Initiée
311 pages
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Description

À chaque solstice d’été, à l’issue d’une année d’initiation, les jeunes de la tribu ankha, garçons et filles, quittent leur désert natal afin de parcourir le monde pour la durée prescrite par les Esprits.
Comme les autres, Kara prend la route avec pour seuls guides une vision et une étoile à suivre. Quatre cent vingt jours pour marcher vers le nord et en revenir, c’est beaucoup, mais le monde peut s’avérer plus vaste qu’on ne le croit, et les visions ne sont pas toujours de bon augure.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 décembre 2018
Nombre de lectures 4
EAN13 9782312063973
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Initiée
Stéphanie Creusot
Initiée
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Aramis , Les Editions du Net, 2017
Illustration/graphisme :
Sophie Ciancaleoni-Pardo
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-06397-3
Chapitre 1
Le soleil se levait. Par l’ouverture du toit de la hutte ronde des filles, les premiers rayons se frayaient un passage pour aller caresser les paupières des dormeuses. Elles étaient huit, âgées de treize à seize ans, et étaient devenues nubiles l’année précédente.
Ainsi que le voulaient les rites de la tribu ankha, à la fin de chaque saison des récoltes, les jeunes filles devenues pubères dans l’année entraient en retraite un an durant pour y subir l’initiation. Il en allait de même pour les garçons, mais il s’agissait pour eux de tuer à la chasse leur premier gibier pour pouvoir être initié. Si les filles chassaient aussi, il importait peu qu’elles aient ou non déjà pris une proie ; c’était leur propre sang qui devait couler, pas celui d’un quelconque animal innocent. On ne les considérait pas alors comme impures, comme c’était le cas dans certaines tribus plus primitives, mais simplement comme des femmes en devenir, prêtes à prendre une part active à la vie de la communauté.
Chez les Ankhas, hommes et femmes vivaient sur un pied d’égalité, ou peu s’en fallait : si les femmes n’étaient pas des guerrières, elles n’en connaissaient pas moins le maniement des armes, et en plus de chasser, elles étaient aussi capables de construire les huttes rondes aux murs tressés et aux toits de chaume. Quant aux hommes, ceux qui avaient des enfants s’en occupaient tout autant que leurs épouses, et tous, mariés, célibataires ou veufs, savaient tenir un intérieur. Tout cela, et bien d’autres choses encore, les Ankhas l’apprenaient pendant l’année que durait leur initiation.
Le pan de tissu qui servait de porte à la hutte des filles se souleva, et un flot de lumière pénétra l’abri comme Alhena, la femme du chef, se glissait à l’intérieur. C’était elle qui se chargeait principalement de l’initiation des jeunes filles, non à cause de son rang, mais parce qu’elle avait acquis le statut de femme-sage : elle avait accompli son voyage initiatique dans le temps exact prescrit par les Esprits – bien peu parvenaient à respecter ce délai – et avait rencontré plusieurs chamans et sorciers d’autres tribus, ramenant parmi les siens quantités de nouvelles connaissances et des liens d’amitié précieux. Alhena avait quatorze ans cette année-là, et depuis vingt-huit étés, c’était elle, en compagnie de trois autres femmes – des femmes-sages, comme elle – et de cinq hommes, qui s’occupaient des rites accompagnant les jeunes gens dans leur passage de l’état d’enfants insouciants à celui d’adultes responsables.
Alhena s’agenouilla au milieu du cercle des jeunes filles, ramenant sa tresse d’or fauve derrière son épaule, et frappa doucement ses mains tatouées l’une contre l’autre.
« Debout mes chéries. Il fait grand jour. »
Huit silhouettes remuèrent dans la pénombre trouée de taches de soleil. Huit têtes ébouriffées émergèrent de sous les peaux qui les couvraient, dans un concert de bâillements et de grommellements ensommeillés.
Cette année-là, aucun des enfants d’Alhena et du chef Kitalpha ne se trouvaient parmi les initiés. Leur dernier-né avait passé l’épreuve deux étés plus tôt. Pour autant, Alhena n’aurait de cesse de se ronger les sangs jusqu’à ce que tous aient regagné le village. Et à peine seraient-ils de retour que les initiés de l’année suivante partiraient à leur tour. En somme, Alhena ne cessait jamais de se faire du souci, et elle aurait aimé qu’il en fût autrement. Mais on ne pouvait empêcher de jeunes gens sans expérience de succomber face aux dangers d’un tel voyage. Si un initié mourait, c’est que les Esprits en avaient décidé ainsi. Et mieux valait la mort que la disgrâce pour avoir fui. Car celui qui n’allait pas aussi loin qu’il le devait et revenait trop tôt n’avait plus qu’à essuyer toute sa vie les quolibets des autres.
