Yabboq
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Yabboq , livre ebook

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Description

"ASHER. Face à la vie et à la mort, on n’a pas le choix, Thomas. Que tu puisses l’accepter ou pas... ça n’a pas trop d’importance. La vie et la mort s’imposent d’elles-mêmes... Ton acceptation, ça n’a pas beaucoup d’importance... sinon pour toi, Thomas. THOMAS. Qu’est-ce que je devrais accepter, selon toi ? ASHER. Tout simplement le fait que je suis mort... et que là je suis devant toi seulement parce que tu m’as rappelé à ta mémoire... Je ne suis qu’une image de ton esprit blessé, que l’avatar fugace d’un fantasme que ta folie a engendré. THOMAS. Non, Asher, tu te trompes ! Tu es là, et tu as été toujours là pour moi..." Dans le dramatique face-à-face d’un homme avec les fantômes de ceux qui ont marqué l’histoire de sa vie, se dévoilent, dans toute leur ambiguïté, les désirs, les déceptions, les attentes et les espoirs qui habitent les profondeurs de son esprit meurtri et qui font de lui un personnage extrêmement proche et attachant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748394863
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Yabboq
Angelo Puggioni
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Yabboq
 
 
 
À Kaspar Hauser,
mon premier enfant sauvage.
 
 
 
Remerciements
 
 
 
Je tiens à remercier Anne Portalier, Lysiane Maurice, Anne Camus, Emmanuel Cuchet, Philippe Lamour, Jean-Marc Talpin, Nicole Caligaris, Claude Régy qui, avec leurs remarques, critiques et commentaires, m’ont aidé dans ce travail d’écriture.
 
 
 
Personnages
 
 
 
Thomas
Asher
Donia
Naël
Serge
Julien
Une infirmière
Un infirmier
 
 
 
 
 
 
« Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu’il possédait. Et Jacob resta seul. Et quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. Voyant qu’il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l’emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui. Il dit : “Lâche-moi, car l’aurore est levée”, mais Jacob répondit : “Je ne te lâcherai pas, que tu ne m’aies béni.” Il lui demanda : “Quel est ton nom ?” — “ Jacob”, répondit-il. Il reprit : “On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l’as emporté.” Jacob fit cette demande :
“Révèle-moi ton nom, je te prie”, mais il répondit : “Et pourquoi me demandes-tu mon nom ?” et, là même, il le bénit. »
 
La Bible de Jérusalem, « Genèse, 32, 23-30 ».
 
 
La rivière Yabboq a toujours eu pour les Juifs un sens symbolique : c’est à son gué que Jacob engagea un combat avec l’ange qui lui barrait le chemin. À la suite de cette lutte qui dura toute la nuit, Jacob reçut de l’ange le nom d’Israël en guise de bénédiction. Pour le Talmud, le Yabboq évoque une sorte de purgatoire, une rivière de feu qui délimite le lieu où se tiennent les morts. Selon cette tradition, c’est auprès de cette rivière, de cette limite symbolique, que se tiennent les âmes des justes.
 
 
 
Scène 1
 
 
 
La scène se déroule dans une chambre avec un lit, une table de chevet et une chaise. Ces meubles sont blancs. Il s’agit de la chambre d’un hôpital psychiatrique, mais elle n’est pas identifiée en tant que telle. Un homme, Thomas (prononcer à la manière allemande), d’une quarantaine d’années, est allongé sur le lit. Il est immobile, le regard dans le vide. La fenêtre est fermée. On entend les bruits étouffés de la rue. C’est l’été. Il fait chaud.
 
