Un petit vélo dans la tête
286 pages
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Un petit vélo dans la tête , livre ebook

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Description

Passionné de vélo depuis sa petite enfance, Pipo (Pierre-Paul) rêve d'endosser un jour le maillot Rose et gagner le tour d'Italie. Est-ce pour conjurer le sort qui a voulu qu'il soit abandonné par sa mère le jour du passage du Tour de France ? Porté par l'amour de ses parents adoptifs, il s'entraîne intensément pour croire en son étoile et participer au Giro. Le récit des étapes de son « aventure cycliste », rythmée par les courses, la vie d'équipe, l'évocation de des figures mythiques et des souvenirs d'enfance, se lit comme un roman au suspense haletant. Le lecteur se laissera griser par sa peinture de l'effort physique et du corps ruisselant des coureurs au cœur des foules excitées, ainsi que par la détermination sans faille qui anime le champion dans sa quête du dépassement de soi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 septembre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414111503
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-11148-0

© Edilivre, 2018
La maglia rosa
Enfant, le petit français que j’étais, passionné de vélo aurait dû rêver du Tour de France et de maillot jaune. J’aimais bien le Tour et ses escalades du Tourmalet et de l’Alpe d’Huez. J’aimais tout autant les sprints massifs sur de larges avenues et plus encore sur les vélodromes de Bordeaux ou de la Cipale à Paris. Oui, j’aimais bien le Tour, mais pas autant que le Giro.
Du Tour d’Italie, ce n’était pas les cols à franchir, les arrivées dans le brouillard printanier ou les grandes et belles cités qui me fascinaient, mais juste un bien curieux vêtement, le maillot rose, la maglia rosa .
Tout gosse, j’étais tombé amoureux de cette tunique incomparable qui sacre le vainqueur du Giro. Le maillot rose avec cette inscription en lettre noire : Gazetta dello sport, dont je ne savais rien. J’ai su depuis que c’était le journal national du sport italien, un quotidien qui le lundi s’habillait de pages roses, partenaire du Giro depuis l’origine.
C’est le premier maillot que j’ai demandé à maman de me tricoter.
Je la revois avec un sourire, passer la laine d’une aiguille à l’autre. Des aiguilles fines et grises. J’ai six ou sept ans.
– Qu’est-ce que tu me ne me feras pas faire ? commente-elle.
– C’est important, maman. Il reste deux étapes et c’est moi qui vais gagner le Giro. Je ne peux pas faire sans ce maillot.
– Et moi, je n’ai pas que ça à faire. Ton père va rentrer de Bordeaux, il faut que je fasse à manger.
Me voilà vaincu sur cette étape, mais pas complètement.
– Mais maman, tu crois que tu l’auras fini demain soir ?
– On verra !
Alors, elle reposait son tricot dans son petit panier de bois et filait vers la cuisine.
Dès le lendemain, au petit-déjeuner, je revenais à la charge.
– Maman, t’auras fini mon maillot, ce soir ?
– Comment veux-tu que je te dise ça. Non, je n’aurais pas le temps de le finir aujourd’hui, j’ai du travail par dessus la tête.
Elle prenait l’air préoccupé, mais je devinais qu’au fond, elle cherchait à aménager ses priorités pour me faire plaisir, sans hésiter, comme toujours. En plus, je savais y mettre les formes. De grosses larmes coulaient sur mes joues. Alors, vaincue, elle finissait par me dire :
– Bien sûr qu’il sera fini ce soir puisque tu dois gagner demain.
Une bouffée d’amour me secouait tout entier. J’allais me blottir contre elle. Elle essuyait une larme. Je n’avais plus qu’à gagner cette dernière étape pour elle et endosser ce soir le maillot.
J’ai fait bien des caprices pour croire en mon destin de champion. Mais sans elle pour me montrer le chemin, je n’y serais sans doute jamais arrivé.
C’était là mon grand rêve éveillé.
Le soir, sous les yeux de reporters imaginaires, je mettrais ma casquette, je relèverais la tête et avec un sourire éclatant, je paraderais avec mon maillot rose.
Cet amour du vélo m’a cueilli tout jeune, très jeune même. Je ne devrais pas même m’en souvenir. Pourtant les images me viennent spontanément en mémoire. Elles sont à jamais gravées et j’en entends encore les échos. J’avais pourtant à peine un mois à l’époque. Sans doute me l’a-t-on raconté des dizaines de fois au point d’en avoir fabriqué les images et les sons.
On était au début du mois de juillet, l’été ne faisait que débuter et le Tour de France occupait déjà tous les esprits.
C’était à l’époque un événement très populaire. Il n’avait pas besoin du support de la télévision pour exister. La France aimait le Tour et il fallait se rendre sur le bord des routes pour voir passer le peloton. C’était aussi l’occasion d’un rassemblement familial. Ainsi mon oncle et ma tante étaient allé voir passer le peloton au milieu des paysages de vignoble. Le tour faisait escale deux jours dans la région.
La veille, il y avait eu une étape contre la montre entre Bordeaux et Libourne.
Le lendemain, la deuxième étape dans la région se situait à la veille de l’arrivée à Paris.
Ma tante avait profité de l’occasion pour visiter sa sœur, ma grand-mère. Ils avaient fait une vingtaine de kilomètres en vélo depuis chez eux car mon oncle ne conduisait pas.
Au cours du repas de midi, la conversation prit une tournure singulière. Il était question de ma naissance un mois plus tôt.
