Auguste Comte : La politique et la science
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Auguste Comte : La politique et la science , livre ebook

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Description

D'Auguste Comte, on ne retient souvent que quelques stéréotypes issus de morceaux choisis. Et très vite, tombe le jugement sans appel : positivisme. Tout est dit : voici Comte condamné. Pourtant, la politique industrielle, l'organisation de la recherche, l'influence des sciences exactes sur la manière de penser le politique, thèmes éminemment contemporains, sont au cœur de sa pensée. Voici donc, par l'une des meilleures spécialistes françaises, une relecture originale de Comte qui précise aussi les aspects les plus riches de son épistémologie et de ses positions en matière politique et morale ou encore religieuse. Elle débouche surtout sur une réflexion très actuelle sur ce que peuvent être les rapports entre science et politique aujourd'hui. Juliette Grange est professeur à l'université de Nancy-II. Elle est l'auteur de La Philosophie d'Auguste Comte.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2000
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738163073
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

©  ODILE JACOB, SEPTEMBRE  2000 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6307-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5 et 3 a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À la mémoire de Raymonde Martinet
CHAPITRE PREMIER
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Politique de la science
Voici un objet de réflexion et de controverses, central pour la vie politique, délaissé des théoriciens ou philosophes qui s’efforcent de penser la politique dans la période contemporaine. Que les sciences modifient ou transforment, par l’industrie internationale ainsi que dans les schémas d’analyse, la nature du pouvoir, la forme des règles que les collectivités se donnent à elles-mêmes, voilà qui est à la fois évident, trivial et négligé.
D’après nous, la philosophie politique erre, faute de considérer que la politique, quelle que soit la manière dont on la définisse, est dans sa nature même profondément modifiée, voire entièrement transformée par l’existence et les conséquences indirectes de cette forme très spécifique de connaissance que sont les sciences. La question désormais est celle de la relation entre science et politique. Il s’agit non seulement dans un cadre encore classique de tenir compte d’un domaine spécifique qui serait la politique de la science au sens d’un secteur particulier de la vie publique, domaine adventice qui laisserait en quelque sorte intacte la forme du politique (l’État, le parlementarisme, la démocratie…) et des institutions (même si la Défense ou la police revendiquent ouvertement un assez large usage des sciences appliquées). Il s’agit bien de considérer plutôt ce qu’il en est (malgré l’apparente continuité de la forme politique qu’est l’État), de la nature politiquement nouvelle de la plupart des actions contemporaines. Ceci réclame d’être pensé ou théorisé, en tout cas réfléchi. Et l’on peut se demander si les formes académiques de la philosophie politique classique peuvent à elles seules être les instruments de cette réflexion.
La politique de la science peut s’entendre en deux sens qui ne sont peut-être qu’apparemment séparés. Premièrement : la politique pour la science, menée à l’égard de la recherche scientifique, celle qui concerne entre autres les décisions (et le financement par les institutions nationales et internationales) de la recherche fondamentale. Deuxièmement, la science pour la politique, la science dans la politique. Non seulement l’utilisation des résultats des sciences humaines par exemple dans les prises de décisions concernant les politiques publiques, mais surtout les formes mêmes du pouvoir et de sa légitimation.
Les ouvrages de philosophie politique les plus commentés et les plus récemment objets de controverses ( La Théorie de la justice de John Rawls ou Anarchie, État, Utopie de Robert Nozick) sont complètement silencieux sur la question d’une forme de pouvoir qui pourrait émaner des sciences (et des techniques), s’appuyer sur elles ou bien au contraire en contredire l’esprit. Dans la plupart des travaux des théoriciens et des philosophes, les définitions du pouvoir, de la domination ou de l’État sont supposées explicitement ou implicitement stables depuis le début de la modernité, même si les sciences politiques s’interrogent quelquefois à propos de l’influence des technologies de l’information sur la vie politique ou la démocratie. Alors que, dans les faits et la réalité de la politique et de l’industrie mondiale, les sciences et la technologie, impensées, règnent en maîtresses et opèrent des changements peut-être irréversibles.