Thomas s’agite, il se retourne plusieurs fois sur lui-même. Il se plaint en se touchant le ventre. Finalement, il se lève avec un certain effort en appuyant une main sur son ventre. Il s’approche de la fenêtre et il tente de l’ouvrir. Il se rend compte que la poignée est bloquée. Il retourne à son lit et il s’allonge de nouveau, mais il se met dans une position plus droite.
THOMAS
J’étouffe ici. Je n’en peux plus. Je n’arrive plus à respirer. Il fait trop chaud, il n’y a pas d’air ici. À chaque respiration, c’est comme si l’on me plantait un couteau dans le ventre. Un couteau dans le ventre… Hum… Un couteau dans le ventre… C’est moi qui me le suis planté, le couteau dans le ventre. C’est bien pour ça que je suis là, du moins je crois. Oui, oui, c’est moi. J’avais l’impression d’exploser, mon ventre a failli éclater. Je ne pouvais que le déchirer pour répandre mes boyaux autour de moi. Je ne pouvais plus tenir. J’avais des douleurs épouvantables, des contractions, comme une femme au terme de sa grossesse. C’était trop, je n’en pouvais plus ! Mais personne ne voulait comprendre. Personne. D’ailleurs, il n’y avait personne. Il n’y avait personne ! À qui dire ce que j’étais en train de vivre, à qui crier ma rage, sur qui cracher mon impuissance, qui maudire sinon moi-même ? Moi-même et cette foutue bête qui squattait mon ventre. Personne. Il n’y avait personne pour m’aider à me délivrer, à accoucher. Oui, c’est d’un accoucheur dont j’aurais eu besoin, d’une sage-femme, d’un je-ne-sais-pas-qui capable d’arracher ce monstre de mes tripes, de me l’arracher et de me l’écraser devant les yeux et de le jeter loin, hors de ma vue, hors de ma vie. Ne plus le sentir remuer dans mon ventre, ne plus l’entendre gémir dans mon cœur, ne plus ressentir son angoisse se mêler à la mienne, ne plus être pétrifié par l’écho tout proche de ses ricanements, ne plus renifler son odeur de l’intérieur, ne plus sentir ses lèvres moqueuses effleurer les miennes, ne plus rêver de la transparence glaciale de ses yeux posés sur les miens, ne plus être envahi par la froideur de sa beauté, ne plus… ne plus exister… peut-être, parce que je crois que sans lui je ne pourrais pas vivre. Peut-être mourir, donc. Oui, mourir, ou disparaître d’une vie que j’ai l’impression de n’avoir jamais vécue. Mais même ça, ça n’a pas été possible. Je suis toujours là à étouffer dans cette chambre que je ne connais pas. Tout m’est inconnu ici, inconnu, mais aussi familier, intime, je dirais. Je me sens étranger à mon intimité et familier à mon étrangeté. C’est comme ça que je le connais, lui, intime et étranger. J’ai l’impression de l’avoir toujours connu. Mais je ne voulais pas me rendre à l’évidence qu’il était niché au plus profond de moi-même et je le cherchais autour de moi. Mais qui était-il ? Que veut-il de moi ? De ma vie ? De ma mort ? Je ne le savais pas et je ne le sais pas aujourd’hui encore… ( Brève pause. ) Oui, une fois j’ai eu l’impression de l’avoir rencontré, en dehors de moi, en face de moi, Asher, Asher… Nos vies se sont croisées pour un certain temps, le temps d’un rêve ou d’un cauchemar. Puis tout est retombé dans le vide, dans le néant d’une absence, d’un oubli qui a recommencé à se faire entendre dans mes tripes. Et aujourd’hui, il est toujours là, toujours là dans mon ventre. Parfois il se fait plus discret, parfois il se laisse oublier, pour revenir ensuite mordre voracement dans ma solitude, dans mon désespoir. Oui, il est toujours là, mais je continue à le chercher autour de moi, dans ces visages que je croise au coin des rues, dans les ombres qui s’éloignent à mon approche, dans ces formes évanescentes que j’aperçois dans mes hallucinations, sans pouvoir les saisir, les frapper de mes poings ou les serrer dans mes bras. ( Brève pause. ) Eux, les autres, ceux qui revendiquent à tout bout de champ la réalité ordinaire dont ils font partie, ceux qui sont raisonnables, ceux qui vivent et meurent normalement, ceux qui me collent à la peau, sans relâche, eux, eux, ils sont arrivés trop tôt. Ils n’avaient rien compris, comme toujours. Ils sont arrivés trop tôt et ils ont tout arrêté avant ma délivrance, avant mon accouchement. Ils n’ont rien compris et ils ont tout arrêté. Ils m’ont immobilisé, cloué au sol, alors qu’ils auraient dû m’aider à aller jusqu’au bout. C’était déjà assez difficile comme ça, horriblement douloureux. Mais une fois qu’ils m’ont bloqué, une fois que je me suis retrouvé cloué au sol, j’ai eu beau crier que ce n’était pas fini, qu’il était encore là dans mes tripes, que j’avais besoin qu’ils m’aident à me délivrer de cette pourriture, quitte à me déchirer les entrailles. Après un moment, j’ai renoncé, j’ai arrêté de crier. J’ai laissé leurs voix, leurs cris résonner dans ma tête. Les sirènes ont rempli l’espace autour de moi, j’ai fermé les yeux, je me suis laissé faire. Et quand tout a commencé à tourbillonner autour de moi, j’ai aperçu au plus profond de moi l’écho d’un ricanement qui m’a glacé le sang. C’était fini, tout était fini et tout était resté comme avant, insupportable, indicible. J’étais à nouveau seul avec mon… je ne sais pas comment l’appeler… Mon quoi ? Mon enfant ? Mon avorton ? Mon monstre ? Je ne sais pas. Je ne sais plus rien, sinon qu’ici j’ai du mal à respirer avec cette chaleur étouffante.
 
Thomas se retourne encore sur son lit et il s’allonge pour retrouver un semblant de sommeil. Il continue à s’agiter. Après un moment de silence, Thomas recommence à parler avec lui-même.
THOMAS
Pendant de longues années, je l’ai cherché autour de moi. Qui était-il ? J’ai continué à chercher, je cherche depuis toujours. Mon enfance a été un désert aride, je n’osais pas aller vers les autres. Mon adolescence a été une tempête nocturne au beau milieu de l’océan, mais tout ça c’était à l’intérieur de moi, dans ma tête, dans mon cœur, dans ma chair fébrile. Je continuais à chercher, pour exorciser l’être étrange lové au fond de mon être, et que je sentais grandir lentement, comme un fœtus dans le ventre d’une femme. J’avais peur, peur de devenir fou. ( Thomas ricane de ses propres mots. ) Oui, fou, tellement fou à devoir être enfermé derrière une grille comme ces singes que, enfant, j’avais vus au zoo : toute la journée à s’agiter dans une cage étroite et à sauter d’un coin à l’autre. Tout ça me terrifiait, et alors je cherchais autour de moi, quelqu’un, un regard, une parole, un geste, un silence même, mais rempli de quelqu’un en qui j’aurais pu me reconnaître, voir quelque chose de moi. Quelqu’un avec qui pouvoir me sentir un peu chez moi, à l’abri de la peur de moi-même.
 
Thomas semble chercher quelque chose dans sa mémoire.
THOMAS
Quand je l’ai vu pour la première fois, je ne pouvais pas y croire. Comment était-il possible qu’il soit là, là, dans mon ventre et en même temps là, en face de moi ? Était-il le même ? Quand je l’ai vu pour la première fois, quelque chose a sursauté dans mon ventre, de la peur peut-être, une appréhension. Et puis ç’a été comme un oubli, une sorte d’engloutissement, je ne sais pas… Tout

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