Vertigo
136 pages
Français

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Description

.Qui est ce Jeff, personnage imaginaire et pourtant si proche ? Un être inquiet et fragile, avide d’un bonheur partagé que la vie lui refuse. Le roman suit la quête vaine, la solitude profonde de cet antihéros, trop tendre pour le monde impitoyable qui l’entoure. Un récit de la chute qui nous plonge dans une intrigue familiale, amoureuse et policière.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414024483
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-02446-9

© Edilivre, 2017
Les Fils du Ciel
Exilé sur le sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
C Baudelaire : L’Albatros
Chapitre 1
La chaleur de plomb de ce début d’été le penche en avant vers la poussière du chemin creux, au bord de la rivière. Eviter les racines, lutter contre le chancellement de son corps, soudain en apesanteur, apprivoiser les percussions de son cœur dans ses oreilles, un vrai défi ce jour-là. Le monde danse autour de lui, protéiforme, sans repère ni ligne droite rassurante. Un monde vaseux et dangereux, un monstre qui cherche à l’avaler, à l’engloutir… Quand il sent venir le manque, Jeff cherche à le nier, le tromper. Alors se met en place chez lui toute une stratégie d’évitement. Il se force par exemple à une sociabilité de bon aloi, qui n’est pas dans sa nature. Il téléphone à des connaissances plus ou moins lointaines ou bien à son frère qui n’est plus son confident immédiat, loin s’en faut. Ou alors il feint de répondre volontiers aux questions des visiteurs du Parc des Oiseaux auxquels il présente les rapaces dont il a la charge. Un sourire forcé lui crispe le visage. Mais il est rapidement repris par l’angoisse du coup de pioche à l’estomac. Il n’a pas pu résister longtemps, ce jour-là.
Le shoot a été terrible. Un chien fou, qui vous saute à la poitrine, et qui serre, et qui secoue. En début d’après-midi, il a traîné sa carcasse maigre et ses yeux fiévreux près du pont du port fluvial. Son « ami » le Mexicain était là, comme d’habitude, avec son sourire en coin, sa mèche de cheveux gras et plaqués et sa moustache noire qui lui masque la bouche. D’où son surnom. Il s’était pourtant longtemps interdit l’héroïne, dernier rempart selon lui de sa dignité et de sa liberté. Mais depuis quelques mois, il a franchi le pas. Après un éclair violent et passager, le trip s’est installé progressivement. Une bête chimérique prend en lui toute la place. Les formes ont commencé à s’alanguir. Les droites dansent et ondulent, autonomes. Il ferme les yeux. Il se sent invulnérable. La vieille Ford a roté plusieurs fois une fumée bleue et a fini par sortir du chemin vaseux, près du Rhône. L’œil allumé, il regarde loin devant mais semble ne pas voir. Ces journées de déprime shootées deviennent trop fréquentes. Il le sait mais le subit. La voiture s’est engagée sur la route du Parc des Oiseaux pour s’arrêter devant le local, transformé en studio provisoire qu’il occupe à titre gracieux, le temps de plusieurs stages reconduits. Il est allé chercher son oiseau, un jeune faucon de haut vol, qu’il a dressé et qu’il chérit. Il lui a mis son capuchon et a pris son gant de cuir. Un sentiment de solitude mouille furtivement son regard. Son seul ami, une bête ! La Ford a redémarré et l’a emmené presque toute seule sur les bords de la Drôme, après avoir fait son chemin entre ronces et buis. Au bout, un espace retiré, abrité des regards et une impression de merveilleux infini. Au fond, le massif des Trois Becs se découpe : trois dents sombres mordant la toile bleue du ciel. Le ruban argenté de la rivière miroite entre les iles de limon et les galets blancs. A ses pieds, un bras bleu bouillonne encadré par des plages de sable blanc. C’est là qu’il avance en titubant dangereusement sur les dalles glissantes. Il va rejoindre son île, blottie parmi les buddleias sauvages, poussés dans le lit de la rivière. Il a l’habitude de digérer son trip, seul avec son oiseau et sa déprime exaltée. Contemplatif et effaré, en face de la beauté du monde. Il s’allonge sur le sable et ses yeux se mouillent. Qu’a-t-il fait de sa vie ? Le choc du shoot le heurte de plein fouet, en vagues ondulantes qui partent du ventre, de l’intime. Elles meurent dans son regard frissonnant, pupilles élargies et possédées. Les arbres de la rive prennent des formes étranges et molles et viennent lui parler. Le monde rationnel fond, englouti par un autre espace. Sur l’eau miroitante s’installe une sirène, qu’il croit reconnaitre entre ses cils. Une déesse alanguie l’attend, la chevelure défaite et ruisselante. « Que fais-tu, Julie ? Où es-tu partie ? ».Un sourire triste d’enfant malade court sur son visage. Il se sent défaillir, au bord de la syncope. Il s’allonge sur le dos et pose son oiseau sur l’avant-bras. Alors le temps s’arrête, un ailleurs s’installe. Anywhere out of the world . N’importe où, mais hors du monde ! Baudelaire lui revient dans une expiration et le hante, comme au temps de son adolescence.
