Un an... Une vie
178 pages
Français

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Description

"Un an, une vie" propose une histoire authentique, une aventure itinérante à travers l’Europe de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le héros ordinaire de ce récit se trouve plongé dans un univers de violence et de peur, où seul son courage lui permettra de survivre. Avec une justesse de ton et un véritable sens du suspense, l’auteur nous mène sur les chemins de traverse de la guerre, et met à jour toute la variété des caractères et des sentiments humains. La guerre, période extrême, révèle des comportements lâches et honteux, mais également des personnalités admirables.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2012
Nombre de lectures 1
EAN13 9782748397062
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un an... Une vie
Pierre Figuet
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Un an... Une vie
 
 
 
À mon père et ma mère.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Vivre ou se perdre
 
 
 
Retour d’un intrus
 
 
 
11 juin 1945. En débarquant à Marseille, en uniforme de l’Armée Rouge, j’avais dans mes bagages des certitudes étranges pour ceux qui ne m’attendaient pas.
Libérés depuis près d’un an déjà, la guerre de mes compagnons de Résistance était finie depuis longtemps ; ils s’étaient installés dans un ordre nouveau avec la tranquille assurance de ceux qui ont triomphé ; y compris ceux qui l’usurpaient.
 
 
J’étais l’intrus, indépendant ombrageux, reliquat d’une solitude profondément vécue.
Délivré de la peur. Ou obsédé par la peur ?
 
Dans le monde de la contrainte et de la violence totalitaire, j’avais découvert parallèlement à mon propre combat la lutte désespérée et quotidienne des paumés de la vie. Cette proximité m’avait conduit à prendre mes distances avec les civilités superficielles de la morale qu’on m’avait enseignée.
Ça m’allait assez bien me semblait-il.
Mais où était ma place ?
 
 
J’arrivais tout bronzé par quinze jours de mer. C’était déjà suspect pour quelqu’un qui aurait souffert.
 
Prétendre à une place parmi ceux qui pensaient avoir participé à la libération de la France arme au poing, c’était une arrogance. Ils étaient des combattants ; je n’étais qu’une « victime ». Et pas assez victime.
 
Annoncer qu’à Auschwitz et Maïdanek des centaines de milliers de personnes avaient péri gazées, c’était une insupportable prétention à détenir une vérité invraisemblable. On ne me croyait pas.
 
Déclarer que Staline était un tyran au pays des soviets, c’était une trahison aux yeux de mes amis communistes.
 
Proclamer que l’Armée Rouge était à la base de la victoire sur les nazis, et que ma reconnaissance lui était définitivement acquise, c’était excessif pour ceux que les Américains avaient libérés.
 
 
J’aurais pu témoigner aux procès contre les miliciens qui m’avaient arrêté, mais c’était pour moi une valorisation trop facile. Sauf à rencontrer Parisse, seul à seul, face à tous les risques. Ça, j’aurais aimé. Mais pas assez pour le rechercher.
 
 
Il me restait à enfermer ma vérité, à me taire, et à vivre.
Être moi-même, dans le combat quotidien, et surmonter sans jamais l’occulter l’intense souvenir des humiliations, des peurs, des résignations, mais aussi des fidélités insolites hors des morales officielles.
 
 
Je n’avais besoin que de quelques heures de sommeil par nuit. Mais que faire dans un monde qui dort ?
Je pouvais marcher sans fatigue pendant des jours. Mais pour aller où ?
J’avais envie de faire l’amour. Mais les donzelles voulaient y mettre du cœur. Le mien était voilé. Il m’a fallu attendre.
Là-bas, j’avais assez travaillé. Ici, je voulais vivre.
 
Libre ! Plus jamais asservi !
 
 
Mais la Société a ses habitudes et ses lois. Elle allait de l’avant sans craindre d’instaurer l’injustice qu’elle avait combattue.
Quand je l’ai appris, le massacre de « Sétif » m’a révolté : c’était au nom de la France et de son « empire colonial »… ! Et plus tard : Haïphong…
 
 
J’ai repris, mais bientôt interrompu mes études. J’ai refusé tout travail malgré des offres généreuses et de grande confiance. Comme un refus de l’Amour, je n’ai pas revu Mireille qui l’avait pourtant souhaité. J’ai rencontré des filles belles et aimantes que je n’ai pas gardées.
J’ai déçu mes parents qui m’aimaient, sans qu’ils me le reprochent jamais…
 
Je devenais un marginal. J’imaginais un souterrain pour piller une banque. Pour l’argent, peut-être, mais surtout pour les emmerder, pour faire gripper une machine qui m’était étrangère car j’en rejetais l’avidité, la cupidité, la duplicité et encore plus la lâcheté. Je rêvais de justice, d’égalité… et d’une violence qu’en même temps je refusais d’assumer.
Je rêvais au plaisir, pas au bonheur, que je jugeais ringard. J’aurais volontiers baisé une « grande bourgeoise » (jeune et belle) dans son lit conjugal. L’occasion ne s’est pas intégralement présentée.
 
Ça a duré trois ans. Intense, d’abord. Puis monotone. Je m’enlisais.
 
 
Celle qui devait devenir ma femme m’a suggéré de trouver… une place de pion.
J’ai repris mes études.
 