Si la philosophie des Lumières ou le rationalisme sont parfois réaffirmés par des penseurs contemporains (ainsi la proposition d’Habermas de rénover l’alliance entre raison et liberté politique), c’est d’un point de vue qui écarte paradoxalement, au nom du divorce entre « raison pratique » et « raison instrumentale », la question pourtant centrale du rapport entre la politique et les sciences et techniques. Certains célèbrent indirectement les sciences, comme dans une partie de la philosophie analy tique qui a pour origine le Cercle de Vienne et domine depuis longtemps la philosophie universitaire anglo-américaine et récemment une partie de l’histoire de la philosophie européenne 1 . D’autres les rejettent en bloc (comme une partie non négligeable de la philosophie herméneutique qui a pour origine l’idéalisme et le romantisme allemands et domine les travaux philosophiques dits continentaux). Les théoriciens, penseurs et philosophes, lors même qu’ils ne condamnent pas la raison, l’idée de progrès et tous les « grands récits » d’une seule voix font le procès des sciences et techniques. (L’évidence philosophique de la pensée de Heidegger en témoigne brillamment.) Mais s’agit-il bien dans tous les cas de s’interroger de la même science, de la même politique de la science ? Est-ce que ce sont vraiment les sciences et techniques, telles qu’elles sont pratiquées dans la complexité de leurs différences, qui sont ainsi clouées au pilori ? Les sciences contemporaines ne sont-elles pas ignorées des philosophies politiques, objets d’exécration de la part des métaphysiciens ou au contraire mais tout aussi légèrement supposées génératrices d’un bien présent ou futur pour l’humanité ?
La réflexion philosophique récente donc, qu’il s’agisse d’un retour aux textes de la philosophie politique classique, de la phénoménologie ou de l’idéalisme allemand, ignore ou même condamne d’emblée (avec exécration) la question de la science, encore moins de la politique de la science. La philosophie anglo-saxonne quant à elle évite le problème politique tout en véhiculant indirectement un scientisme diffus. L’expression de politique de la science a donc actuellement un sens assez restreint. Comme branche spécialisée des sciences politiques, elle est supposée, hors de la philosophie politique qui n’en traite pas directement, concerner un secteur restreint et spécifique de l’activité publique nationale ou internationale ; elle fait l’objet d’une littérature spécialisée qui décrit souvent la « recherche-développement » sans aucun recul critique.
Nous sommes donc assez démunis théoriquement et philo sophiquement : entre la « grande peur » qu’inspire la science et les traces de scientisme qui flottent dans les esprits ; sur ces questions, l’idéologie semble tenir lieu de philosophie. Les seules analyses un peu approfondies dont nous disposons sont généralement des dénonciations très générales et souvent brillantes qui ne tiennent compte ni des différences nationales, ni des changements de nature de ce que nous appelons la science entre le XVII e  siècle et aujourd’hui. Elles tentent d’analyser une forme de perversion du politique par le modèle de la rationalisation gestionnaire qui aurait les sciences pour origine 2 . Elles sont souvent ouvertement ou confusément conservatrices.
L’idéologie du progrès ou le scientisme sont très régulièrement moqués ou vilipendés. Or ces idéaux sont depuis longtemps morts ou même n’ont jamais existé 3 , sous la forme en tout cas qui est dénoncée avec componction par leurs adversaires. Et s’il est une idée reçue, c’est bien depuis le début du XX e  siècle celle de décadence ou de « crise de l’esprit » (Valéry). Les questions rebattues mais jamais traitées d’une manière approfondie des liens de la science avec le III e Reich et du rôle de l’idéologie scientiste dans la construction du système soviétique paraissent freiner la réflexion. D’autres formes d’optimisme irréfléchi concernant la science sont dans leurs effets moins bénignes et mériteraient d’être examinées. Il peut s’agir de la convergence présupposée entre science et démocratie évoquée plus haut. Il peut s’agir aussi des liens supposés naturels et bénéfiques entre la science et l’industrie (y compris l’industrie militaire).
La confiance aveugle dans l’application industrielle des sciences ne concerne pas seulement les positivistes modernistes ou les républicains jacobins. Elle est souvent paradoxalement affirmée conjointement avec une idéologie communautariste et anti-moderne dédaignant les sciences. Il s’agit là d’un des mystères politiques du XX e  siècle, à propos duquel ceux qui font profession de réfléchir sur les sciences ne devraient pas éviter de s’interroger. « Il est d’autant plus curieux que le rôle, l’influence, la place de la science soient à ce point exclus des recherches menées sur les causes mêmes du nazisme, comme si, l’espace d’une catastrophe, la science s’était cantonnée à n’être que la caisse de résonance de quelques médecins fous ou d’une poignée de savants dévoyés. Et pourtant le nazisme, système politique du XX e  siècle, a, bien sûr, dû compter avec la science : malgré une volonté initiale de négation, liée à un profond dédain idéologique, les tentatives de “nazifier” jusqu’au contenu même des sciences les plus “élevées” se sont associées, dans la pratique, à l’exploitation de l’efficacité scientifique par la voie du développement technique 4 . » Il ne s’agit pas seulement, on le voit, de lâchetés individuelles (comme le fâcheux opportunisme politique de certains scientifiques) ou d’un contrôle intempestif de l’enseignement ou de la recherche par la bureaucratie d’un État totalitaire mais de la question du statut de la science et de l’idéologie scientiste (ce qui n’est pas la même chose) dans l’histoire politique du XX e  sièc

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