Selon ma grand-mère, une femme impitoyable, ma mère ne pourrait pas assumer seule mon éducation. Il faut dire que deux ans plus tôt, elle avait déjà donné naissance à un premier enfant, hors mariage. C’était déjà trop !
Ce deuxième enfant, le bambin que j’étais, il fallait s’en séparer et le conduire à l’orphelinat dans la banlieue de Bordeaux. Pour ma grand-mère c’était tout réfléchi, un enfant illégitime soit, mais deux, hors de question.
– Qu’est-ce qu’elle va faire de celui-là ? On a pas besoin de ça ici.
Je n’étais donc que « ça ». Elle avait convaincu ma mère biologique de renoncer à mon éducation, soutenue dans ce projet par son fils. Celui-là considérait parfois sa sœur comme une pauvre fille qu’il fallait « éclairer ». Il se faisait fort de s’occuper des papiers nécessaires pour permettre mon abandon en bonne et due forme.
Le frère était, comme on disait à l’époque, « voyageur de commerce ». Il vendait les vins de Saint-Emilion et Pomerol en Normandie et avait acquis rapidement un statut de petit notable. Il possédait d’ailleurs quelques arpents de vignes dans le vignoble.
Ici on mesure la réussite au nombre d’hectares de vignes cultivés. Posséder son château, même si ce n’est qu’une maison bourgeoise, était la planche de salut pour qui voulait devenir quelqu’un.
Ma grand-mère vivait dans une de ces grandes maisons girondines avec des tuiles mélangées comme il en existe ici dans les campagnes. Elle avait été de longues années durant ouvrière viticole et bonne du curé. Sa bonne et pas seulement, disait-on !
Le grand-père, son mari, s’était piqué de faire toute la lumière sur cette relation. Il avait découvert la vérité et avait explosé de rage.
Sur l’injonction de ma grand-mère, le pauvre homme s’était retrouvé enfermé pour le reste de ses jours en hôpital psychiatrique.
Rapidement remis de son énervement, il était devenu jardinier de l’hôpital et je crois qu’il y a vécu des jours heureux.
Je ne l’ai vu qu’une fois, à l’adolescence, c’était un petit homme avec une barbiche blanche et un sourire doux qui éclairait son visage. Il semblait très heureux de me rencontrer et m’avait rapidement fait oublier que j’étais « chez les fous ». Je me souviens qu’avant de rentrer dans l’hôpital, j’avais eu la peur de ma jeune vie.
Je n’ai pas connu ce grand-père, je l’ai juste approché mais j’aurais tellement aimé savoir qui il était vraiment. Il paraissait si gentil, si tendre.
Sa femme, ma grand-mère donc, puisqu’il faut l’appeler ainsi, était une petite femme sèche. Je ne savais pas si elle marchait courbée après toutes ses heures passées dans les vignes ou si elle était bossue.
Elle était avare de sourire et possédait une voix désagréable, nasillarde, inquisitrice. Elle était toujours habillée de noir et ne m’inspirait que de la peur et de la méfiance.
Je n’aimais pas sa grande cuisine et l’horrible tic-tac de la pendule qui me mettait les nerfs en pelote. Ici, le temps passait lentement au rythme de cette foutue pendule. On s’y ennuyait.
Je ne l’ai vu que trois ou quatre fois, pas plus. Je détestais aller chez elle. Je n’aimais pas cette maison sombre et ce feu permanent dans la cheminée où mijotait une étrange soupe qu’elle servait à tous les repas. Les autres pièces de le maison était froides et humides. Les murs peints d’un horrible vert tilleul.
En plus, elle trouvait toujours le moyen de m’envoyer dans les vignes de son fils, couper ou ramasser les sarments avec mon frère. Je détestait patauger entre les rangs de vignes avec ce sécateur à la main pour couper ces petits branchages.
Ma mère biologique vivait chez elle et surtout sous sa terrible influence. Elle trimait tôt chaque matin dans un hôtel où elle faisait le ménage.
La pauvre femme était contrainte de se lever aux aurores pour se rendre en bus, prendre son service, par tous les temps, par toutes les routes.
Elle aurait sans doute préféré travailler dans les vignes comme ses amies. Mais elle était mère et célibataire et il lui fallait assurer des revenus réguliers.
Au moins, devait penser la grand-mère, elle était éloignée du village. Elle ne s’y montrait que le dimanche pour la messe obligatoire. C’était aussi le plus sûr moyen de la mettre à distance des bois où elle avait rencontré ce bûcheron qui vivait là quelques mois par an. Ce saisonnier lui avait fait deux enfants. C’était mon père.
Ma mère biologique a toujours caché cette relation, mis un épais bandeau sur ce chapitre de son histoire. Combien de fois, j’ai tenté de lui tirer les vers du nez, combien de fois je l’ai interrogé discrètement, persuadé que je la ferais se révéler.
Rien, elle n’a jamais rien soufflé. Pas même un nom, pas davantage un prénom ou une description physique, un indice qui m’aurait permis d’en savoir un peu plus sur cet homme dont j’ai seulement fini par connaître la profession.
Adolescent, j’aimais imaginer qu’il était canadien comme tous les bûcherons et qu’un jour, à sa mort, un notaire de la Belle-Province m’appellerait pour me dire que j’allais hériter d’une scierie et de plusieurs hectares de bois dans l’Ouest canadien. J’ai toujours fantasmé ce moment en me demandant ce qu’allait devenir ma vie après avoir traversé l’Atlantique. Bien sûr, ce moment ne s’est jamais réalisé.
Quand on ne sait rien de ses origines, on s’invente une famille et un destin. Celui-là, m’allait bien.
Si ma mère ne m’a rien dit de mon père c’est probablement qu’elle av

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