44
pages
Français
Ebooks
2011
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Ebook
2011
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Publié par
Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
1 648
EAN13
9782820606853
Langue
Français
Publié par
Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
1 648
EAN13
9782820606853
Langue
Français
Dans l'ab me du temps
Howard Phillips Lovecraft
1934
Collection « Les classiques YouScribe »
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Suivez-noussur :
ISBN 978-2-8206-0685-3
Chapitre 1
Après vingt-deux ans de cauchemar et d’effroi, soutenu par laseule conviction désespérée que certaines impressions sontd’origine imaginaire, je me refuse à garantir la véracité de ce queje crois avoir découvert en Australie occidentale dans la nuit du17 au 18 juillet 1935. On peut espérer que mon aventure fut en toutou partie une hallucination – à cela, en effet, il y avait denombreuses raisons. Et pourtant, le réalisme en était si atroce queparfois tout espoir me paraît impossible.
Si la chose s’est produite, alors l’homme doit être préparé àaccepter, sur l’univers et sur la place que lui-même occupe dans letourbillon bouillonnant du temps, des idées dont le plus simpleénoncé est paralysant. Il faut aussi le mettre en garde contre undanger latent, spécifique qui, même s’il n’engloutit jamais la racehumaine tout entière, peut infliger aux plus aventureux deshorreurs monstrueuses et imprévisibles.
C’est pour cette dernière raison que je réclame, de toute laforce de mon être, l’abandon définitif de toute tentative d’exhumerces fragments de mystérieuse maçonnerie primitive que monexpédition se proposait d’étudier.
Si l’on admet que j’étais sain d’esprit et bien éveillé, monexpérience cette nuit-là fut telle qu’aucun homme n’en a jamaisconnue. Ce fut en outre une effroyable confirmation de tout ce quej’avais tenté de rejeter comme autant de fables et de rêves. Dieumerci il n’y a pas de preuve, car dans ma terreur j’ai perdul’épouvantable objet qui – s’il était réel et tiré en effet de cedangereux abîme – en eût été le signe irréfutable.
J’étais seul quand j’ai découvert cette horreur – et jusqu’àprésent je n’en ai parlé à personne. Je n’ai pu empêcher les autresde creuser dans sa direction mais le hasard et les éboulements desable leur ont toujours évité de la rencontrer. Il me fautaujourd’hui rédiger une déclaration définitive, non seulement pourmon équilibre mental, mais pour mettre en garde ceux qui me lirontsérieusement.
Ces pages – dont les premières sembleront connues aux lecteursattentifs de la grande presse scientifique – sont écrites dans lacabine du bateau qui me ramène chez moi. Je les remettrai à monfils, le professeur Wingate Peaslee de l’université de Miskatonic –seul membre de ma famille qui me resta fidèle, il y a des années,après mon étrange amnésie, et le mieux informé des faits essentielsde mon cas. Il est, de tous les vivants, le moins enclin à tourneren dérision ce que je vais raconter de cette nuit fatale.
Je ne l’ai pas informé de vive voix avant de m’embarquer,pensant qu’il préférerait la révélation sous forme écrite. Lire etrelire à loisir lui laissera une image plus convaincante quen’aurait pu le faire le trouble de mes propos.
Il fera de ce récit ce que bon lui semblera – le montrant, avecles commentaires appropriés, dans tous les milieux où il pourraitêtre utile. C’est à l’intention de ces lecteurs mal instruits despremières phases de mon cas que je fais précéder la révélationelle-même d’un résumé assez détaillé de ses antécédents.
Je m’appelle Nathaniel Wingate Peaslee, et ceux qui serappellent les récits des journaux de la génération précédente – oules correspondances et articles des revues de psychologie d’il y asix ou sept ans – sauront qui je suis et ce que je suis. La presseétait pleine des circonstances de mon étonnante amnésie de1908-1913, insistant sur les traditions d’horreur, de folie et desorcellerie qui hantent la vieille ville du Massachusetts où jerésidais alors comme aujourd’hui. Je tiens encore à faire savoirqu’il n’est rien de dément ou de malfaisant dans mon hérédité et majeunesse. C’est un fait extrêmement important si l’on songe àl’ombre qui s’est abattue si brusquement sur moi, venant de sources extérieures.
