Les Boules de Bâmiyân
154 pages
Français

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Les Boules de Bâmiyân , livre ebook

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Description

C’est l’histoire, pas banale, d’un pauvre petit vétérinaire
qui devient multimillionnaire en opérant un chien.
Mais il faut quand même ajouter que ça a beaucoup saigné...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414012282
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-01226-8

© Edilivre, 2017
1 Saloperies de sangliers
Allez, cool, mec ! Prends le temps d’en fumer une. Il respire bien, et il n’y a plus que cette longue balafre cutanée à refermer.
J’ai été m’asseoir et vite j’ai allumé une de ces Gauloises dont la présence permanente à portée de la main m’est aussi indispensable que le peu d’oxygène que mes poumons arrivent encore à inhaler.
J’ai regardé mes mains badigeonnées d’un mélange de sang et de teinture d’iode, et je les ai remerciées d’avoir, une fois de plus, réussi à réparer ce chien qui, dans huit ou dix jours, pourra repartir au cul d’un autre sanglier. Ce n’était pourtant pas gagné au départ. Ce grand con de Jeannot me l’avait amené avec un de ses compagnons de chasse, au creux d’une vieille couverture dont ils tenaient chacun deux coins. Tout le flanc droit était ouvert, et la masse rosée d’un poumon agrémentée de feuilles de chêne aux couleurs de l’automne et d’aiguilles de genévrier prouvait que le cochon avait bien utilisé ses crochets avant l’arrivée des hommes. C’était le genre de cas qui ravivait mon goût pour la chirurgie et remettait en place tous mes anciens réflexes. Ces deux vieux chasseurs étaient toujours ensemble et ne rataient jamais l’occasion de sortir une ânerie du genre : « Tu crois que c’est le poumon ? ». Ce qui me permettait de rester dans le même registre et de répondre : « Juste derrière l’épaule, c’est rarement la vessie ! ». Mais en fait j’adorais ce genre de relations toutes simples où on se tutoyait et où personne ne se prenait au sérieux. Quel changement par rapport à mon ancienne clientèle parisienne ! Une fois les chasseurs mis à la porte sans ménagement, les gestes s’enchaînaient automatiquement jusqu’à cette dernière étape sans grand intérêt et qui me permettait de prendre le temps de m’intoxiquer un peu plus en grillant une des dernières de ce paquet entamé ce matin.
Il était presque 14 heures quand j’eus fini de me laver les mains après avoir installé le chien dans une de mes cages, nettoyé et mis à stériliser tous les instruments, remis en état la pièce et la table sur laquelle je venais d’opérer. En ce dimanche de début novembre, il y aurait sûrement d’autres accidents de même origine compte tenu du nombre de sangliers qui hantaient les collines de l’arrière-pays et de la rage des paysans ou viticulteurs du coin pour tout exterminer. J’espérais seulement que la mère Michel aurait encore une bricole à me faire manger. J’avais faim. Je ramassais ma veste et mon portable et après un dernier coup d’œil sur mon opéré, je fermais ma boutique.
« Mets-toi près de la cheminée et commence par me goûter cette terrine. Veux-tu un quart de rosé comme d’habitude… »
J’ai acquiescé d’un signe de tête et allumé une Gauloise. Il n’y avait que deux hommes près du petit comptoir, en train de boire le café et la goutte. Je les connaissais de vue mais ce n’était pas des clients. J’aimais cet endroit. Toute petite salle aux murs couverts de petits tableaux plus vilains les uns que les autres, sans doute ramassés dans les vide-greniers de la région. Des assiettes décorées aussi, et des bouquets de fleurs séchées. Tous ces trophées suspendus en désordre ne laissaient plus voir la peinture craquelée des murs qui les portaient. L’ensemble était aussi affreux et aussi sympathique que la patronne. C’est Pepe, mon ami gitan, qui m’avait amené dans ce boui-boui à l’entrée du village. Il y venait souvent le soir et jouait sur sa guitare des airs tristes à pleurer. Même quand il n’y avait aucun client susceptible de lui abandonner une ou deux pièces. Il jouait pour jouer, pour son propre plaisir et jamais la mère Michel ne le priait d’arrêter et de regagner sa roulotte installée dans les dunes. Je lui avais demandé, la première fois, si « la mère Michel » était le vrai nom de la dame chez laquelle il m’emmenait. Il avait éclaté de rire et m’avait dit : « Tout le monde l’appelle comme ça ! Tu verras, c’est Michel Simon, en pire ! ».
Effectivement, l’aspect de cette femme n’avait rien de banal. Elle était âgée, sûrement dans les soixante-dix ans, si ce n’est plus, obèse à se demander comment elle réussissait encore à se déplacer. De son éternelle robe grise recouverte d’un grand tablier en épaisse toile bleu, ne dépassaient que des avant-bras monstrueux et des bas de jambes gonflés d’œdème qui retombaient sur des pantoufles sans âge. La moitié gauche paralysée de son visage et l’œil toujours fermé du même côté étaient plus ou moins recouverts par des cheveux gris-jaunâtre qui descendaient jusqu’à ses épaules. Telle était Madame X. dite la mère Michel. Personne ne se souvenait de la date de son arrivée dans ce petit village des bords de la Méditerranée. Personne ne l’avait vue ni grossir, ni vieillir. Elle était ainsi de toute éternité. Et le plus surprenant, c’est que tout le monde l’aimait. Il se dégageait de ce corps difforme une bonté, une générosité, une certaine noblesse qui forçaient le respect. Aucun enfant du village n’osait se moquer d’elle les rares fois où on la rencontrait ailleurs que dans son petit troquet. Sa voix était douce ; elle parlait lentement un français d’une étonnante correction et il lui arrivait, à partir d’un mot banal, de réciter une tirade en vers qu’elle offrait à son client en la terminant d’une révérence comique. C’était le plus souvent Pepe qui faisait chaque matin ses courses et qui complétait ce que les pécheurs, les chasseurs et les maraîchers du coin venaient lui apporter.
J’essayais d’imaginer la vie de cette femme en sirotant un peu de mon rosé et en l’observant devant le petit four à pizza où une entrecôte finissait de griller. Tout ce qu’elle cuisinait était parfait et souvent, le dimanche midi, elle refusait des couples de citadins venant des villes voisines et n’ayant pas réservé une de ses sept ou huit petites tables.
Je terminais juste mon café et la part de tarte aux pommes qui avaient suivi la grillade lorsque mon portable a sonné. J’ai mal compris ce que ce client me baragouinait en mauvais français mais il en résultait qu’un chien mal en point attendait devant ma porte.
J’ai envoyé un baiser en direction de mon hôtesse : « Je te paierai demain », « Viens avec Pepe demain soir, je vous préparerai deux loups magnifiques. Bon courage ! » et, cigarette au bec, j’ai attaqué les trois cents mètres qui me séparaient de la placette où s’ouvrait mon « épicerie ». Malgré le soleil, il faisait froid et on ne voyait personne dans les jardins des petits pavillons tous identiques qui, des deux côtés de la rue, envoyaient vers le ciel leur petit panache de fumées bleues.
2 Un braque, un dimanche
Un type longiligne, très bronzé, enveloppé dans un manteau de cuir noir, attendait devant ma porte.
– C’est vous le docteur ?
– Si… vous voulez ! J’avais failli le tutoyer, mais manifestement ce n’était pas quelqu’un du coin et il n’était pas au courant de ma nouvelle façon de traiter les gens et toutes les choses de la vie.
– Chien mal, très mal… vous obligé remettre sur pied.
– Je n’aime pas bien le mot « obligé » ! Où est-il ?
– Dans voiture. J’amène.
J’ai ouvert ma porte, enlevé mon blouson, enfilé la blouse de ce matin encore tâchée de sang et je suis passé dans mon arrière-boutique voir mon opéré qui se remettait prudemment sur ses pattes et commençait à remuer sa longue queue.
Quelques minutes après, le type a déposé sur ma table d’examen un très beau braque allemand à demi inconscient, la gueule pleine de bave et de vomi.
– Faire radio, a avalé quelque chose… Faire vite, deux jours comme ça. Obligé. Demain moi et chien obligés à Arles. Tout bien guéri. Obligé. Moi payer.
– Je n’ai pas de radio et n’en ai nul besoin.
J’ai regardé les muqueuses oculaires du braque joliment violacées ; j’ai pris un gant en latex, l’ai enduit d’un peu de vaseline et introduit dans un rectum vide et collant ; j’ai doucement palpé le ventre dur jusqu’à provoquer un petit gémissement, et j’ai pu dire :
– Il y a une occlusion de l’intestin ; je vais l’opérer ; venez le récupérer demain matin après dix heures.
– Non, je quitte pas et je reprends. Tout de suite opération.
– Monsieur, vous commencez à me casser sérieusement les couilles ! Dans cette pièce je ne fais rigoureusement que ce que j’ai envie de faire. Ou vous faites ce que je viens de vous demander, ou vous reprenez votre clébard et vous vous trouvez un autre véto. O.K. ?
Mon nouveau client est devenu tout pâle. Mâchoires serrées et ses yeux noirs fixés sur les miens, il a posé ses deux mains à plat sur le chien, puis au bout de quelques secondes, il a réussi à se calmer et m’a dit :
– OK ; demain 10 heures, et vous rendre lui vivant. Obligé.
Il est sorti comme une fusée et j’ai entendu une voiture démarrer.
J’ai donné un tour de clé à la porte. Il m’a fallu un bon moment pour me détendre et mes mains tremblaient en allumant ma cigarette. J’ai bien cru qu’il allait me foutre son poing dans la figure… Puis j’ai préparé et mis en place une perfusion, commencé l’anesthésie, installé le chien sur le dos et tondu toute la zone ventrale.
J’avais tout nettoyé, mis une blouse propre, étalé mes instruments sur l’assistant muet et je commençais l’incision cutanée quand la porte de derrière s’est ouverte et qu’est apparue la belle Chantal.
– Salut mon cœur ! Il vient de partir jusqu’à mercredi. Ce soir je dors chez toi, tra-la-la, Tu l’ouvres ? Je t’aide ? Qu’est-ce que c’est ?
– Salut ma belle ! Corps étranger dans le grêle, ça va aller. Ça ressemble à un noyau de pêche mais ce n’est pas bien la saison. Surveille juste la perf…
Chantal c’est mon assistante occasionnelle. C’est aussi ma maîtresse tout au

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