Naïa
250 pages
Français

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Naïa , livre ebook

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Description

Un village baigné de sérénité, dans une campagne en plein remembrement, rencontre un monde urbain bouleversé.
« Ses yeux avaient toujours leur drôle d’expression, celle d’un homme qui sort du fond de l’eau et il y a, à découvert, l’intérieur de la mort. “Ne rigolez pas, dit-il enfin. Je l’ai vue !!!”
La Sage avait bien autre chose à faire que de s’occuper des paysans en train de fouiner leurs champs. L’aube la surprenait dans la même occupation que la nuit, penchée sur l’étrange créature que l’eau avait jetée dans les bras du pêcheur... »
Quand le mystique laisse entrevoir une part de vérité à l’horizon.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414144990
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-14497-6

© Edilivre, 2017
Exergue

E lle est
E lle était
E lle va
E lle vient…
1
L a campagne ressemblait à un tableau délavé de vert émeraude, de brun châtaigne bouillie et de gris souris mouillée, des hommes accrochés après. Les rafales dégoulinantes lui passaient par-dessus, avec des cris de colère auxquels répondaient les fortes voix du vent. La tempête menait la danse, tour à tour riant et rageant, selon qu’elle croyait en finir avec ces lopins de terre qu’elle sentait toujours accrochés aux vieux fonds bâtis pour l’éternité.
Une sacrée lutte qui durait depuis des siècles, depuis les premiers jours où les deux éléments se faisaient face. Avec le temps, la tempête avait rongé, dévoré, avalé les arbres, feuille par feuille, les changeant en silhouettes dénudées, cachées.
Mais Jack Lumber tenait toujours le coup, ne lâchant ses arbres pour rien au monde, la tempête frémissante comme une bête vivante sous l’élan houleux écrasant, le vent à la face de ses ennemis, cette campagne défendue par les forces mystérieuses de la terre.
Oui, des siècles que ça durait. Aujourd’hui, les hommes protégeaient à leur tour leurs terres aussi vieilles que le monde.
Cette nuit, pourtant, l’orage repris par son désir tenace, menait l’attaque, aidée par les dérangements de l’équinoxe, la mauvaise lune, la magie secrète des saisons en train de muer. Gonflant son ventre orageux, elle passait par-dessus les arbres, retrouvait avec des râles de joie la vraie terre avec ses faiblesses, harcelait les autres points ouverts sans défense, faisait se rejoindre les nuées couleur anthracite venues d’un horizon imaginaire parfois mêlées au-dessus de Jack Lumber comme une seule muraille victorieuse. Cette fois, les hommes étaient combattus jusque dans leurs propres maisons serrées comme un tas de vieux galets. À travers les ruelles étroites où l’eau ruisselait, par-dessus les toits balayés de grands jets arracheurs de tuiles, la tempête cherchait, de porte en porte et au travers des fenêtres, à surprendre le cœur qui battait là pour le troubler, pour l’accorder à ses battements de profondeur.
Mais on s’en foutait bien dans le village de Saint Arts Nous, refermé. Les femmes étaient pareilles aux hommes, avec de l’eau plate autour du cœur, et leur sang coulait dru dans le corps des petits qui ne craignaient rien, venus au monde baptisés trente-six mille fois avant de recevoir l’eau du curé. Quant aux gars, ils buvaient ferme, rassemblés dans le petit bistrot rangé le long de la route. Et chez Michèle, celui qui fait la liaison avec la ville et n’avait plus qu’à se tourner les pouces à cause du sacré temps, c’était une vraie pagaille, une tempête de corps serrés dans un branle-bas de gueulements qui faisaient honte à ceux du dehors.
Le vent devait avoir soif à force de crier : il tournait dans la salle, faisant rouler la lampe, les paniers d’osiers suspendus au plafond, soulevait les nuages de fumée, glissait le long des bouches ouvertes, avalant sa part de boire. Quand il s’en allait, pressé de reprendre ses galopades, laissant leur place à d’autres souffles, c’était, probable, pour étaler partout, dans la nuit, des odeurs de vin et d’alcool chantant avec lui la vaillance des hommes de la terre.
Parfois, un paysan s’en allait frotter son nez au carreau et regardait le dehors, pour voir si une vache n’avait pas foutu le camp. Entre les pierres de la mare, l’eau remuait, en pleine folie, poussée par l’effort du large, lancée contre les trottoirs, les escaladant, courant au ras des maisons, mais obligée de retomber dans la bouillasse, incapable de saccager le travail des forts. Plus loin, des nuages blanchâtres bondissaient sans répit, les vagues d’eau passant et repassant sur la petite route qui, en accalmie relie le village à la ville.
Pas étonnant que le vieux Claude fût encore là, à boire avec les autres. Par ce temps de sauvage, il devait se sentir à l’aise, ce gars sauvage ! Quant à sa vieille on l’imaginait, debout, à la porte de sa cabane, regardant sans peur la campagne avec ses yeux de sorcière.
Oui, on buvait ferme chez Michèle, et les cris donnaient du goût à la boisson. Il y avait là Jack Lumber, Marius, Yvon, et bien d’autres, tous de sacrés garçons qui savaient hisser la vie avec des poings noueux, toujours sous pression aussi bien au bar que sur leurs terres.
Même aux jours d’embellie, il ne fallait pas les regarder trop sous le nez ; ils n’aimaient pas ça, et la chaleur du sang leur donnait vite la démangeaison, tous qu’ils étaient dans le délire joyeux de boire, de se taper sur la gueule ; ça n’empêchait pas de rester copains, de se cogner ou se balafrer souvent sans raison. C’est ainsi que les hommes forts font de la rigolade.
La porte s’ouvrit, plaquée par le vent qui se précipita plus rageusement. Un type était planté sur le seuil, titubant sous les poussées. Qu’est-ce qu’il venait foutre celui-là qu’on n’arrivait pas à reconnaitre ? La femme Michèle poussa un cri : – Un noyé qui sort des étangs ! – Sacré fille avec ses paroles de malheur ! Mais oui, Bon Dieu ! Le gars qui venait d’apparaitre semblait apporté par les nuages, les vêtements trempés d’eau, les cheveux en mèches raides, la barbe collée avec des filets d’écume, la face blême, les yeux ouverts et qui ne cillaient point, montrant cette expression immobile, étonnée, sans éclat, qui marque le regard mort des cadavres rendus par le large. Sait-on jamais ? Les mots de la femme disaient peut-être de la vérité. Les cris cessèrent, les bouches demeurèrent ouvertes. Le tapage de la nuit en parut plus grand. L’homme fit un pas, ses lèvres s’ouvrirent, laissèrent passer des sons venus de très loin. L’eau devait lui boucher la gorge.
– Ben quoi ? Bande de requins ! C’est comme ça que vous recevez un mec qui sort de l’enfer ? Vous en faites des gueules ! À croire que vous me prenez pour un revenant. Mais c’est vrai que je reviens de loin. C’est tout de même moi le Capitaine Jack Lumber ! Hello !
Un soupir passa dans le vent, puis des rires, des cris qui exprimaient un fier soulagement.
– Ah ! c’est toi ? On se disait aussi…
Une énorme rasade descendit dans les gosiers.
– Tout à l’heure, on parlait de toi. On se demandait ce que tu pouvais foutre encore dans ta carcasse de bateau.
– On te croyait parti pour de bon ! ;
– Ce n’est pas encore le jour les mecs !
– En réalité, le lendemain de mon anniversaire, vous vous souvenez les gars, je suis allé à la chasse et le degré d’alcool encore présent me faisait voir les choses en grand.
– Soudain, j’aperçus une laie et ses marcassins au bord de l’étang ; à cause de l’alcool, j’ai cru que c’était une femelle éléphant et ses petits à qui elle apprenait à marcher dans l’eau.
– La femelle brusquement se fit attraper la trompe par un crocodile qui n’était autre qu’un gros brochet à la surface de l’eau en train de chasser. Les marcassins se mirent à rire et moi qui voulais capturer la laie dis au crocodile « On ne fait pas le travail à moitié ici ! le crocodile répondit « il n’y a pas marqué Lacoste sur mon front ! » et la femelle éléphant sans trompe rétorqua « et ça vous fait rire. »
Tous les hommes se mirent à rire, au même moment où la serveuse de Michèle avec son bec de lièvre revint servir au bar et dit « et ça vous fait rire »
Jack Lumber s’arc-bouta contre la porte pour la refermer, la claqua sur la colonne de vent qui se remit à battre et à hurler.
Puis, à travers les corps enfoncés, approcha lentement de la patronne qui n’en finissait plus avec ses signes des croix et son rire caché.
– Du vin !!!…
Et comme la femme prenait un verre, il grogna : – Non Une bouteille.
Quand il l’eut, et débouchée, il la porta à ses lèvres, but à la régalade, si avidement, que le jus lui coulait de la bouche. Ses dents tremblaient sur le goulot.

