Comme un parfum de violette
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Comme un parfum de violette , livre ebook

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Description



Roger, vieux râleur solitaire et grippe-sou notoire, a décidé cette année de faire plaisir à sa famille un peu trop encombrante en leur offrant un Noël digne d’un conte de fées. Mais ses proches n’ont d’yeux que pour l’héritage qui tarde à venir, sans se douter qu’ils s’apprêtent à recevoir des cadeaux très... particuliers.



« C’était peut-être ça, Noël, quand on est vieux. Après tout, qu’en savait-il ? La vie n’est jamais comme dans les films. Les grandes réunions familiales où tout le monde rit en s’échangeant des cadeaux, c’est la brochure publicitaire. Il supposa qu’il n’aimerait probablement pas passer les fêtes seul dans une maison de retraite, entouré d’autres vieux plus gâteux que lui. »



« Qui avait quoi que ce fût à faire d’un pauvre vieux, aigri et solitaire ? Il ne lui restait plus rien : personne à convaincre, personne à aimer. Personne pour préserver son souvenir après sa disparition. Seul lui. Lui et son s




Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 septembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782491282042
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COMME UN PARFUM DE VIOLETTE
 
 
Novella de    
Florence Barrier   

 
 
COMME UN PARFUM DE VIOLETTE
Florence Barrier
Les graviers de l'allée crissèrent sous les roues de la voiture qui venait de s'y garer.
— Bon sang de bois ! V'là encore les pique-assiettes !
Le vieux Roger posa son sécateur et enfonça sa casquette élimée sur le sommet de son crâne en maugréant. Mais qu'est-ce qu'il avait bien pu faire au bon dieu pour devoir supporter les visites incessantes de ses neveux ?
— Allons, c'est gentil de leur part de penser à venir te voir.
Roger foudroya du regard la Marie, sa voisine, de l'autre côté de la haie. Ses yeux plissés et une esquisse de sourire lui confirmèrent qu’elle s’amusait à l’avance de la mauvaise humeur que ne manquaient jamais de susciter chez son voisin les visites dominicales de sa famille. C'était facile, pour elle : un seul fils qui vivait à l'étranger et pas de petits-enfants. Alors que lui devait se farcir une tripotée de neveux et de nièces, bardés de mioches tout autour du nombril ! Non, elle ne savait pas la chance qu'elle avait.
— Oncle Roger ! Comme tu as bonne mine ! Les enfants, on ne court pas sur le gazon !
Et voilà, c'était reparti pour la comédie rituelle. Depuis qu'il devait pointer au chômage, son bon à rien de neveu, Henri, avait pris l'habitude de débarquer chez le vieux Roger chaque fin de mois, flanqué de sa bonne femme stupide et de leurs rejetons. Et les fins de mois commençaient de plus en plus tôt. Et étaient de plus en plus nombreuses… Tout âgé qu'il fût, Roger n'en était pas pour autant sénile. S'ils pensaient que le spectacle affligeant de leurs mines compassées allait l'attendrir au point de leur signer un chèque, ils se fourraient le doigt dans l'œil, et jusqu'au coude !
— Les enfants, on dit bonjour à l'oncle Roger !
Aujourd'hui, la femme d'Henri était attifée comme pour aller à la messe : boudinée dans un tailleur à fleurs bon marché et les cheveux dressés en choucroute sur le haut de sa grosse tête rougeaude. Un rouge à lèvres criard achevait de transformer sa bouche molle en deux limaces écarlates. En plus d'être fainéant, son imbécile de neveu n'avait jamais eu de goût.
— Oncle Roger ! Vous ne devriez pas vous occuper vous-même de la haie ! C'est plus de votre âge. Vous avez tout de même les moyens de payer quelqu'un pour ça !
On y était. Et cette fois, elle n'avait même pas attendu d'être à l'intérieur pour aborder le sujet. Record battu : moins d'une minute. Roger songea qu'avec un peu d'entraînement ils devraient être capables de lui parler de l'héritage avant même de descendre de leur monstrueuse bagnole. Ça aurait au moins le mérite d'écourter leurs insupportables visites.
— Je veux bien payer Henri pour s'occuper du jardin, ça me soulagerait, vous avez raison.
Celle-là, ils ne l'avaient pas vue venir.
— C'est que... Tu me connais, tonton, je suis pas très doué de mes mains.
— Oh non, oncle Roger, vous ne vous rendez pas compte du boulot que c'est de chercher du travail tous les jours. À votre époque, c'était facile, il y en avait pour tout le monde. Je me demande bien comment mon Henri trouverait le temps de venir vous aider.
— C’est vrai : si seulement j'avais plus de temps, je te ferais ça avec plaisir, tonton, tu t'en doutes.
