Ma vie, mes souvenirs , livre ebook

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Marquée par la Seconde Guerre mondiale, par la modestie financière, par de longs séjours en Guadeloupe et Pologne pour y suivre un premier mari dont certaines faces cachées se révéleront progressivement, par des drames : telle fut, souvent chaotique, instable, décevante, l’existence de G. Van Marcke. Une vie de femme courageuse néanmoins, ayant à cœur de bien faire, de trouver enfin la paix de l’âme, revisitée dans une autobiographie aussi brève qu’intense. Nulle leçon dispensée au fil de ce texte, nul regret, nul atermoiement. Simplement le récit d’une femme française qui a fait l’expérience, physiquement et moralement, de la dureté de la vie. Humble et digne, un retour lucide sur le passé, afin de mieux l’accepter et le surmonter.

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Date de parution

14 mai 2012

Nombre de lectures

0

EAN13

9782748373905

Langue

Français

Ma vie, mes souvenirs
Gisèle Van Marcke
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Ma vie, mes souvenirs
 
 
 
 
 
 
 
 
Je suis née le 2 mai 1935 à Willems, dans le Nord de la France, village voisin de Baisieux et de la Belgique. Je n’ai que peu de souvenirs de ma petite enfance, hormis quelques détails. Ce dont je me rappelle, c’est lorsque je suis partie avec mes grands-parents pour Ouistreham, où mon grand-père était douanier sur une vedette (bateau des douanes) ; c’était au début des années 1940. Mon père était parti en 1939 au front où il avait été fait prisonnier en 1940.
Au mois de mai, les bombardements s’intensifièrent. Mon grand-père, à qui je disais « Papa Gerger » parce qu’il s’appelait Roger, tomba malade et fut hospitalisé à Caen. Je me souviens parfaitement de son départ pour Caen, de ma grand-mère qui l’accompagna. Je criai et pleurai à chaudes larmes. Je fus confiée à un douanier et à son épouse et ma grand-mère vint me chercher le lendemain matin à 4 heures, après avoir marché quinze kilomètres de Caen à Ouistreham, pour venir me rejoindre. Je n’ai ni voulu manger, ni jouer avec la grande poupée. Mon grand-père fut opéré suite à une perforation de l’estomac. À son retour de l’hôpital, les Allemands étaient arrivés et quelque temps après il fut muté à la préfecture de Vichy. De ce fait, il voulut nous renvoyer dans le Nord, auprès de ma mère. Elle était restée dans le Nord avec ma sœur et ses beaux-parents, ils avaient évacué avant l’arrivée des Allemands. Elle avait essayé de nous rejoindre, mais il n’y avait plus de trains. Nos tentatives furent également vaines ; arrivées à Amiens où il faisait très froid, ma grand-mère et moi fûmes refoulées.
Un autre train partait pour Lille, mais c’était un train militaire et les Allemands avaient refusé que nous le prenions. Ils nous envoyèrent à la commandature (préfecture) où l’on octroya à ma grand-mère deux billets pour Ouistreham pour le lendemain. Le soir même, nous dormîmes dans un établissement pour réfugiés, puis le jour suivant, nous repartîmes pour Caen puis Ouistreham, où mon grand-père nous attendait. Il n’y avait presque plus de meubles, mon grand-père les avait mis chez des voisins : une grande caisse faisait office de table et trois petites caisses, de chaises.
Mon grand-père se rendit alors à Moulins, près de Vichy, en quête d’un appartement. Puis il revint nous chercher et nous partîmes investir ce trois pièces meublé, situé en rez-de-chaussée. Mon grand-père établissait les cartes de ravitaillement à la préfecture de Vichy. En plus, il nous confectionnait des chaussures en raphia pour l’été, surmontées d’une peau de lapin pour l’hiver ; chaussures qu’il vendit par la suite. Mes grands-parents s’occupaient des chaussures le soir, ainsi qu’une partie de la nuit.
