La Saga du slip
316 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La Saga du slip , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
316 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

A travers la première moitié du XXe siècle, l'épopée burlesque d'une famille du Nord de la France qui bâtit, à coups de malentendus et de quiproquos, un empire de la confection de sous-vêtements pour homme.

De l'amour, de l'aventure, de l'humour et l'opportunité de considérer d'un œil nouveau quelques événements majeurs de notre Histoire nationale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 avril 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332707901
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-70788-8

© Edilivre, 2014
I Où tout a commencé, et aurait pu finir aussi sec
Emile et Eve Balleck ont fait fortune dans l’industrie du slip. Rien ne les prédestinait à si glorieuse ascension sociale.
Ils étaient nés en 1906 dans une petite bourgade rurale proche de la frontière belge. Alentour, un paysage plat et gris clair déchiré par les terrils anthracite, les haies vert triste le long des champs et les éclairs blancs les jours de pluie. Foureuges-la-Bézache, îlot de deux cents âmes perdu au milieu d’un océan de céréales, fleurait bon la vie de village. La rue principale bordée par les maisons en brique rouge à un étage ; la place de l’église dominée par le clocher décati ; le marché itinérant deux fois par semaine ; l’épicerie et la boulangerie, plaques tournantes de l’économie locale dont les gérants étaient maire, premier adjoint et cousins ; la communale et son instituteur socialiste à la moustache en pointes ; les ribambelles d’enfants qui couraient l’école buissonnière pour aider aux travaux des champs ou poser des pièges.
Faute de mercerie, Foureuges-la-Bézache ne pouvait s’enorgueillir d’un cachet aussi bourgeois que son voisin Foureuges-sous-Barbon. Sa situation en lisière des bassins houillers lui conférait cependant une qualité de vie supérieure. Le travail à la mine n’était pas une fatalité pour les hommes. La majorité des familles vivait d’une production agricole qu’elle écoulait dans les environs. Les fameuses betteraves Foureugeoises, mais aussi les chicons, truches 1 , rutabagas, topinambours et autres tubercules, sans oublier les cucurbitacées aux consonances poétiques : pâtisson, potimarron, courge musquée… Autant de feux d’artifices pour le palais et, si l’on n’y prenait garde, le fond du pantalon.
La distillation de spiritueux s’affirmait aussi comme une activité florissante. Les bouilleurs de cru et alambiqueurs clandestins prisaient surtout les alcools de patate et de betterave, qu’ils écoulaient indifféremment en guise de boisson ou de carburant. La loi en restreignait la consommation au strict cadre familial, mais l’entraide payante était tolérée par les autorités locales. Très diligents, les gardes-champêtres ponctionnaient de généreux échantillons à intervalle régulier. Officiellement, ils procédaient à des tests sanitaires. Chacun se satisfaisait des termes de l’échange, qui cautionnait l’artisanat local tout en protégeant la santé publique. Cela n’avait pas empêché la communauté d’être ébranlée à plusieurs reprises par des cas sévères de coma éthylique, en majorité parmi les gardes-champêtres. Mais personne n’était mort, ce qui démontrait a posteriori l’efficacité incontestable des contrôles.
La foire à la betterave, inébranlable institution du premier week-end de septembre, s’imposait comme le point d’orgue de la vie culturelle locale. Les habitants y emmagasinaient assez d’anecdotes pour alimenter les conversations jusqu’à l’année suivante. Il faut dire que la plupart d’entre eux n’avaient jamais dépassé la « grand-route », un chemin vicinal goudronné en 1919 à la faveur de la reconstruction. Il autorisa dès lors le croisement frontal d’une charrette et d’une automobile, événement rarissime qui, les premières années, suffisait à déplacer les foules.
Un village très paisible donc, où le calme supplantait allègrement le luxe et la volupté. C’est sans doute en pensant à Foureuges-la-Bézache qu’aujourd’hui encore les sociologues évoquent l’Esprit de clocher, les politiciens la France d’en bas et les touristes égarés le Trou du cul du monde.
Au cœur de ce microcosme, entre gueules noires et gueules de bois, tout le monde se connaissait. Impossible d’aligner deux pas hors de chez soi sans être immédiatement repéré, reconnu, le plus souvent hélé et tout aussi souvent, invité à boire un canon. Pourtant, malgré cet environnement propice aux rencontres, les chemins d’Emile et Eve tardèrent à se croiser.
La famille d’Emile était l’une des plus riches du village. Toutes proportions gardées, on peut dire que les Balleck appartenaient au cercle restreint des notables de la région. Leur domaine s’étendait sur près d’une cinquantaine d’hectares plantés de céréales, ce qui en faisait la deuxième exploitation du canton. L’imposant corps de ferme, avec son écurie, son poulailler et son étable, s’organisait autour d’une vaste cour en terre battue que jouxtait un bois de hêtres. Avec une pointe d’orgueil, les Balleck avaient coutume de désigner ce bois comme la « forêt » du domaine ; au village, on le qualifiait plutôt de bouquet, voire de touffe. Cette différence d’appréciation mise à part, tous convenaient que la propriété combinait avec bonheur lustre champêtre et caractère. La patine du temps avait fait son œuvre sur les pierres apparentes et la charpente aux poutres massives. L’intérieur était au diapason. L’ameublement, rustique mais de bon goût, avait été hérité de la branche wallonne de la famille.
