La Guerre infernale (Tome Ier)
251 pages
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La Guerre infernale (Tome Ier) , livre ebook

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Description

Que sera la prochaine guerre ? Entre quelles nations éclatera-t-elle ? Comment s’engageront les hostilités ? Où seront les champs de bataille ? A quels engins de destruction les belligérants auront-ils recours ? Jusqu’où sera poussée l’atrocité de leurs effets ? Autant de questions que petits et grands se posent, en France comme ailleurs, non sans quelque anxiété. C’est pour répondre à ce désir de savoir ce que nous réserve l’avenir, que l’amusant conteur Pierre Giffard et le prestigieux dessinateur Robida ont écrit et illustré cette nouvelle publication. Il semble indubitable que le conflit armé dont la planète est menacée sera le plus horrible que l’humanité ait jamais eu depuis le commencement des siècles. Ce sera vraiment LA GUERRE INFERNALE, assez atroce pour rendre désormais impossibles toutes les guerres. Et au moment où des fous prêchent l’antipatriotisme, au moment où d’autres fous rêvent de déchaîner sur leur pays, pour des motifs futiles, toutes les calamités d’un pareil fléau, nous croyons que l’heure est venue de montrer ce que doit être, ce que sera la prochaine guerre, LA GUERRE INFERNALE. Il faut lire ce roman d’aventures extraordinaires, où s’associent les facultés de vulgarisation divinatrice de Pierre Giffard et les coups de crayon prophétiques de Robida (Présentation d’époque, 1908). La Guerre infernale est parue en fascicules hebdomadaires (30) en 1908 et la même année en 2 tomes puis en 1 seul tome. Une réédition en a été faite en 2002 en 3 tomes. En tout, près de 1000 pages, 500 illustrations en NB et 30 couvertures en couleurs !


Pierre Giffard (1853-1922) né à Fontaine-le-Dun (Seine-Maritime), homme de lettres, journaliste et grand reporter, pionnier de la presse sportive. Engagé volontaire à 17 ans en 1870, il finit lieutenant ! Il deviendra un journaliste fameux au Figaro puis au Petit Journal, puis rédacteur en chef du premier journal sportif Le Vélo. Il organise les premières compétitions cyclistes, automobiles, le Marathon de Paris ; se présente à la députation sans succès ; écrit nombre d’ouvrages de vulgarisation scientifique (en collaboration avec Robida) et à partir de 1904, des romans d’aventures dont le chef-d’oeuvre reste cette fameuse Guerre infernale. — Albert Robida (1848-1926), un des très grands illustrateurs des XIXe et XXe siècle. Egalement auteur de nombreux récits d’anticipation.


Voici une nouvelle édition entièrement recomposée (d’après l’édition de 1908), proposée en 3 tomes et reprenant l’ensemble des illustrations d’origine et les couvertures des fascicules.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782366345926
Langue Français
Poids de l'ouvrage 214 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Tous droits de traduction de reproduction et dadaptation réservés pour tous les pays. Conception, mise en page et maquette : © Éric Chaplain Pour la présente édition : © PRNG EDITIONS — 2019 PRNG Editions (Librairie des Régionalismes) : 48B, rue de Gâte-Grenier — 17160 CRESSÉ
ISBN 978.2.36634.125.6 Malgré le soin apporté à la correction de nos ouvrages, il peut arriver que nous laissions passer coquilles ou fautes — linformatique, outil merveilleux, a parfois des ruses diaboliques... Nhésitez pas à nous en faire part : cela nous permettra daméliorer les textes publiés lors de prochaines rééditions.
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PIERRE GIFFARD Dessins inédits de Albert ROBIDA
LA GUERRE INFERNALE Grand Roman d’Aventures er TOME I
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La otte aérienne française traverse la manche pour aller secourir Londres que les Allemands investissent par terre, par eau et par l’air !