Il se peut que des siècles de noires méditations aient dotéArkham, aux ruines peuplées de murmures, d’une particulièrevulnérabilité à de telles ombres – bien que cela même sembledouteux à la lumière d’autres cas que j’ai plus tard étudiés. Maisle point essentiel est que mes ancêtres et mon milieu sontabsolument normaux. Ce qui est arrivé est venu d’ailleurs– d’où ? J’hésite maintenant encore à l’affirmer enclair.
Je suis le fils de Jonathan et d’Hannah (Wingate) Peaslee, tousdeux de vieilles familles saines d’Haverhill. Je suis né et j’aigrandi à Haverhill – dans l’antique demeure de Boardman Street prèsde Golden Hill – et je ne suis allé à Arkham que pour entrer àl’université de Miskatonic comme chargé de cours d’économiepolitique en 1895.
Pendant les treize années suivantes, ma vie s’écoula, douce etheureuse. J’épousai Alice Keezar, d’Haverhill, en 1896, et mestrois enfants, Robert, Wingate et Hannah, naquirent respectivementen 1898,1900 et 1903. Je devins en 1898 maître de conférences etprofesseur titulaire en 1902. Je n’éprouvai à aucun moment lemoindre intérêt pour l’occultisme ou la psychologiepathologique.
C’est le jeudi 14 mai 1908 que survint l’étrange amnésie. Ellefut brutale et imprévue, bien que, je m’en rendis compte plus tard,de brefs miroitements quelques heures auparavant – visionschaotiques qui me troublèrent d’autant plus qu’elles étaient sansprécédent – dussent avoir été des symptômes précurseurs. J’avais unfort mal de tête, et la bizarre impression – tout aussi neuve pourmoi – que quelqu’un cherchait à s’emparer de mes pensées.
La crise se produisit vers 10 h 20 du matin, tandis que jefaisais un cours d’économie politique – histoire et tendancesactuelles de l’économie politique – aux étudiants de troisièmeannée et à quelques-uns de seconde. Je vis d’abord devant mes yeuxdes formes insolites, et crus me trouver dans une salle singulièreautre que la classe.
Mes idées et mes propos divaguaient loin de tout sujet, et lesétudiants s’aperçurent que quelque chose clochait gravement. Puisje m’affaissai, inconscient sur mon siège, dans une hébétude dontpersonne ne put me tirer. Mes facultés normales ne revirent augrand jour notre monde quotidien qu’au bout de cinq ans, quatremois et treize jours.
C’est naturellement des autres que j’appris ce qui suit. Jerestai inconscient pendant seize heures et demie, bien qu’on m’eûtramené chez moi au 27, Crâne Street, où je reçus les soins médicauxles plus attentifs.
Le 15 mai à trois heures du matin, mes yeux s’ouvrirent et je memis à parler, mais bientôt le médecin et ma famille furentépouvantés par mon expression et le ton de mes propos. Il étaitclair que je n’avais aucun souvenir de mon identité ni de monpassé, même si je m’efforçais, on ne sait pourquoi, de cacher cetteignorance. Mes yeux fixaient étrangement les personnes de monentourage, et le jeu de mes muscles faciaux n’avait plus rien defamilier.
Mon langage même paraissait gauche, comme celui d’un étranger.J’usais de mes organes vocaux avec embarras, en tâtonnant, et monélocution avait une curieuse raideur, comme si j’avaislaborieusement appris l’anglais dans les livres. La prononciationétait barbare, tandis que la langue comportait à la fois des débrisd’étonnants archaïsmes et des expressions d’une tournure absolumentincompréhensible.
Parmi ces dernières, l’une en particulier revint vingt ans plustard, de façon frappante – et même effrayante – à l’esprit du plusjeune de mes médecins. Car à l’époque cette expression commençait àse répandre – d’abord en Angleterre, puis aux États-Unis – etmalgré sa complication et son incontestable nouveauté, ellereproduisait dans le moindre détail les mots déconcertants del’étrange malade d’Arkham de 1908.
La force physique revint aussitôt, mais il me fallut unerééducation singulièrement longue pour retrouver l’usage de mesmains, de mes jambes et