Le Désordinaire
240 pages
Français

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Le Désordinaire , livre ebook

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Description


Hector Combin est un imbécile né, méprisé des autres. Peu loquace et renfermé, il a pourtant trouvé à se marier et à avoir une ravissante fillette.


Un jour de 1914, après avoir reçu un choc à la tête, il devient intelligent et commence à avoir des réflexions qu’il n’avait jamais eues, à prendre conscience des choses. Il se confie à sa femme, mais préfère ne rien dire à son entourage, surtout face à l’histoire qui se profile et à la perspective de partir à la guerre, les imbéciles restant à l’arrière.


Mais face aux blessés de guerre, face à ses connaissances qui reviennent en piteux état, sa conscience le laissera-t-elle en paix ? Que feriez-vous dans sa situation ?


Malgré le contexte tragique, Hector est un personnage truculent, qui saura vous faire sourire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 novembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414297092
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-29710-8

© Edilivre, 2018
Chapitre Un
Paris mai 1914
Non mais regardez-le ce bougre-là ! Lorgnez-le en train de me passer un savon. Il couine comme un cochon que l’on égorge, s’époumone, vitupère, postillonne à profusion. Ses veines se gonflent ; il va bien exploser l’imbécile ! J’aperçois, au travers d’une veine extérieure, le sang qui va irriguer son cerveau qui doit être de la grosseur d’un petit pois, rouge, aviné le légume, à peine soupçonnable. Quel ivrogne, quel crétin ! Il beugle. Ses yeux sont injectés d’hémoglobine et sortent presque de ces sales d’orbites. Le tonitruant est violet et rouge et gris, hurle sans s’arrêter jusqu’à que je baisse les yeux… comme d’habitude. Jusqu’à ce que je m’aplatisse… comme une merde môle, une chiasse confie d’exotisme. La peur… la peur de perdre ce boulot de merde… boulot merdique mais salutaire, boulot… boulot… boulot… et puis non ! Il faut que je relève les yeux. Je dois le regarder dans le blanc ou plutôt le jaune de ses mirettes injectées de sang, le sien, celui qui véhicule l’intempérance et la stupidité. Tiens, il a les yeux sales, cela ne m’étonne pas ! Il pue, empeste la transpiration, la connerie, et son haleine cruelle attaque sérieusement mes narines. Ah ! Si je pouvais lui déverser dans la gueule une boîte complète de tranquillisants, il mollirait forcement. Sa bouche deviendrait pâteuse, ses lèvres charnues tomberaient comme ces poires en fin d’été, juteuses et molles.
Mais ? Mais ? Que m’arrive-t-il à moi le simplet de toujours ? Je me rebelle ? Intérieurement du moins. Moi qui, de coutume, essuie les engueulades comme un pauvre bougre de bistroquart essuie son comptoir à la fermeture, je me rebelle ? Mes rares neurones qui se cachent à longueur d’année et encore plus au moindre haussement de ton, là elles restent sur le pont ? Vaillantes et… Mais ma parole, suis-je devenu intelligent ? Oui intelligent ! Ces mots que je viens de penser, je ne les avais qu’entendus de-ci de-là et maintenant je les comprends ! Je m’en sers pour raisonner ! J’ai, dans mon brouillard passé, tout retenu de ce que j’ai entendu ? Mais c’est formidable ce qui m’arrive !!!
Depuis hier quelque chose a changé en moi. La chose, car je l’appelle ainsi, est venue lentement depuis que je suis tombé sur la tête, après qu’un connard d’automobiliste avec son beau tacot de merde m’a renversé puis engueulé. J’ai changé : le courage, l’intelligence, ces deux caractères que je n’ai jamais eus sont-ils sortis de leurs cachettes comme un diable de sa boîte ? Enfin peut-être, je ne suis encore sûr de rien après tout. Peut-être que dans deux secondes tout va redevenir flou, mou, incohérent ?
