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Description

Paysagiste de profession, Loïc Stock compose un recueil de cinq nouvelles dans lequel la nature occupe une place centrale.


Dans la première nouvelle, un homme finit par renouer avec le plaisir de la lecture après avoir souffert de dyslexie. S'ensuit le récit de voyage d'un trio de navigateurs mélomanes, qui partagent un même goût pour l'aventure. La troisième nouvelle a pour décor un site naturel remarquable, où un parapentiste sauve une espèce d'arbre menacée de disparition. Puis une idylle bretonne interrompue laisse planer le doute dans l'esprit du lecteur. Dans la sombre affaire de mœurs qui clôt l'ouvrage, l'auteur démontre sa maîtrise de l'art de la narration, en ménageant le suspense jusqu'à la chute.


En observateur fin et sensible, il décortique à travers chacun de ses protagonistes une facette différente de la psyché humaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 juin 2017
Nombre de lectures 3
EAN13 9782414063789
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-06376-5

© Edilivre, 2018
Rue monte au ciel Confessions d’un dyslexique
 
 
« Le meilleur moment de l’amour c’est lorsque l’on monte l’escalier » –
Georges Clémenceau.
Le meilleur dans l’école pour le jeune écolier que j’étais, était d’emprunter la « rue monte au ciel » qui menait de chez moi au groupe scolaire situé sur les hauteurs du village.
Je n’ai jamais su si son nom lui venait de ce qu’elle était particulièrement raide au point que, dans ses derniers mètres, on ne voyait plus que le ciel, ou bien parce qu’elle menait au cimetière en passant devant le monument aux morts, pour indice. Elle existe toujours aujourd’hui ; elle est seulement passée à sens unique, soit parce qu’elle est devenue trop dangereuse, soit parce qu’on ne redescend plus du ciel depuis J.-C. Dieu était là-haut et cela arrangeait déjà ma jeune mauvaise conscience qu’il ne redescende pas parmi nous, pauvres pêcheurs.
Là-haut, il y avait surtout le maître d’école, avec sa blouse grise, son cache-col, son chapeau mou et son sifflet. Il arpentait la cour de récré au bras de Madame la maîtresse en attendant de donner le coup de sifflet qui nous enfermerait en classe pour le reste de la matinée.
Mon bonheur dans la montée était multiple. J’étais alors considéré comme un grand, sans maman et à l’extérieur de la propriété familiale dont les allées du parc auraient tout aussi bien pu me mener à l’école par l’intérieur jusqu’au portillon du fond. Je longeais notre grand mur d’enceinte rassurant mais à l’extérieur cette fois. Je devinais derrière les moellons, mes cachettes, mes cabanes, mes nids et entendais chanter chacun de mes oiseaux favoris.
Dans la montée j’effectuais mes premières mondanités : à l’opposé de mon grand mur, dans les petits jardins, ou à travers les fenêtres des modestes maisons, je saluais, très poliment, et étais salué par mes voisins, toute ma clientèle perso pour les timbres scolaires et billets de tombola. Je me souviens avec un peu de honte que mes parents m’avaient gentiment accusé de racket à propos de la pauvre vieille Mme Celle qui me sortait péniblement une petite pièce de son porte-monnaie pour me prendre un timbre en s’excusant d’être aussi pauvre. J’avais au moins une vraie copine ; je l’aimais bien, au point de lui rendre visite en dehors de tout commerce. Elle m’ouvrait alors sa boîte de biscuits et de bonbons, rangée sur la cheminée à côté du portrait de son mari en tenue militaire, mort à la guerre de 14. Elle était toujours en noir et marchait pliée en deux sur sa canne.
Mais le plus grand bonheur de cette montée du chemin creux, au soleil levant, était qu’une nouvelle journée commençait, que la vie toute entière s’éveillait dans ma campagne adorée et j’en serais l’acteur. Même l’école m’attirait : soif d’apprendre, de comprendre, poser des questions, lever le doigt en premier, répondre à celles du maître…
Ce dernier avait la réputation d’être le meilleur du canton parce que tous ses candidats au certificat de fin d’études étaient tous reçus…alors qu’il entassait les cancres au fond de la classe. Il était résolument sévère, à la plus grande satisfaction des parents, voir méchant avec les plus mauvais élèves. Quand il nous faisait rire, c’était toujours à leurs dépens. Mais jamais ni lui, ni la maîtresse n’ont exprimé le moindre sentiment, pas la moindre émotion, pas la moindre tendresse à l’égard des plus paumés, ceux qui quittaient leur foyer honteux pour trouver soutien et même salut à l’école.
Même avec moi, il restait campé dans son rôle d’instit. C’était bien ainsi ; toute familiarité aurait pu être assimilée à du favoritisme. Mon père était alors le maire du village et l’instituteur son secrétaire de mairie. J’étais malgré tout régulièrement premier de la classe. Je ne pense pas que c’était pour plaire à mes parents avec lesquels il était très ami. Par pudeur n’osait-il pas y placer son fils, mon grand copain soixante ans après encore, sans doute meilleur élève que moi – la suite de sa carrière l’a prouvé.
Toujours est-il, qu’en récompense, à la distribution des prix, je devais embrasser Pierre Mendes France qui me remettait mon livre de prix. Il avait été élu, dans notre circonscription, le plus jeune député de France. Mais il me paraissait vieux et laid comme une momie sans bandelettes à la peau de parchemin que je devais contourner d’une joue à l’autre ! Un calvaire qui m’a longtemps hanté. Trente ans plus tard alors que j’étais à mon tour élu municipal dans un village environnant, je réussissais à abolir cette pratique pour éviter aux minots d’embrasser le vieux barbu de trente-cinq ans que j’étais devenu à mon tour.
À l’effroi de son baiser P.M.F. ajoutait celui d’un énorme livre à la peau rouge et la tranche dorée, intitulé La Mare au Diable qu’il me tendait pour prix, avec un petit sourire complice, qui ne parvenait pas à me rassurer. Après tant d’honneurs diaboliques, se doutait-il déjà que jamais je ne le lirais.
Oui, il est temps d’avouer que bien que premier de la classe, au moment de la rentrée en 6 ème je savais à peine lire. De toute évidence dans les petites sections, l’avantage du milieu social, de la culture générale, administrée consciencieusement ou inconsciemment par mes parents compensait mes difficultés à apprendre en classe. Dans le terroir de mon école rurale, ce vernis me suffisait à briller. Mais en avais-je vraiment envie…
Le statut de fils de bourgeois et de notable allait me déranger dès le plus jeune âge et, particulièrement dans l’école primaire de mon village où je voulais avant tout être admis par mes égaux, mes copains de classe et de jeux. J’allais traîner ce complexe toute ma vie au point de me complaire parfois dans une forme de trivialité provocante et de m’opposer, dès que l’occasion m’était offerte, à tous ceux qui veulent s’imposer par leur rang social.
Les débuts d’intégration dans mon école avaient été particulièrement difficiles. Mon souci de me fondre dans le groupe n’était assurément pas partagé par ma mère.
En 1950, nous arrivions d’Allemagne où mes parents avaient été missionnés pour engager un commerce de bois vers la France au titre des dommages de guerre. J’ai ainsi parlé l’allemand avant le français. Ma mère, très pragmatique, avait ainsi découvert l’intérêt indestructible de la culotte de cuir, oui, la culotte courte en peau avec des cornes de cerf et de pommes de pin brodés sur les bretelles.
C’est ainsi culottés que nous nous rendions mon frère et moi à l’école de la République Française quelques années après le fin de la guerre – contre l’Allemagne faut-il le rappeler. Comme les écoliers allemands, nous portions aussi notre cartable (« la carte » en archépontains) sur le dos, encore avec des bretelles. Nous avions ainsi les mains libres et aurions le dos droit. Élémentaire mon cher frère ! Toi qui eus vite assez de te faire traiter de boche et portais ton cartable à la main dès le haut de la « rue monte au ciel » ! De plus, nous portions un nom à consonance allemande (bien qu’il fût écossais) et, pour aggraver notre cas aux yeux de nos camarades pour le moins revanchards, nous servions d’interprètes sur les bancs de l’école aux enfants d’un ingénieur papetier allemand, venu lui aussi pour construire la nouvelle usine de cellulose du site.
Cette usine valait à mes parents d’être bientôt traités en bienfaiteurs par les ouvriers du cuir qui croupissaient dans les fabriques de chaussures environnantes. Malgré des débuts difficiles, nous avons vite eu tous les enfants du village pour amis. Il n’était pas rare d’en trouver plus d’une dizaine chaque jeudi à jouer au ballon sur la pelouse de la maison sur laquelle on avait installé des buts de football.
Nous avons rapidement cesser de parler allemand y compris avec Lotte, notre nounou allemande, qui nous avait suivis jusque-là.
En classe, mes difficultés à apprendre à lire avaient sans doute d’autres origines : examens médicaux, tests psychologiques et autres tests ne décelèrent rien de particulier jusqu’à ce qu’on me déclare atteint de dyslexie.
Je me souviens toutefois d’un test qui n’avait pas manqué de nous émouvoir. Le psychologue commençait à me raconter une histoire et il me demandait d’y trouver une fin. C’était celle d’un petit oiseau tombé de son nid. Compte tenu de mes compétences en la matière – je passais mes jeudis à observer, voire à traquer les oiseaux dans mon parc – je finis tout naturellement l’histoire par la mort de l’oiseau mangé par un chat sous les piaillements désespérés des parents oiseaux, comme je l’avais si souvent observé. Le psychologue m’avait alors catalogué d’enfant atteint de morbidité grave et me décrétait inapte aux études secondaires puis supérieures. Il avait été désavoué par mes instituteurs et mes parents. Ma méfiance actuelle pour tout ce qui commence par « psy » trouve peut-être son origine dans cet épisode. J’en étais sorti grandi pour une fois. Ma mère avait déjà un cancre en la personne de mon frère et se faisait mal à l’idée d’en avoir un second avec moi. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir soutenu et encouragé. Il m’arrive toutefois de me demander si le conseiller d’orientation n’avait pas eu un peu raison : lequel de l’écolier ou de l’école n’était pas fait pour l’autre ?
Les séances de lecture à l’école, comme à la maison, étaient de véritables calvaires. J’avais beau suivre avec mon doigt cela ne sortait pas. Je pouvais buter pitoyablement sur un mot et trébucher comme un coureur sur une taupinière. Une page de lecture n’était qu’un champ de taupinières, de bouses glissantes et de grands champignons infranchissables comme dans le cauchemar qui hantait mes

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