LA PLANÈTE EN FEU
La Haye brûle C’est une bien charmante résidence que l’Hôtel de l’Ententequi sirotait du thé, comme un malade, mais ne tarissait pas Universelleen saillies drolatiques.à La Haye. Vous allez en juger. J’y occupais depuis trois mois une chambre princièrement Les plus nobles résolutions avaient été prises ; les plus meublée. riants horizons s’étaient entr’ouverts à nos yeux éblouis ; Ni plus ni moins que l’un des cent vingt diplomates réunis on n’avait parlé que de la fraternité des peuples, désormais au palais Carnegie pour la périodique Conférence de la paix, intangible, grâce au mécanisme si simple du Congrès. C’était je goûtais là, dans de bons draps bien hollandais, le repos beau, beau, beau ! Et la note se soldait par vingt-cinq millions, le plus légitime. disait-on, « ne plus, ne moins » ! Le grand journal parisien qui s’était offert le luxe de ma On n’avait pas seulement parlé de la paix assurée. On avait précieuse collaboration (je cite les propres termes de l’avis aussi dégusté un menu, des vins, comme jamais dans mon qu’il en avait donné à sa clientèle par les moyens de publicité existence de voyageur je n’en rencontrai ! les plus ingénieux) ne regardait pas à la dépense. Cent vingt ambassadeurs ou ministres plénipotentiaires J’avais à ma solde une escouade d’informateurs actifs, qui et presque autant de représentants de la presse des deux me tenaient au courant des mille racontars dont s’emplissait hémisphères, si réservés qu’ils se montrent, ne sauraient chaque jour le vaste parc réservé aux conversations familières, dîner ensemble après avoir réglé les destinées du monde après les séances d’officielle discussion. sans tremper leurs lèvres un peu trop copieusement dans les Le Congrès, la Conférence, comme vous voudrez appeler divins breuvages qui viennent de Bordeaux, de la Bourgogne, l’institution philanthropique imaginée un jour de 1895 par le de la Champagne, du Rhin, du Cap, des îles Fortunées. Et les tsar Nicolas II, venait de clôturer une fois de plus, en cette fin liqueurs, après le café ! Et les cigares ! de septembre, son œuvre platonique par l’inévitable banquet. Si j’ajoute que le banquet de clôture nous avait été servi Les ambassadeurs des puissances y avaient convié la presse, par le Vatel même du luxueuxHôtel de l’Entente Universelle, cette auxiliaire indispensable de leurs efforts, et les plus beaux un palais dans son genre, d’une valeur de vingt millions, on discours du monde avaient été prononcésinter poculacomprendra que les heureux élus qui vécurent cette soirée. Du reste, au cours de la journée, presque tout le monde avait en aient gardé le souvenir. été décoré. J’étais placé entre le commodore Clayton, un Hélas, pour d’autres raisons aussi ce souvenir demeurera marin anglais flegmatique, roux de poil, qui causait peu mais dans mon esprit, vivace, extravagant, je dirais impérissable, si buvait sec, et le major japonais Kasatsuka, un petit bonhomme nous ne devions tous périr à notre heure avec nos impressions.
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Je dois ajouter, pour en finir rapidement avec la courte préface de ce récit, que M. Vandercuyp, le nabab proprié-taire de l’Hôtel de l’Entente, m’avait fait promettre de rester à La Haye quarante-huit heures de plus que ne le compor-tait mon programme, pour assister, avec nombre de mes confrères et quelques gros bonnets de diverses chancelleries, lle au mariage de sa fille unique, M Ada, une blonde enfant de dix-huit ans, jolie comme un cœur, avec des yeux bleus de poupée, délicieuse en sa fraîcheur potelée comme le sont la plupart des jeunes demoiselles hollandaises. lle M Ada — qu’on appelait dans toutes les langues miss Ada, sans doute parce que son fiancé était un jeune officier de l’armée anglaise, le lieutenant Tom Davis, — m’avait fait promettre dans la soirée, pour la troisième fois, comme si elle eût douté de ma parole, de me joindre au cortège de ses parents et amis, qui le lendemain à midi viendraient la chercher avec son fiancé pour la conduire à l’autel. Il me souvient très bien à présent que mes dernières paroles furent, avant de me rendre dans la salle royale du banquet : Comptez sur moi, mademoiselle. Je serai là. Et l’An 2000(c’est le titre du richissime journal qui m’avait cette année-là délégué au Congrès de La Haye) en rendra compte avec un luxe de détails qui fera enrager plus d’une princesse. Oui, mademoiselle Ada, voilà comme nous sommes à Paris ! Vous verrez, vous verrez !.. Je reposais donc tranquillement allongé dans mon lit. Il pouvait être quatre heures du matin... oui, quatre heures, car on touchait à l’automne et la nuit restait atrocement noire, quand se passèrent les incidents dont le récit va suivre. Je venais de me réveiller et de constater l’heure en faisant sonner le chronomètre accroché au chevet de mon lit, lorsque tout à coup les couloirs de l’immense hôtel s’emplirent de rumeurs. C’était comme une émeute. J’eus très vite la per-ception d’un danger considérable, au brouhaha qui grossissait de seconde en seconde, et sans autrement réfléchir je pensai que le feu venait de se déclarer dans l’immeuble. Ayant tourné le bouton de lumière je fus tout surpris de n’obtenir aucun résultat. Les bruits de la foule montaient d’en bas, de plus en plus forts, de plus en plus inquiétants, car les voix se faisaient éplorées, perçantes, comme affolées, et je restais plongé dans l’obscurité. J’allais recourir aux pastilles fluorescentes qui remplacent à présent sur les cheminées de nos chambres les allumettes du temps jadis, mais je n’en eus pas le temps. Deux coups de poing, trois coups de poing formidables ébranlèrent ma porte, dominant les clameurs confuses qui se succédaient sans interruption. — Qui va là ? demandai-je, très bourru. — C’est Wang, Moussi, répondit une voix étranglée que je connaissais bien, sans lui avoir jamais trouvé ce ton lamentable. C’est Wang, Moussi ! Vite ouvri ! Fini dormi ! Grand malhir ! C’était Wang en effet, mon boy chinois, un type, de ser-viteur baroque, mais fidèle, que j’avais ramené jadis du fond de la Mandchourie. Pour que Wang se permît de heurter à la porte de son maître avec cette désinvolture, il fallait évidemment que le cas fût grave. Je ne m’attardai pas à des devinettes. Vite je sautai hors du lit et, dans le simple appareil, en bannière, comme on dit, je saisis le verrou de la porte. Je le tournai fébrilement ; Wang de son côté tenait la poi-gnée ; il la tourna de même et cette fois un peu de lumière entra dans ma chambre, car le Chinois tenait à la main cette chose bien vieillotte, un rat de cave, qui brûlait assez pour me laisser apercevoir derrière lui des silhouettes effarées
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de voyageurs. Les uns vêtus à demi, les autres aussi primiti-vement accoutrés que moi-même, se croisaient, s’interpel-laient, levaient les bras au ciel et poussaient des exclamations auxquelles je ne comprenais rien. — Ah ! mon Dieu ! — Quel malheur ! — Qui eût pu croire ! L’hypothèse d’un incendie de l’hôtel me semblait à ce point la seule admissible, que, la porte une fois refermée sur Wang tout hébété, je demandai à mon boy, en enfilant mon caleçon : — Où est le feu ? — Partout, répondit le Chinois en ouvrant des yeux et une bouche absolument épouvantés. — Comment, partout ? — Oui, Moussi. — Tout l’hôtel brûle ? Alors, vite, sauvons-nous ! — Non. L’hôtel ici pas brûler. Mais là, Moussi, vois, toi, là, Moussi, fit-il en ouvrant une fenêtre sur la ville d’ordinaire si calme de La Haye... J’avais avancé le buste sur le balcon. Saisi d’horreur je reculai. A mes pieds, dans la nuit affreusement illuminée, quinze foyers d’incendie rougeoyaient. Des bâtiments royaux, des pâtés de maisons où se trou-vaient d’autres beaux hôtels, les musées, les halles, les usines d’électricité, des bateaux même entassés les uns contre les autres sur le canal flambaient comme des copeaux. — Comment, m’écriai-je, le feu a-t-il pu prendre en autant d’endroits à la fois ? C’est de la malveillance. Le boy ayant ouvert la seconde fenêtre de manière à m’éclairer commodément aux lueurs sinistres des incen-dies, souffla son rat de cave et, le bras étendu vers les belles choses qui s’effondraient dans des torrents de flammes, au milieu du vacarme épouvantable que faisaient par les rues les escadrons de police, les automobiles des pompiers, la foule de plus en plus compacte et toujours courante, avec des cris de terreur folle : — Ça, Moussi, tu vois, beau travail de la Conférence ! — Comment ? Quoi ? Qu’est-ce que tu nous chantes là ? Quel rapport ces incendies peuvent-ils bien avoir avec la Conférence ? Wang-Tchao, en français le Roi du Marché, ne manquait pas de littérature. Sans doute celle de son pays ne l’avait jamais préoccupé, mais au milieu des Français son intelligence très vive s’était accommodée des choses de notre Europe. Il avait des idées, qu’il exprimait mal ; voilà tout. Je considé-rai une seconde ce Jaune, cet homme de là-bas, ce « type inférieur » d’après notre morale, qui de son doigt féroce me montrait toujours la fournaise crépitante, les progrès du fléau ravageur. Il me sembla que ses dents affreusement noires se dégageaient sous la lèvre crispée pour accentuer un mauvais sourire. Mais ce ne fut qu’une vision rapide. Je n’avais pas le temps de philosopher. — Voyons, fis-je en secouant Wang-Tchao par les deux épaules. Je ne dors pas, toi non plus. Et toute la ville brûle ! Qu’est-ce que cela signifie ? — Ça, Moussi, répondit-il en me pressant de m’habiller, ça, Moussi, c’est la guerre ! — La guerre ? Quelle guerre ? Ah ! çà, tu es fou !
Au mégaphone Le boy protesta, de ses deux mains vite étendues. répondre de mes collaborateurs. Où sont-ils ? La fine équipe — La guerre, Moussi ! Toi demande à tous ces Moussis des chercheurs de nouvelles : Jouvin, Pigeon, Malaval et Co-qui passent !.. quet ? Où est-elle ? Très forte pour banqueter, oui, je sais. C’était, en effet, ce que j’avais de plus simple à faire : Quant au reste... interroger au vol quelqu’un des voyageurs qui s’enfuyaient, Mon mécontentement n’alla pas plus loin. A ma grande affolés, dans les corridors privés de lumière. satisfaction j’entendis la sonnerie me répondre. Sûrement, Rouvrir ma porte fut l’affaire d’un instant. on m’appelait tandis que j’appelais moi-même. Une voix de Je tombai, par un heureux hasard, sur mon voisin de chambre stentor répondit alors du plafond, où se trouvait placée la au quatrième étage, M. Fish, un secrétaire du ministère des plaque vibrante du mégaphone, l’admirable amplification du États-Unis. Il boutonnait hâtivement son gilet, prêt à endosser joujou que l’on se collait jadis aux oreilles. un veston et à filer... — C’est vous, patron ? interrogea la voix entre deux solives — De grâce, mon cher voisin, fis-je, que se passe-t-il donc ? apparentes. — Oh ! c’est très grave, d’après ce que vient de m’apprendre — Oui, c’est moi, répondis-je d’un ton sec. Vous voilà M. Bird, mon collègue. Il a vu toute la scène. enfin, Pigeon ? — Quelle scène ? — Moi ? mais je... Nous sommes tous sur pied, patron. Les — Mais la scène du sorbet, celle qui a mis le feu aux poudres. trois autres circulent pendant que je viens vous téléphoner. — Du sorbet... qui a mis le feu... Ah ! ah !.. J’achevai vite de me vêtir, le nez en l’air, les oreilles tendues. J’eus l’air si godiche, si balourd en répétant dans un balbutie- — A la bonne heure ! Mais voyez donc si le téléphoto-ment ces mots dont le sens m’échappait que mon Américain, graphe fonctionne chez vous ? Le circuit est peut-être isolé M. Fish, collègue peu patient de M. Bird, s’éclipsa sans me de celui de l’éclairage ? dire un mot de plus. Dans la demi-clarté qui s’échappait de — Oui ! ça marche ! Regardez, patron... me voyez-vous ? ma chambre entr’ouverte j’aperçus un haussement de ses Distinctement, je voyais la figure un peu efféminée de Pigeon épaules... Il avait déjà disparu. apparaître en noir et blanc sur la plaque téléphotographique. Instinctivement, je cherchai quelqu’un d’autre à qui parler ; — Parfaitement, vous devez être tout pâle, mon cher. mais tous les clients de mon étage étaient déjà descendus, — Il y a de quoi. Derrière moi tout flambe ! dans un hourvari assourdissant. — Où vous trouvez-vous donc ? Au même instant une détonation sinistre fit trembler les — Dans les bureaux du secrétariat, au Palais de la Paix. murs de l’hôtel. Une seconde la suivit de près, plus forte et — Bon. Dépêchez-vous de me mettre au courant, car je prolongée. On eût dit que quelque poudrière sautait. Des ne sais rien, si ce n’est que tout brûle dans la ville. années plus tôt, j’eusse pensé à l’explosion d’un gazomètre. — Eh bien voici : c’est la guerre ! Mais je me dis que depuis longtemps déjà les gazomètres — Encore ? avaient disparu du centre des grandes villes, toutes vibrantes — Comment, encore ? d’électricité. Je pressai sur le bouton des appels téléphoniques, — Je m’entends. Je pense à Wang, qui est là devant moi. sans confiance. La lumière était supprimée, la parole devait Le voyez-vous ? l’être aussi, dans ce cataclysme soudain dont j’eusse payé — Oui, je le vois aussi... Il a l’air bien chose, ce pauvre Wang. l’explication bien cher. — Il est entré comme un bolide, voilà trois minutes, en Ah ! la minute fut émotionnante. me criant : c’est la guerre ! — Et mes nègres ? fis-je au Chinois, comme si Wang eût pu — Il a eu raison. — Expliquez, de grâce, car si l’incendie nous coupait avant que vous ne m’ayez dit ce qui se passe, je deviendrais fou. Il y a le sorbet, n’est-ce pas, qui a mis le feu ?.. — Précisément ! je résume : quand vous avez eu quitté le banquet de clôture, la réception finale, en manière de gala, a commencé au Palais-Royal avec accompagnement d’orchestres, de danses, et de tout le tralala ordinaire en ces festivités. La conversation était très courtoise dans le cercle formé par les ambassadeurs des puissances autour du président de la République batave, ce bon M. de Groot-Backuysen, lorsque les valets de pied s’occupèrent à offrir des sorbets. Comment la chose s’est-elle passée ? C’est le diable pour en connaître en aussi peu de temps les détails. Toujours est-il que sur une question puérile — oh ! combien — de préséance pour la présentation du sorbet, l’ambassadeur d’Allemagne, le prince de Lichtenthal-Schwarzenbourg s’est froissé... — Ça ne m’étonne pas. Mauvais coucheur ! — Il a dit un mot un peu raide que l’ambassadeur d’Angle-terre, sir Harry Newhouse, a relevé sur le même ton. — Alors ? — Alors les choses se sont envenimées. Je ne sais quel gaffeur, ayant voulu apaiser le conflit, l’a au contraire com-Distinctement, je voyais la gure de mon collaborateur apparaîtrepliqué. Si bien que sir Harry Newhouse, très monté contre en blanc et noir sur la plaque téléphotographique.
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son collègue depuis les récentes discussions en séance, a déclaré qu’il ne tolérait jamais un affront et que sur l’heure il exigeait pour celui-là des excuses formelles au nom de l’Empire Britannique. — Oh ! la, la, la, la ! — Vous pouvez le dire. Est-ce bête, tout de même, d’en rester encore aux disputes de ce genre...? — Comme au temps de Louis XIV ! Et alors ? — Alors, l’Allemand est sorti presto ; l’Anglais en a fait autant, devant les plénipotentiaires de la paix ahuris. Chacun des deux adversaires est allé téléphoner à son gouvernement. L’incident du sorbet s’était passé à 2 h. 10 de la nuit. Nous l’avions connu à 2 h. 17, au grand Café Krasnapolski, où nous faisions un bridge. A 2 h. 25 on apprenait que le roi d’Angleterre avait accordé trente minutes à l’empereur de Berlin pour la présentation des excuses. — Finalement ?.. — Finalement il n’était pas 3 heures qu’une escadrille d’aérocars prussiens, embossés quelque part aux confins de la frontière hollandaise, en Westphalie, passait au-dessus de La Haye, en route pour la côte anglaise... Et sans doute en manière de réponse, pour montrer le peu de cas qu’ils font des palabres pacifistes, leurs occupants laissaient tomber en passant au-dessus de la capitale... — De la capitale d’un état neutre...