– J’en avais besoin, dit-il enfin, reprenant haleine.
– Ça va te réchauffer, gars, qu’ils disaient les autres en rigolant. T’es tellement rincé, ma parole, que tu claques des mandibules. T’as dû venir à la nage de ton tracteur ?
Shipper les regarda, tous fondus dans un seul tas de chair avec chacun leur tête. Ses yeux avaient toujours leur drôle d’expression, celle d’un homme qui sort du fond de l’eau et il y a à découvert l’intérieur de la mort.
– Ne rigolez pas, qu’il parla enfin. Je l’ai vue !!!
La Michèle se signa derechef. Les pêcheurs eurent soudain le cœur mou. Bien sûr, ils craignaient Dieu s’ils se foutaient du diable et son train, c’est-à-dire de toutes les manigances de cette garce de tempête qui est la grande femelle du démon. Ils étaient prêts à cracher sur lui et sur elle, mais la salive séchait dans leur gosier au nom du temps maudit. --- --- T’es certain de ça ? Murmura le plus vieux de la bande. Tu n’avais peut-être pas les yeux bien clairs à cause de cette chienlit de temps ?
Shipper haussa les épaules, reprit la bouteille, but encore un sacré coup. Puis il se retourna vers les autres, avec un peu de couleur sur sa figure tirée.
– Vous voudriez bien que j’aie eu le regard bouché. Hein ? Mais rien qu’à vous relever la gueule je sais que vous me croyez. Écoutez-moi, les gars. Écoutez le vieux bucheron et vous le croirez mieux encore.
De nouveau, il s’envoya un coup de raide, parla enfin, avec son bizarre accent qui trébuchait parfois sur les mots :
– Vous pensez bien, les gars que je n’aurais pas abandonné comme ça mon vieux tracteur ; toujours sur la paille, et le dernier, hein ? comme un vrai gold man. On tenait le coup, tous les deux, en vrais camarades, face au temps ! Lui tremblait de toutes ses ferrures, riait, pleurait. Je me cramponnais dur, avec des paquets d’eau qui me

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