Mais l’oiseau s’agite, le tire de sa torpeur. La tête découverte en éveil, il pousse de petits cris qui annoncent le désir du vol et de la chasse. Jeff s’assoit difficilement, la tête lourde. Le sang pulse dans ses oreilles. Il lâche l’oiseau qui s’enlève lourdement du gant de cuir. Ce n’est pas très légal mais Jeff n’en est plus à une entorse près. Bernini et le juge ferment les yeux. Il le voit prendre de la hauteur et survoler l’autre rive. Qu’a-t-il vu ou entendu dans ces solitudes vertes et silencieuses ? Jeff a du mal à traverser la rivière tumultueuse pour suivre son oiseau qui tournoie toujours. Soudain, celui-ci semble s’arrêter sur sa cible, la pointant du bec et du regard. Dans une contre-allée sablonneuse et très bien aménagée pour la balade en famille, une jeune femme trottine. La joggeuse en short se rapproche peu à peu de l’oiseau. Casque sur les oreilles, elle n’entend rien, toute à son plaisir. Sa queue de cheval blonde marque gracieusement par derrière le rythme de ses foulées. Elle semble légère et heureuse. Jeff a un coup au cœur, soudain mauvais et jaloux de ce bonheur simple et calme qu’il ne trouve plus. Il laisse son oiseau faire comme pour se venger de cette fille épanouie et lui faire peur. Qu’elle parte, avec son bonheur et sa beauté tranquille !
Après plusieurs virages serrés sur sa gauche, l’animal plonge sans hésiter. C’est la première fois qu’il s’en prend à un être humain. A deux mètres de la tête, il tend ses serres en avant. Les griffes arrachent le baladeur et il commence sa besogne. Le bec taillade profondément le cuir chevelu, les serres perforent les deux joues de la victime qui hurle de douleur et de frayeur. Elle tombe par terre et essaie de se protéger en se roulant sur le ventre. En vain. L’oiseau s’acharne. Alors Jeff, affolé, court pour arrêter son rapace. La jeune femme hurle toujours, le visage en sang. Mais ses cris redoublent lorsqu’elle voit le visage hagard et fasciné de Jeff. Elle frappe, griffe, mord, veut sortir son portable pour appeler à l’aide. Alors la colère monte en Jeff, une rage qu’il ne soupçonnait pas. Dans quelle galère va-t-elle le mettre encore ? Il appuie sa main sur la bouche de la fille. Arrêter ces cris, pour la calmer et lui expliquer. Puis il serre sa gorge. D’une main, puis des deux. Pourquoi ? Lui-même ne le sait pas. Le visage de la femme enfle et rougit. Sa voix devient grave puis rauque puis fascinante, comme dans un écho lointain. Jeff, lui aussi, crie, râle. Il connait pourtant ces phases d’excitation extrême que produit chez lui cette dope. Chaque pallier de relatif répit le relance en spirale ! Il déchire le tee-shirt et fait jaillir deux seins palpitants. Il en aurait pleuré d’émotion. D’une main furtive et honteuse, il les caresse. Une bouffée de sensualité le submerge. Il revoit les seins de Julie, deux petits pigeons qu’il aimait surprendre au nid, ceux de Gloria, lourds et tièdes, entre lesquels il aimait se laisser aller… Les yeux de la femme roulent en tous sens puis se voilent doucement. Jeff se reprend, soudain conscient de la situation et la repousse violemment. Elle chute lourdement en arrière. Jeff entend nettement le choc du crâne de la joggeuse sur le rebord de la table d’orientation pour les randonneurs. Elle s’affaisse et saigne immédiatement du nez. Ses talons cessent très vite de frapper le sable. Jeff est atterré. Il demeure stupéfait, sidéré par son geste et reste longtemps à hoqueter en fixant ses mains. Comme c’est facile de tuer ! Même involontairement. Il finit par retrouver son souffle. Vite, cacher le corps et partir, fuir ! Des coups de massue écrasent sa poitrine. Il se retourne pour vomir une bile visqueuse qui lui plie le ventre. Ses jambes se mettent à trembler de manière incontrôlable. Une immense fatigue l’envahit. Il croit qu’il va défaillir : une sensation de vide absolu, du corps, de l’âme et de l’esprit. Il essaie dans un ultime effort de se concentrer. Vite ! Prendre une décision ! Il traîne le corps mou vers la rivière, près d’un chaos de roches austères et de dalles plates surplombant des remous impressionnants. Peut-être croira-t-on à une chute et à une noyade. Pourquoi pas ? Cela arrivait chaque année. La Drôme reste une rivière sauvage, qui a ses caprices et ses dangers. La sportive fatiguée aura voulu reprendre son souffle et alors… une glissade affreuse… De toute façon, il ne voit pas d’autre choix.
Jeff repasse mentalement ce scénario en lâchant le corps sur les roches glissantes. La tête heurte la dalle avec un bruit sourd qui l’affole et lui tord le visage. Un bras anormalement plié fait un angle bizarre avec le dos de la victime. Et puis tout glisse sans un bruit dans l’eau. Un instant, les pieds restent visibles puis la rivière se referme. Jeff traverse le gué, cachant contre son ventre son oiseau encapuchonné. Il retrouve la vieille Ford. Au bout du chemin de ronces, la départementale apparait, comme dans un rêve. Jeff conduit tel un automate. Il faillit heurter une voiture bleue garée sur le côté. Il l’évite de justesse et regarde dans son rétroviseur, inquiet. Un père et son fils se disputent gentiment la maîtrise d’

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