— Du temps, tu en as, puisque tu es là aujourd'hui... Regarde : j'ai tous les outils dehors.
Le vieux Roger avait lui aussi pulvérisé son propre record pour les faire battre en retraite. Alors que la voiture quittait l'allée, emportant avec elle son horrible famille qui avait apparemment un rendez-vous urgent, il se félicitait de s'en tirer à si bon compte. Pour cette fois. Mais il savait qu'ils reviendraient à la charge. Les fêtes de fin d’année approchaient à grands pas et il redoutait de voir ses autres neveux se joindre à la famille d'Henri.
Chaque année, il devait subir le même harcèlement. Tous les prétextes étaient bons pour le pousser à vendre sa maison et à vider son compte en banque. Bien sûr, aucun d'eux n'avait jamais exprimé la chose aussi directement. Sous couvert de prendre soin de sa santé, on lui conseillait de quitter une si grande demeure pour un logement plus réduit : « Je t'assure, oncle Roger, tu serais bien mieux dans un studio : plus d'escaliers à monter, plus de jardin à entretenir ou de toiture à refaire... » .
Afin de lui éviter la fatigue de faire le ménage, on le dépouillait peu à peu de certains meubles, certains objets. Oh, évidemment, pas les vieilleries qu'il récupérait dans les brocantes, non, celles-là n'intéressaient personne. Par contre, le beau buffet Louis XV de sa grand-mère... Même le vieux tapis ramené après la guerre d'Algérie n'avait pas résisté à la "bienveillance" de ses chers neveux… « Tu ne te rends pas compte, le laisser en haut des escaliers, c'est la chute assurée si tu te prends les pieds dedans ! »
Et il y avait toujours un anniversaire, un mariage ou une naissance pour lui soutirer un chèque : « Voyons, tonton, avec tous les sous que tu claques à faire les vide-greniers, tu peux bien faire un geste pour le petit ! » Et si c'était son plaisir, à lui, de dépenser sa retraite en chinant ?
Cette comédie durait depuis la mort de sa chère Émilie. Avant la disparition de son épouse, Roger ne soupçonnait même pas qu'ils avaient autant de neveux et nièces. Évidemment, personne ne venait jamais les voir, du vivant de sa femme. Ça ne les avait pas empêchés de se servir largement, le lendemain de l'enterrement. Et que je prends ceci en souvenir de tante Émilie, et que je garde cela parce qu'elle aurait voulu que ce soit mes enfants qui en héritent... Le vieux Roger s'était retrouvé seul dans une maison désertée, aussi vide et désemparé qu'avaient dû l'être les sinistrés de l'ouragan Katrina.
Ils lui avaient bien laissé les photos. En revanche, plus trace de la vieille broche en argent, de l'alliance de sa femme, ni même de l'appareil photo numérique qu'ils s'étaient offert pour leurs noces d'or. Au Noël dernier, il avait même surpris deux de ses chers neveux en grande discussion. Le débat portait sur la nécessité d'abattre la cloison de la petite chambre avant de mettre la propriété en vente. Ils en parlaient devant lui comme s'il était déjà dans la tombe ! Une belle bande de vautours, oui !
Noël était devenu pour Roger la pire période de l’année. Sa femme était partie un soir de décembre. Elle avait insisté pour qu’il descende les vieilles décorations du grenier et pour qu’il aille acheter le plus beau des sapins. Émilie avait toujours aimé les Noëls qui sentaient la forêt. Roger n’avait pas pu refuser de lui offrir un dernier réveillon étincelant. Les médecins avaient tablé sur quelques semaines, peut-être jusqu’au printemps. À la maison, on n’abordait pas le sujet. Il leur suffisait de croiser le regard de l’autre pour comprendre que l’échéance ne quittait pas leurs esprits. Alors ils se souriaient, timidement, comme pour s’excuser d’y penser, puis ils parlaient des actualités ou du chien du voisin qui empêchait tout le quartier de dormir. Roger avait fait semblant de prendre plaisir à redécouvrir les guirlandes élimées qu’il refusait de jeter. Et elle avait fait semblant de croire à son ton enjoué. Elle l’avait ensuite aidé avec la fermeture éclair de son anorak : son arthrose le gênait dans certains gestes quotidiens, plus encore quand la température descendait.
Il neigeait, cette année-là, la circulation était difficile sur les routes verglacées. Quand il était revenu deux heures plus tard, les bras chargés du sapin le plus odorant qu’il avait pu trouver, elle s’était déjà endormie définitivement, un vague sourire s’étiolant sur ses lèvres pâles. D’après la voisine, Émilie avait dû préférer partir seule pour lui épargner des adieux douloureux. Roger n’était pas dupe : la Marie cherchait à atténuer sa...

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