Et le Fernand qui beugle toujours et encore… encore et toujours. Il rapproche nettement sa trogne vérolée et irrespectueuse de la mienne, comme d’habitude. Mais là, j’ai envie de rire… Oui ! de rire et de lui faire exploser ses chicots pourris, de lui coller une rouste rigoureuse et musclée à grands coups de poings, de bottes, de tête, de tout. J’ai le désir de l’exploser mais, je ne dis rien… je ne fais rien, je dois me contenir. Réfléchir avant d’agir. Voilà mon nouveau credo. Pourquoi dis-je nouveau ? Je n’ai jamais eu de credo ? Jamais eu d’ambition ? Juste de la bêtise pur jus avec une bonne dose de veulerie et une nappe de brouillard épais recouvrant mes maigres pensées flottantes.
Enfin le tordu se calme et va rejoindre son bureau tout en dodelinant avec sa grosse tête… son bureau de chef, chef de mes deux oui ! Je me remets à visser mes boulons, des tonnes de boulons, des montagnes de boulons. Dans ma vie j’ai fixé des milliards de boulons. Petits boulons, gros boulons à têtes plates, cylindriques, coniques, boulons de merde, chierie de travail. C’est sûrement la répétition du même geste qui a fini d’éteindre mon pauvre cerveau déjà vacillant. Mes collègues me regardent, se foutent de ma gueule, rient sous cape ou bien ouvertement. Ces enfoirés ont constaté que je n’ai rien dit, que je me suis écrasé comme d’habitude.
La sonnerie retentit, stridente et libératrice à la fois. C’est l’heure de cesser le boulonnage effréné. C’est le moment du pastis pour certain, d’aller faire les courses pour d’autres, de retrouver leur chère et tendre pour la plupart et leurs mioches qui doivent brailler en les attendant. Moi, j’enfourche mon vélo et je rentre dans mon quatre pièces. Je vais aller écouter les pépiements de ma femme. Elle va encore me raconter sa journée en long, en large, et en travers avec moult détails. Nadine, mon épouse, travaille à la filature, surveille la bobineuse qui enroule des kilomètres de fils à longueur de journée et… elle parle, parle, parle sans cesse, un vrai moulin à paroles. Je pense qu’elle m’a épousé parce que j’étais le seul à l’écouter sans lui couper cette parole qu’elle déverse à profusion. Moi je l’aime ma Nadine, avec son popotin trop gros qui fait sourire les honnêtes gens, ses lèvres trop fines, son menton trop… D’ailleurs chez Nadine tout est trop ou pas assez, c’est à croire que le juste milieu lui est passé sous le nez dès la naissance.
Ma femme est en train de ranger des conserves dans la cuisine. Il faut toujours qu’elle s’occupe, tout en jactant bien sûr et moi je lance des « oui » des « non » de temps en temps. J’acquiesce, je compatis et tout à coup, quatre mots sortent de ma bouche, une phrase violente que je ne lui ai jamais dit : « Ferme ta grande gueule ! »
Nadine s’arrête, une boîte de petits pois à la main. Ses yeux s’arrondissent, sa bouche s’ouvre aussi vaste qu’une caverne, ses mains tremblent, les petits pois avec :
– Hector ? Que… Que t’arrive-t-il ? Pourquoi es-tu si grossier ?
Et là je balbutie, je cherche mes mots, surpris par ma propre bassesse.
– Je… je ne sais pas, j’en avais assez de t’entendre. C’est vrai quoi, tu parles tout le temps !
– Mais tu m’as toujours écoutée sans rien dire, que t’arrive t-il ?