Source d’admiration, parfois de jalousie, cette aisance matérielle était confortée par le crédit moral dont jouissait la famille. Elle le devait à un acte de bravoure du grand-père Justinien lors de la défaite de Sedan, en septembre 1870. Tout le village connaissait l’exploit grâce à un procédé mnémotechnique infaillible. Dans la conscience collective Foureugeoise, 1870 était la seule année d’annulation de la fête à la betterave.
Simple fantassin, Justinien Balleck chargeait l’ennemi baïonnette au canon lorsqu’une salve de mitraille de gros calibre lui emporta le bras droit et le fusil avec. Abasourdi par le choc mais trop surpris pour réaliser le tragique de la situation, il courut ramasser son arme, le bras arraché toujours arrimé à la crosse, et reprit l’assaut du bras gauche en hurlant de plus belle. C’était son jour de chance. La scène s’était déroulée sous les yeux admiratifs d’un capitaine à cheval qui le cita à l’ordre de la légion d’honneur pour haut fait de guerre ; à titre posthume, hélas. En effet, après avoir parcouru une centaine de mètres, Justinien vit son bras gauche tranché net à l’épaule par un coup de sabre. A ce moment précis où l’acier déchire les chairs et brise la clavicule, les versions divergent.
Pour les sceptiques, Justinien succomba bêtement à ses blessures. Vision défaitiste qui ne saurait exalter la ferveur de véritables esprits patriotes ! Plus pimpante est la version défendue par des membres dignes de foi de la famille Balleck, selon laquelle Justinien aurait trouvé la force de happer la lame de sa baïonnette entre ses dents pour transpercer son agresseur de part en part. Valeureux homme ! Puissant guerrier ! Il aurait ensuite traversé un secteur de barbelés, plusieurs tranchées et un champ de mines pour prendre d’assaut le camp adverse. Comme un démon il aurait rué, bousculé, fendu et pourfendu. Tel une force surnaturelle, l’Esprit Français lui-même, il aurait semé la déroute dans les premières lignes ennemies, utilisant son corps comme un bélier dévastateur. Et le voilà dressé sur leurs barricades, déchirante imitation d’un tableau de Delacroix, pour haranguer ses camarades au mépris des balles qui fusaient de toutes parts !
Il aurait alors réalisé simultanément qu’il ne pouvait plus brandir le poing et que personne ne l’avait suivi. Cruelle désillusion, douloureuse prise de conscience… De dépit, il aurait reporté sa fureur sur un général prussien qui le contemplait bouche bée du haut de sa monture. Justinien mordait déjà le talon de sa botte quand sa garde rapprochée l’aurait abattu d’une salve nourrie en pleine poitrine – cinq à six coups de feu, selon les sources. Cinq balles au moins pour tuer ce qui n’était plus qu’un tronc, voilà qui mettait sérieusement à mal la réputation d’efficacité de nos voisins germains. Et encore, Justinien ne serait pas mort sur le coup. Avant de trépasser, il aurait eu le temps de lancer un tonitruant « ch’t’emmerde, sale Schleu ! », dans un élan de réalisme qui, à défaut d’élégance, ne manquait pas de panache. Il aurait volontiers joint le geste à la parole, mais un bras d’honneur sans bras…
Quelle que fut la véritable issue de cet épisode haut en couleurs, l’histoire se confondait désormais avec la légende. Le respect du village était acquis aux Balleck et n’était pas prêt de leur être retiré. Chacun avait eu l’occasion au moins une fois dans sa vie de passer à la ferme pour admirer, accroché au-dessus de l’imposante cheminée, le trophée le plus célèbre des environs : la fameuse baïonnette et son bras droit, embaumé aux frais de l’armée française. Au-dessous de la relique, une plaque en bronze commémorait l’exploit : « A Justinien Balleck, bras armé de la République, 1870 ». Sous République on devinait encore le mot Empire, gratté avec soin.
Marcel Balleck, futur géniteur d’Emile, dut assumer très tôt l’héritage de son héros de père. Elevé dans son souvenir par une mère acariâtre et terriblement exigeante, il développa les caractéristiques du militaire sans pouvoir en embrasser la carrière. Un problème de sinus, conséquence d’un ridicule accident domestique à l’adolescence, le rendit inapte au service pour insuffisance respiratoire. Contraint et forcé, il jeta toutes ses forces dans l’exploitation agricole léguée par son père. Pour compenser l’échec de sa carrière militaire, il fit preuve de tant d’autorité envers ses employés que ceux-ci, entre eux, le surnommèrent «  Herr General  » ; à cette époque, Marcel poussait le mimétisme jusqu’à se vêtir d’un uniforme ayant appartenu à son père et à porter le monocle. Il était d’ailleurs très doué pour cet exercice : les audacieux qui ont déjà essayé de maintenir leur monocle en place tout en conduisant

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents