plus fort. Même les moutons du pré d’à côté vinrent s’informer de la situation en bêlant à travers le

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