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— J’allais le dire... une douzaine de pétards grégeois. Le feu s’est déclaré aussitôt sur plusieurs points, comme vous avez dû le voir de vos fenêtres. Les cent et quelques pléni-potentiaires, affolés, se sont précipités aux téléphones. On dit qu’ils s’étaient au préalable fortement disputés, chacun d’eux tenant pour son allié, son ami. Les plus malins ont fait mettre en route leurs automobiles et sont partis dans toutes les directions, laissant à des secrétaires le soin de donner par les câbles, s’ils ne sont pas coupés, les premières informations à leurs gouvernements. — Alors, c’est la guerre ? — Sans aucune espèce de doute. — Comme ça ? Sans avis préalable, sans déclaration ?.. — Voyons, patron, vous savez bien que depuis longtemps, à chaque Conférence de La Haye, on répète solennellement que toutes hostilités devront être précédées d’un ultima-tum ou d’une déclaration... Ce sont là de ces choses qu’on écrit sur le papier diplomatique ; mais au moment décisif il est important, très important de les oublier. Songez donc qu’aujourd’hui la mobilisation des forces d’air, de terre et de mer joue dans chaque pays sur des minutes, sur des minutes ! — Alors, c’est bien vrai, Pigeon ? Vous ne me racontez pas des blagues ? — Mon cher patron, je ne me permettrais pas des blagues de ce calibre-là. Que nos plénipotentiaires aient eu cette
Une escadrille d’aérocars prussiens, embossés en Westphalie, passait au-dessus de La Haye, en route pour la côte anglaise...
nuit la parole un peu plus haute que de coutume, après les vins généreux dont la République Batave les a régalés, rien de plus probable. Mais du diable si j’eusse jamais pu croire que, pour une piqûre d’épingle évidemment involontaire, pour un sorbet, deux grands empires allaient en venir aux mains de cette façon brutale... — C’est effrayant, Pigeon ! — Vous l’avez dit, patron. — Et il n’y a pas eu de médiation tentée ? Personne ne s’est interposé ? — Rien à faire. Les téléphones ont été accaparés par Londres et Berlin. On a bien essayé de Paris, de Rome, de Tokyo d’arranger les choses par un compromis. Mais vous savez que les pires sourds sont ceux qui ne veulent point entendre. Depuis le temps qu’on dit : la guerre est inévitable, la guerre est inévitable, eh bien ! la voilà ! Les deux adversaires ont chacun l’opinion flatteuse qu’elle doit tourner à son avantage et qu’après cela, toute nouvelle lutte sera devenue impossible. Alors chacun d’eux se dit qu’il faut ruiner une bonne fois le rival, l’infatigable concurrent, qui se permet de vouloir commander seul sur tous les marchés du monde ! Je... Pigeon allait continuer : mais un bruit sec se fit entendre au plafond. Son image disparut, sa voix s’éteignit. Après la lumière, la parole était coupée. J’en savais assez pour me mettre en communication avec l’An 2000et lui faire connaître les stupéfiants événements qui s’accomplissaient de minute en minute, en attendant le jour.
— Allons, dis-je à Wang, partons pour le télégraphe ! Tu as ton revolver ? — Oui, Moussi. N’oublie pas de prendre le tien. — Le voilà. L’aurore s’annonçait, décolorant le décor sanglant des incendies. Dans l’escalier de l’hôtel nous descendîmes les derniers. Mais à peine avions-nous touché le palier du premier étage qu’un groupe éploré se précipitait au-devant de moi. J’avais vite reconnu M. Vandercuyp, le propriétaire de me l’hôtel, un colosse à barbe de patriarche, M Vandercuyp, forte personne rousse, tout à fait dans la manière des cita-e dines hollandaises peintes par les maîtres du XVI siècle. Et au milieu d’un essaim de femmes de chambre miss Ada, enveloppée dans un long manteau d’homme, une casquette de marine sur la tête, comme si elle eût été prête à s’embarquer. — Oh ! monsieur, criaient ensemble le père et la mère, c’est vous que nous cherchons ! Les anarchistes viennent de faire leur œuvre ; c’était à prévoir. A leur tour, profitant du désordre, ils ont incendié l’Hôtel de Ville ; ils vont piller partout. C’est la Commune, monsieur, qui commence à La Haye ! Ne restez pas une minute de plus ici. Votre aérocar est au quatrième ; il accoste le balcon. Prenez-y place au plus vite et ayez la complaisance de sauver notre chère fille, en la conduisant hors d’ici, n’importe où, pourvu qu’elle échappe aux horreurs qui se préparent dans notre malheureuse cité !