Ma mère me rendit une fois visite, en 1942. Nous sommes restés un an à Moulins ; ensuite nous avons déménagé à Troyes. Nous avons trouvé un petit appartement et j’ai commencé à aller à l’école, j’avais sept ans. Ma mère me gratifia de deux nouvelles visites, l’une avec ma sœur en 1943 et l’autre avec ma marraine, en 1944. Je passais beaucoup de temps avec mon grand-père, nous faisions les courses ensemble à vélo ; il m’installait sur le porte-bagages. Il me soignait et me mettait des cataplasmes de farine de moutarde lorsque j’avais une bronchite. Alors que nous vivions à Troyes, mon grand-père fut opéré d’un ulcère cancéreux.
Les propriétaires de notre appartement habitaient au rez-de-chaussée. C’était des Espagnols et je jouais avec leur fils, Michel Abrinas. Mon grand-père était devenu garde dans un établissement pour jeunes délinquants ; des parents belges venaient voir leur enfant et nous apportaient des chocolats. J’avais du chocolat tous les mois, mais il n’était pas très bon. Un soir, alors que mon grand-père n’était pas encore revenu du travail, nous entendîmes des cris provenant de l’abattoir situé près de chez nous : « Les Allemands sont partis », nous nous dirigeâmes vers l’abattoir et revînmes avec une provision de viande. Et puis des coups de feu retentirent : les Allemands étaient revenus.
Le soir, des voisins venaient chez nous pour écouter Radio Londres. Un jour, mon grand-père nous déclara que les Allemands allaient faire sauter tous les ponts à Troyes puis, en s’adressant à moi, il ajouta : « Gisèle quand tu entendras la sirène, tu prendras ta grand-mère par la main et tu iras dans la cour » et il me montra l’endroit où nous devions nous réfugier. Le lendemain, alors que je jouais à la balle dehors, la sirène retentit. Je me précipitais donc au premier étage, pris ma grand-mère par la main et l’entraînais dans la cour. À ce moment précis, mon grand-père arriva et dit : « À gauche, tout le monde à gauche, pas à droite car les carreaux sautent » ; j’avais neuf ans. Le lendemain nous sommes allés dans l’abri qui nous était destiné. Nous passions la journée dans l’abri mais regagnions l’appartement chaque nuit. Un soir, nous entendîmes des cris provenant de l’extérieur : « Français, Française, levez-vous, les Américains arrivent ! Mais un Allemand, qui était couché dans le garage au-dessous de la cuisine, tira à la mitraillette en direction des deux Français qui tombèrent, l’un était mort, l’autre blessé car il gémissait. Sa femme sortit le chercher pour le traîner jusqu’à l’hôpital. Mon grand-père nous entraîna dans la chambre à coucher, de peur que l’Allemand ne tirât en l’air. Le lendemain nous nous réfugiâmes à nouveau dans l’abri. Un obus tomba près de nous mais ne tua que des lapins. Quelque temps après, la grande porte en fer se mit à trembler sous les coups, je pense, d’un canon et nous entendîmes des Allemands parler entre eux. Des femmes et des enfants pleuraient. Je ne pleurais pas. Ma grand-mère priait mais ne pleurait pas non plus. Elle me dit :
—  Tu n’as pas peur ma petite-fille ?
—  Non grand-mère, répondis-je, mais je ne veux pas mourir. Ils sont là, ils essayent de rentrer, je les entends.
—  Non, ce n’est pas eux, répondit-elle.
Plus tard je lui dis :
—  Tu vois que j’avais raison, ils étaient là.
—  Oui, me répondit-elle, mais je ne pouvais pas te le dire.
Et puis tout à coup, les gens dans la rue se mirent à crier : « Les Américains sont là ». Nous sortîmes de notre abri ; d’un côté de la rue il y avait une camionnette où un jeune Allemand était allongé, mort d’une balle dans le cœur. —  Pauvre gamin, déclara ma grand-mère.
À quoi mon grand père répondit :
—  S’il avait pu te tuer, il l’aurait fait !
—  Oui, dit-elle, mais il a une mère quand même.
De l’autre côté, il y avait un camion de munitions qu’ils auraient pu faire sauter près de notre maison. Au bout de la rue, plusieurs maisons étaient en feu et trois Allemands gisaient à terre, complètement carbonisés.

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