– Hier je me suis fait renverser par une automobile. Il y en a de plus en plus sur les boulevards, rien de grave mais j’ai reçu un petit choc à la base du crâne. Je n’ai ressenti aucune répercussion jusqu’à cet après midi. Figure-toi que le Fernand m’engueulait pour je ne sais quoi d’ailleurs. Il passe souvent ses nerfs sur ma fiole et là ! tiens-toi bien Nadine, j’ai failli riposter, lui en coller une. Dans mon cerveau, c’est comme si une brume s’était levée. J’y vois clair Nadine, je comprends tout, je devine tout, on dirait que je suis devenu intelligent… est-ce un bien ?
– C’est vrai que tu parles beaucoup et même très convenablement mais si c’est pour me dire des saletés, cela ne doit pas être un bien.
Nadine se tait un instant. Visiblement elle est choquée et ne comprend pas ce qui m’arrive, moi non plus d’ailleurs car je n’ai jamais pu aligner cinq mots à la suite sans que le sixième trébuche et se coince dans ma gorge. Puis elle reprend, l’air inquiet :
– Je trouve ça bizarre, tu veux aller voir le docteur Mabusse ?
– Tu as raison, je ferais peut-être bien de consulter le Mabuse, comme je l’appelle, excuse-moi pour… Enfin tu sais bien.
Sur ce, je décampe et j’enfourche une nouvelle fois mon vélo. En avant ! En avant ! Je pédale vers le Mabuse et là, en cours de chemin, qui vois-je ? Le Mahusier, ce grand con de Mahusier qui m’a toujours emmerdé, de la maternelle jusqu’au primaire et même au catéchisme. Celui qui me déculottait à la récré, qui me faisait saigner le pif mensuellement et qui a toujours profité de ma faiblesse. Le Mahusier, grand et fort comme un bœuf avec le même pois chiche que j’avais à la place du cerveau. Il est là, devant moi, traverse la rue en chaloupant et m’aperçoit. Il se campe au beau milieu du passage. Deux ans que je n’ai pas vu sa tête de bovin.
– Mais qui vois-je ? Hector Combin, mon copain Hector, alors mon gars toujours aussi con ? me lance t-il tout en commençant à se bidonner, ce qui fait onduler ses misérables poignées d’amour et relever sa moustache en forme de guidon de vélo.
– Oui, lui répondis-je du tac-au-tac tout en freinant et me rapprochant du gros lourdaud. Toujours aussi con et toi ?
– Et moi quoi ? me dit-il l’air déjà mauvais.
– Oui toi, tu es toujours aussi ignoble ? Toujours aussi mauvais et aussi bête qu’une poule ? d’ailleurs tiens, tu me fais penser à ces gallinacés, petite tête gros cul.
Il n’en revient pas le Mahusier. Il rougit, se dresse sur ses ergots, claque du bec, il va gueuler, une avalanche d’insanités vont sortir de sa gueule ou plutôt de son bec.
– Tu oses me répondre, fiente de rat ! trou du cul ! Attends un peu tu vas voir !
Et là, l’énorme fait partir son poing en direction de mon museau de rieur. Oui je ris, mais l’homme n’est pas leste, il est lourd, donc prévisible et j’évite facilement le gnon qui m’était destiné. J’esquive tout en souplesse et descends de mon vélo. Lui recommence, il veut me démonter, me défoncer le pif, mais j’esquive encore, j’esquive jusqu’au moment où, bien placé, je lui balance un bon coup dans ses joyeuses qui deviennent tristes sur le coup. Le Mahusier devient blanc, s’affale sans un mot après avoir craché un « ouch » de douleur et de surprise : les yeux étonnés, la bouche ouverte, l’air hébété. Lors du choc, ses œufs n’ont dû faire qu’un tour. Puis il vomit, de sa grande gueule sort le repas de midi. Il a bouffé du cassoulet le porc et le répand sur la chaussée sous l’œil dégoûté des passants. Au loin j’aperçois un perdreau tout de noir vêtu, moustache au vent, qui attrape son sifflet. Alors je profite de la faiblesse du colosse et de la lenteur du gendarme. Je reprends mon vélo et pars en sens inverse, tourne autour du pâté de maisons et retrouve le boul

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