Alhena observa l’une après l’autre les huit jeunes filles maintenant assises autour d’elle. Ava, la plus jeune, avec ses boucles brunes emmêlées et ses étranges yeux violets. Lil’, dont elle était sûre qu’elle possédait la Vision. Ses deux amies, Deva, dont le frère jumeau occupait la tente des garçons, et la blonde Kara. La trop sérieuse Hya, qui n’avait pourtant que quelques lunes de plus qu’Ava. L’intenable Tsih. Ruana, la chasseresse, capable d’abattre une proie à plus de cent pas. Et l’aînée des huit, la douce Atria. Dans quelques jours, elles allaient enfin pouvoir quitter la hutte qu’elles occupaient depuis bientôt un an, à l’écart du village, assez loin pour que nul ne puisse même les apercevoir. Mais il y avait encore beaucoup à faire avant le solstice d’été.
« Demandons aux Esprits de bénir cette journée, reprit Alhena . »
Elle joignit les mains, paumes tournées vers le ciel, avant de les élever au-dessus de sa tête. Les huit jeunes filles suivirent son exemple en prononçant les paroles rituelles, la première chose qu’elles aient apprise en entrant en réclusion :
« Esprits de la terre, du ciel, de l’eau et du vent,
Gardiens de la tribu,
Eclairez mon chemin
Bénissez votre enfant. »
Puis , toutes ensemble, elles s’inclinèrent jusqu’à toucher de leur front les nattes qui couvaient le sol de terre battue avant de se relever.
Dehors, Nell, Sirrah et Zaniah, les autres femmes-sages de la tribu, avaient tendu des nattes sur le sol autour de la marmite où mijotait le petit déjeuner : une bouillie épaisse faite de lait de chèvre, de farine de manioc et de miel. Les filles prirent place en silence et saisirent les bols qu’on leur tendait avant d’y plonger, presque machinalement. Aucune d’entre elle n’était encore vraiment réveillée, mais Alhena les connaissait bien, elle savait qu’avant même qu’elles n’aient terminé leur bol et que Sirrah leur ait distribué les petits pains de maïs, elles auraient émergé et se mettraient à pépier comme des oisillons. Il était surprenant, pensait Alhena, que des jeunes filles qui ne s’étaient pas quittées un seul instant depuis près d’une année, aient malgré tout encore tant de choses à se raconter.
« Les premiers voyageurs sont-ils revenus ? s’enquit Deva par-dessus sa chope de bière légère allongée d’eau. »
Les trois cent cinquante jours prescrits par les Esprits étaient presque écoulés.
« Pas encore, répondit Nell. Au moins, cette année, n’y aura-t-il pas de disgracié.
– Pourquoi ? Il reste encore plusieurs jours, non ? fit Ruana en fronçant les sourcils. »
Nell eut un sourire indulgent pour la jeune fille, mais Zaniah, elle, la réprimanda vertement.
« Allons, n’as-tu pas appris à lire les étoiles pendant ta réclusion ? Que te disent-elles ? »
Machinalement, Ruana leva les yeux vers le ciel avant de se rappeler qu’il faisait grand jour et de baisser la tête, contrite.
« Je te demande pardon, Mère Zaniah. Je n’ai pas réfléchi.
– Eh bien tâche de le faire, à l’avenir, rétorqua la femme-sage d’un ton adouci. »
Puis elle refit passer la corbeille de pain de maïs.
« Vous savez toutes, commença Alhena, qu’il ne vous reste que quelques jours avant le Grand Voyage. Vous avez étudié la majorité de ce qui vous sera nécessaire : l’astronomie, la géographie, vous connaissez tous les peuples que vous avez à connaître, parlez plus ou moins leurs langues, maîtrisez le maniement des armes les plus courantes, savez chasser et préparer le gibier, trouver votre nourriture dans la nature et éviter les prédateurs. Nous avons également abordé le chapitre des plantes et de leurs propriétés. Que reste-t-il ? »
Le silence se fit autour de la table. Huit paires d’yeux fébriles étaient fixés sur l’oratrice. Toutes savaient, mais aucune n’osait le dire.
« Parler aux Esprits, lâcha Lil’ d’une voix plate. »
Ça n’étonnait guère Alhena , que la réponse vienne d’elle : il était probable qu’elle l’ait déjà expérimenté, volontairement ou non.
« C’est cela. Parler aux Esprits. Venez. »
Alhena se leva

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