L’Austral Sauver miss Ada ! La conduire n’importe où ! Dans mon qui m’était confié. Et comme but de son premier voyage M. aérocar qui m’attendait au quatrième ! Martin du Bois avait désigné La Haye. C’était symbolique. Une seconde, je crus que ces braves gens étaient fous Où fallait-il que j’eusse la tête pour avoir oublié tout cela ? et que je l’étais devenu moi-même. Mais ce ne fut qu’une La surprise brutale du réveil, sans nul doute, l’arrivée de seconde... La raison me revint bien vite, avec une perception Wang, les incendies, le sorbet, la dispute des ambassadeurs, très nette de la réalité. la guerre déjà commencée m’avaient abasourdi, si bien que Oui, j’étais effectivement venu à La Haye, pour y repré- j’étais demeuré coi... tout d’abord, devant les adjurations senter l’An 2000, dans le superbe aérocar de plaisance que pressantes de M. Vandercuyp et de sa femme. Mais, je le le journal avait fait construire à mon intention. Six mille répète, ce ne fut qu’une seconde. mètres cubes, s’il vous plaît ! — L’Australlà-haut ?  est demandai-je en offrant respec-Au temps jadis le directeur de la puissante publication tueusement mon bras à miss Ada. Alors c’est Morel qui a parisienne m’eût attribué un yacht, sur lequel j’eusse com- pris sur lui de l’y amener... modément suivi les événements qui chaque année occupaient — Oui, patron, cria du quatrième palier une voix de ton-l’attention de l’Europe. Mais le temps des yachts était passé. nerre, que je reconnus pour celle de mon excellent pilote. Depuis des années déjà la navigation sur les flots n’intéressait Oui, j’ai pris sur moi de mettre en route et d’accoster chez plus guère. vous. Il n’est que temps de disparaître, croyez-moi. Tout va — C’est sous la mer que frétillent aujourd’hui les flottes brûler ici dans les vingt-quatre heures. Et le branle-bas de les plus impressionnantes des grandes puissances, s’était guerre est peut-être commencé par toute l’Europe depuis écrié M. Martin du Bois, mon excellent directeur. Je vous vingt-cinq minutes. Si vous voulez regagner Paris, patron, il offrirais bien un sous-marin pour exercer votre ministère ; n’est que temps. mais il me paraît plus utile de faire construire à l’intention — Vous avez bien fait, criai-je en remontant les deux étages de notre représentant le véhicule « dernier cri ». Le navire doucement pour ne pas effrayer trop la jeune fiancée du lle de l’air, l’aérocar, celui qui a changé la face du monde en lieutenant Davis. Préparez une place pour M Vandercuyp : supprimant les frontières, voilà ce qu’il faut au reporter en elle nous accompagne en France. chef de l’An 2000ordre bref rapidement exécuté, une minute encore! Un Et, dans le délai de six mois, j’étais entré en possession d’un et notre cortège, réuni dans ma chambre, s’arrêtait, éclairé merveilleux yacht volant. Il avait fallu payer une forte prime par le jour qui grandissait, devant l’Austral. Accroché au à laSociété française de construction d’embarcations aériennespar de solides crampons d’acier, l’aérocar fusiforme, balcon tant il y avait de demandes depuis que la dirigeabilité, la se balançait dans l’air. La jeune fille ouvrait de grands yeux, stabilité, la sécurité enfin de ces engins destinés à naviguer un peu inquiets, à ce qu’il me sembla. dans le ciel n’étaient plus contestables. Mais l’argent n’est — N’ayez crainte, mademoiselle, m’empressai-je de lui pas ce qui manque dans la caisse de l’An 2000pour la rassurer. Le temps n’est plus où les ballons,. dire Austral! Nous avions ainsi dénommé l’admirable esquif comme on disait jadis, tournoyaient dans les nuages au gré
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des vents. Vous savez à quels résultats la science humaine en est arrivée, puisque des escadres entières d’aérocars armés en guerre sont peut-être engagés dès ce matin dans une abominable tuerie. L’Australvaut les meilleurs torpilleurs aériens de la flotte française. En quelques heures il va nous conduire à Paris, où je vous déposerai le plus doucement du monde chez... ? J’interrogeai du regard le papa et la maman. — Chez nos parents, mon cher monsieur, répondit M. Vandercuyp, dans le bas de la rue du Bac, si large et si belle à présent. Ils tiennent là leGrand Hôtel de Néerlande. — Oh ! je connais ! Un palais superbe. — Mon beau-frère, Guillaume Wouters, et sa femme, la me sœur de M Vandercuyp, recevront avec bien de la recon-naissance le précieux colis que nous vous confions, mon cher monsieur. Miss Ada fit une petite moue à « précieux colis », puis se jeta dans les bras de sa mère en pleurant. Après quoi ce fut son père qu’elle embrassa. Mais je vis, à la façon dont elle se tamponnait les yeux, l’expansion filiale terminée, qu’il y avait dans cette délicieuse poupée blonde et rose un ressort joliment trempé. — On aime ses parents, dit-elle en manière d’adieu aux trois femmes de chambre qui portaient des valises, des sacs, des cartons à chapeaux destinés à prendre place dans ma coque avec la jolie voyageuse... Oui, on les aime bien, mais on aime encore mieux, du moins autrement, plus passion-nément, son fiancé. Or le mien, celui-là même qui devait m’épouser demain... — Eh bien ? interrompis-je, inquiet du sort de son lieute-nant, dont j’avais fait l’agréable connaissance huit jours plus tôt, lui serait-il arrivé malheur ? Les larmes avaient reparu, grosses, roulant comme des perles sur les joues de la malheureuse fiancée. — Non, monsieur, ou du moins pas encore, j’espère. Mais il a été rappelé cette nuit à Londres, c’était inévitable, à la suite de sir Harry Newhouse, à qui mon cher Tommy servait de premier secrétaire pour les questions techniques de sa compétence. — L’ambassadeur est déjà parti ? — Oh ! confirma vite la maman, à quatre heures tous les Anglais de l’ambassade s’embarquaient à Scheveningue, sur un croiseur sous-marin, mouillé en rade depuis l’ouverture de la Conférence. — Comment savez-vous tant de choses ? — Par la Sans-Fil duHandelsblad, notre grand journal, notre An 2000, à nous. — Elle fonctionne encore ? — Jusqu’à présent son électricité n’a pas été touchée. Elle a continué à envoyer les nouvelles à ses abonnés par signaux lumineux jusqu’au petit jour. — Eh bien ! madame, monsieur, déclarai-je alors aux parents, tandis que Wang emportait à bord les colis de miss Ada et les miens, j’accepte le précieux dépôt que vous me confiez. Si rien ne contrarie notre voyage, mademoiselle pourra vous téléphoner de Paris, vers midi, qu’elle déjeune chez sa tante, à l’hôtel de Néerlande. me Les yeux de M Vandercuyp brillaient de satisfaction. — Oh ! merci, monsieur, merci, fit-elle en me prenant les mains. — Allons, Morel, nous sommes parés ? demandai-je au pilote. — Parés, commandant, quand vous voudrez... D’en bas,
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les tourbillons de fumée noire nous apportaient une odeur abominable de roussi. Les plaintes et les cris de la population affolée redoublaient. Dans le matin blanc et calme, sans un souffle d’air, les volutes qui s’échappaient de ces mystérieux bûchers, allu-més d’en haut par les grenadiers allemands et d’en bas par les anarchistes, nous apportaient une suie âcre et sinistre. Vraiment c’était une effroyable chose que cette destruction rapide, par le feu, de la grande et belle ville aux parcs riants, aux allées fleuries, qui, la veille encore, avait charmé de ses ombrages les délégués de toutes les puissances célébrant à l’envi les bienfaits d’une inaltérable paix... Quelques quarts d’heure avaient suffi pour transformer en un enfer cet éden délicieux ! Il n’y avait pas de temps à perdre. Morel paraissait au cou-rant ; il me raconterait en route ce qu’il avait pu apprendre. Au surplus Pigeon arrivait, essoufflé, en compagnie de Malaval, son inséparable. — Bien, dis-je aux deux amis. Vous revenez avec moi. M. Vandercuyp voudra bien donner aux deux autres les ins-tructions que voici : rester à La Haye jusqu’à ce qu’on leur dise de rejoindre Paris ou d’aller ailleurs, et téléphoner au journal trois fois par jour. — Mais si le téléphone est coupé ? interrogea Pigeon. Et je crois qu’il l’est ? — Vous voilà embarrassé ? Télégraphie sans fil, parbleu ! — Mais si l’État néerlandais refuse de transmettre les dépêches privées ? Dans une cacophonie comme celle-là, ce serait la chose du monde la plus naturelle ? — Que voulez-vous, mes enfants ? A l’impossible nul n’est tenu. Ils resteront ici et ils feront leurs efforts pour maintenir le
Miss Ada Vandercuyp.
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