Plus tard, dans un monde servile drogué à l’argent et au pouvoir, j’ai dû m’adapter sans me laisser séduire et j’ai tenté de me tenir debout sans me renier.
Toujours en proie au doute sans jamais renoncer à l’action, j’ai pu m’engager intensément, goûter au luxe merveilleux d’enfants aimants, donner un sens à une fraternité citoyenne sur le chemin de la quête, découvrir lentement la vraie nature du « travail » et apprendre à lui donner de la couleur.
 
Mais je sais mieux aujourd’hui comme cette année d’épreuve et de solitude m’avait rendu sec. Savoir résister à la douleur conduit à résister à l’émotion sans rendre invulnérable.
 
Sur moi planait une liberté farouche pour me dresser contre tout pouvoir ; et c’était si profond que je croyais que c’était le langage du cœur.
 

Attaché à préserver l’indépendance qu’il avait gagnée, l’insurgé solitaire avait enfermé sa tendresse.
 
Longtemps.
 
Jusqu’aux deuils.
 
Et, enfin, aux larmes.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie. Captif
 
 
 
Chapitre 1. 5 juin 1944 : l’aube d’un jour sinistre
 
 
 
6 h 30. La cloche sonne au lycée Lalande. Pierre s’éveille.
 
C’est le dernier jour du bac. Il ne dormira plus jamais dans ce vieux « bahut » où il vient de passer, interne, sept ans de sa vie de dix-neuf ans.
Restent deux épreuves : Philo le matin, Maths, l’après-midi.
 
Depuis quelque temps, Pierre a quelque peu négligé ses études. La Résistance a trop occupé ses pensées.
Révulsé par l’impressionnante déroute de mai 1940, outré par la résignation et l’obséquiosité qui avaient succédé aux fanfaronnades de la « drôle de guerre », écrasé par l’horizon de servitude d’une France qu’il avait cru puissante, c’est au moment le plus noir, celui où l’invasion de l’Angleterre, ultime adversaire du nazisme triomphant, paraissait inéluctable, en novembre 1940, que son ami Marcel lui avait entrouvert la porte de l’espérance : une simple photo d’identité du « colonel » de Gaulle, dévoilée en cachette : « Non ! Tout n’est pas perdu : en Angleterre, avec de Gaulle aujourd’hui général, des Français continuent à se battre. Les Allemands ne franchiront jamais la Manche ! »
L’espoir était ténu, mais tellement bienvenu ! Petit à petit, il avait pris corps. Les tracts rudimentaires qu’on montrait sans oser les confier, ouvraient à une fraternité de l’espoir qui appelait à la lutte et devenait engagement.
C’est ainsi que Pierre était entré en Résistance.
 
Malgré l’affolante progression des armées allemandes, il avait puisé dans la presse clandestine de mieux en mieux informée, qu’il distribuait, les nouvelles de réconfort qu’avec deux ou trois copains engagés ils tentaient de commenter. Car l’Angleterre restait libre et fin 1941 les Allemands butaient sur Moscou.
Après l’entrée en guerre des États-Unis, puis Stalingrad, ils avaient pu se persuader enfin que le cours des choses s’était inversé.
Restait le présent, obsédant : l’occupation. Et puis ce sentiment d’inutilité : c’est à d’autres qu’était dévolue leur libération. Comment pourront-ils y participer ?
 
Devenu chef de Sixaine (groupe de base du réseau) au lycée à la création du réseau FUJ (Forces Unies de la Jeunesse), Pierre transportait non sans risques des rouleaux de journaux clandestins jusqu’à son village d’Arbent, chez ses parents, et qu’il distribuait à ses proches. Puis le cercle de ses lecteurs s’était élargi à des copains d’Oyonnax.
Les séances de maniement d’armes ouvraient des perspectives d’action, mais les arrestations qui se multipliaient depuis l’occupation de la « zone libre » incitaient à une prudence peu conciliable avec le prosélytisme. Le danger était permanent et difficilement identifiable dans une population apeurée et soumise.
L’horrible torture à mort de son camarade André Bezillon par les Allemands à Sièges l’avait un moment effrayé. Mais le danger immédiat semblait passé.
 
 
Cependant, depuis quelques mois, avec la proximité du bac, Pierre a ralenti ses activités, mais tous vivent dans l’attente du grand jour : le «  débarquement  », qu’ils sentent proche. Ce jour-là, ils rejoindront le maquis, et ce sera le combat.
Ses parents partagent ses convictions, mais ils sont inquiets des risques qu’il court. Ils ont connu tant de décès récents dans la famille, ils ont caché tant de larmes à leurs enfants, qu’ils voudraient protéger ce fils à qui ils ont sacrifié leurs faibles moyens pour lui offrir des études.
Mais Pierre s’est engagé. Depuis quatre ans, il a trop fustigé les incapables, méprisé les indifférents, la multitude des peureux, pour pouvoir laisser ses amis se battre sans lui.
Mais aujourd’hui : c’est le bac, omniprésent
Épreuve de Philo.
11 heures déjà ! Moment de concentration : il faut rassembler ses idées, classer, rédiger.
Mais soudain, dans le calme de la salle d’examen, un crépitement de mitraillettes tout proche déchire le silence, entremêlé de quelques coups de feu isolés. Ça s’arrête brutalement.
Le silence revient, devenu inquiétant.
Depuis quelques jours, la Milice de triste réputation patrouille et plastronne en ville ; ils ont la gâchette facile. Pourtant, ça ressemblait à un échange. On tend l’oreille, on s’interroge du

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